La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2015 | FRANCE | N°13-87842

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 janvier 2015, 13-87842


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jonathan X...,
- La société Allianz Iard, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 13 janvier 2012, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 décembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procÃ

©dure pénale : M. Guérin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, M. Pers, cons...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jonathan X...,
- La société Allianz Iard, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 13 janvier 2012, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 décembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DUVAL-ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, de Me HAAS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 3 de la loi du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradictions de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer à M. Y... agissant en qualité de tuteur de sa fille Mme Laetitia Y..., à titre de dommages-intérêts et en deniers ou en quittance, la somme de 1 719 819,35 euros, dont 638 822,40 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et a déclaré l'arrêt opposable à la société Allianz IARD ;

"aux motifs que, pour les «consommables», le capital doit être calculé par référence au prix de l'euro de rente viagère pour une femme âgée de 21 ans (née le 15 juin 2001, Mme Laetitia Y... avait 21 ans à la date de consolidation de ses blessures), soit 33,272 ; que le calcul a lieu de s'effectuer, en l'occurrence, comme suit : eau gélifiée 6 pots par jour à 0.65 euros pièce, soit pour 365 jours (0.65 x 6 x 365 = 1 423 euros ; couches 7 paquets par mois, soit 167.43 euros par mois, soit par an (167.43 x 12) = 2 009,16 euros ; alèses 3 paquets par mois, soit 34.57 par mois, soit (35.57 x 12) = 56.88 euros ; Total annuel = 4 123,38 euros ; capital : (4 123,38 x 33.272) = 137 193,09 euros ; qu'âgée de 19 ans au moment de l'accident , Mme Laetitia Y... venait seulement de réussir le baccalauréat ; qu'il n'y a pas au dossier, nonobstant son 20/20 en «sciences de la vie et de la terre», d'éléments précis et fiables permettant d'admettre qu'elle pouvait raisonnablement espérer devenir cadre et percevoir un salaire de 3 850 euros par mois ; que le tribunal a, comme offert, retenu un calcul du préjudice sur la base d'un salaire mensuel de 1 600 euros, soit par an 19 200 euros ; que sur la base du prix d'un euro de rente jusqu'à 65 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 21 ans au jour de la consolidation (33.272) l'on aboutit au chiffre de (19 200 x 33.272) = 638 822,40 euros ;

"1°) alors que la contrariété de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir, d'une part, pour calculer le capital dû pour les consommables dont Mme Laetitia Y..., âgée de 21 ans au moment de la consolidation de ses blessures, allait avoir besoin toute sa vie, une valeur de l'euro de rente viagère de 33 272 et, d'autre part, pour calculer la perte de gains professionnels futurs, une valeur de l'euro de rente jusqu'à 65 ans également de 33,272 «perte de gains professionnels futurs» ; qu'en appliquant la même valeur du point de 33,272 à deux postes de préjudices dont l'un est destiné à compenser le préjudice subi pour toute la vie de la victime et l'autre est destiné à indemniser uniquement un préjudice jusqu'à l'âge de 65 ans, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir, d'une part, pour calculer le capital dû pour les consommables dont Mme Laetitia Y..., âgée de 21 ans au moment de la consolidation de ses blessures, allait avoir besoin toute sa vie, une valeur de l'euro de rente viagère de 33 272 et, d'autre part, pour calculer la perte de gains professionnels futurs, une valeur de l'euro de rente jusqu'à 65 ans également de 33,272 «perte de gains professionnels futurs» ; qu'en appliquant la même valeur du point de 33,272 à deux postes de préjudices dont l'un est destiné à compenser le préjudice subi pour toute la vie de la victime et l'autre est destiné à indemniser uniquement un préjudice jusqu'à l'âge de 65 ans, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice en allouant une somme supérieure à celle due et a ainsi violé les textes susvisés" ;

Attendu que, statuant sur la réparation de la perte de gains professionnels futurs subie par Mme Laetitia Y..., à la suite de l'accident de la circulation dont elle a été victime et dont M. X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré entièrement responsable, l'arrêt attaqué a capitalisé cette perte sur la base de l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du Palais de 2011 pour une femme de 21 ans, tout en indiquant appliquer l'euro de rente jusqu'à l'âge de 65 ans ;

Attendu que l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'il résulte de ses motifs qu'en raison de la gravité des séquelles présentées par Mme Y..., la perte de gains professionnels subie était nécessairement viagère, en l'absence de toute possibilité pour cette dernière de se constituer une retraite ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L 212-9, L 211-13 du code des assurances, 12 de la loi du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Allianz IARD à payer à M. Y..., agissant en qualité de tuteur de sa fille Mme Laetitia Y..., au titre de la pénalité prévue à l'article L 211-13 du code des assurances, les intérêts du 8 janvier 2004 et 19 janvier 2005 inclus sur la somme de 1 211 716 euros calculés au double du taux de l'intérêt légal ;

"aux motifs qu'il ressort du dossier et des pièces produites par les parties que ce n'est que par un courrier posté le 19 janvier 2005 que l'assureur a présenté une offre d'indemnité à Mme Laetitia Y... ; que si cette offre (préjudices soumis à recours 1 079 716 euros, préjudices non soumis à recours 132 000 euros, total 1 211 716 euros) n'apparaît pas manifestement insuffisante, au regard des montants alloués par le jugement du 15 novembre 2006 et par le présent arrêt, de sorte qu'il n'y a pas lieu à application de la pénalité de l'article L. 211-14 du code des assurances, l'on ne peut que relever qu'elle a été présentée plus de cinq mois après la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation des blessures de Mme Laetitia Y... ; que le délai de cinq mois ne saurait, en l'espèce, avoir commencé de courir avant le 7 janvier 2004, date de réception du rapport du docteur, M. Z..., au greffe du tribunal correctionnel de Sarreguemines, cette date étant la seule à laquelle il est permis d'affirmer à partir de quel moment l'expert a diffusé aux parties la version définitive de son travail ; que la partie civile est, dans ces conditions, en droit d'obtenir paiement par Allianz IARD des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 1 211 716 euros pour la période ayant couru du 8 janvier 2004 au 19 janvier 2005 ;

"alors que lorsque l'offre définitive d'indemnisation n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal qu'à compter de l'expiration du délai de cinq mois et jusqu'au jour où l'offre a été faite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la date à laquelle la consolidation de l'état de santé de Mme Laetitia Y... avait été connue était le 7 janvier 2004, date du dépôt du rapport d'expertise, et que la société Allianz avait adressé une offre d'indemnisation le 19 janvier 2005 ; qu'il se déduisait de ces deux dates que le doublement du taux d'intérêt légal avait pour point de départ le 8 juin 2004 et jusqu'à l'offre définitive faite le 19 janvier 2005 ; qu'en jugeant néanmoins que la société Allianz devait payer à M. Y... le double des intérêts au taux légal sur la somme de 1 211 716 à compter du 8 janvier 2004 et jusqu'au 19 janvier 2005, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

Vu l'article L. 211-13 du code des assurances ;

Attendu qu'il résulte de cet article que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 dudit code, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ;

Attendu que l'arrêt attaqué retient que le délai de cinq mois prévu par cet article pour que l'assureur fasse une offre d'indemnisation a commencé à courir le 7 janvier 2004, date de réception du rapport d'expertise, ayant fixé la date de la consolidation de Mme Y..., que la société Allianz Iard n'a présenté une offre que le 19 janvier 2005 et que la partie civile est en droit d'obtenir des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 8 janvier 2004 ;

Attendu qu'en fixant la pénalité due par la société Allianz Iard à compter du point de départ du délai de cinq mois au lieu de son expiration fixée le 8 juin 2004, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 13 janvier 2012, mais en ses seules dispositions selon lesquelles les intérêts au double du taux légal sont dus à compter du 8 janvier 2004, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que ces intérêts sont dus à compter du 8 juin 2004 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept janvier deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-87842
Date de la décision : 27/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 13 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jan. 2015, pourvoi n°13-87842


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.87842
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award