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11/02/2015 | FRANCE | N°13-22978

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-22978


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 13 juin 2013), que M. X..., salarié des MJC d'Ile-de-France, exerçait les fonctions de régisseur chargé de programmation au sein d'un centre d'animation, lorsqu'en 2010, l'activité de ce centre a été confiée par la ville de Paris à l'association ACTISCE ; qu'il a fait l'objet d'un avertissement le 3 avril 2012 après avoir envoyé avec d'autres salariés un courriel collectif à trois membres de la direction générale de l'a

ssociation ; qu'il a saisi, le 30 avril 2012, la formation de référé du conse...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 13 juin 2013), que M. X..., salarié des MJC d'Ile-de-France, exerçait les fonctions de régisseur chargé de programmation au sein d'un centre d'animation, lorsqu'en 2010, l'activité de ce centre a été confiée par la ville de Paris à l'association ACTISCE ; qu'il a fait l'objet d'un avertissement le 3 avril 2012 après avoir envoyé avec d'autres salariés un courriel collectif à trois membres de la direction générale de l'association ; qu'il a saisi, le 30 avril 2012, la formation de référé du conseil de prud'hommes, afin d'obtenir l'annulation de cette sanction et des dommages-intérêts ; que l'union des syndicats CGT de Paris est intervenue à l'instance ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de le débouter ainsi que le syndicat de leurs demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos tenus par un salarié dans le cadre de ses fonctions ne peuvent être sanctionnés que s'ils présentent un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif ; qu'en refusant de considérer que l'avertissement caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, sans avoir établi que les propos motivant cette mesure étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2°/ que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos incriminés tenus par M. X... auprès des seuls membres de la direction, dans le cadre d'une polémique sur le niveau des salaires, et visant à répondre à la mise en cause dont il avait fait l'objet devant le comité d'entreprise et à porter des revendications à caractère syndical, s'ils sont vifs, ne caractérisent pas un abus de sa liberté d'expression, dès lors qu'ils ne contiennent aucun propos injurieux, diffamatoires et ne dépassent pas les limites de la critique et de la revendication admises ; qu'en refusant de considérer que l'avertissement caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail, ensemble l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que les limites de la critique et de la revendication admises pour un travailleur s'exprimant dans le cadre de son activité syndicale sont plus larges qu'en dehors de ce cadre ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que les salariés s'exprimaient dans le cadre de leur activité syndicale pour apprécier le caractère abusif de leurs propos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail et des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'il incombe au salarié qui prétend avoir subi une discrimination de présenter des éléments de fait qui en laissent supposer l'existence ; qu'en refusant de considérer que le salarié qui produit l'avertissement motivé par les propos qu'il a tenus dans le cadre de son activité syndicale est un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre collective adressée à trois membres de la direction générale de l'entreprise, les accusait d'user de procédés tels que la diffamation ou la diversion pour ne pas prendre en compte les préoccupations des salariés, leur adressait un ultimatum d'obéir à un ordre d'engager immédiatement des négociations et de répondre à leur convocation en adoptant un ton menaçant, la cour d'appel a pu en déduire que le salarié, dont elle a fait ressortir qu'il ne s'exprimait pas dans le cadre d'une action syndicale, avait abusé de sa liberté d'expression ; qu'ayant par ailleurs constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que, s'il était représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le salarié n'invoquait, s'agissant de la délivrance d'un avertissement, aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, elle a pu décider qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et l'union des syndicats CGT de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'union des syndicats CGT de Paris
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé sur l'action introduite par Monsieur X... aux fins de voir constaté que son avertissement constitue un trouble manifestement illicite, de le voir annulé, de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à la condamnation de l'association ACTISCE à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et d'AVOIR débouté l'union des syndicats CGT de Paris de sa demande tendant à la condamnation de l'association ACTISCE à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif porté à la profession ;
AUX MOTIFS propres QUE Monsieur X... exerce depuis le mois de septembre 2010 des fonctions de représentant du personnel au CHSCT ; qu'il n'apporte cependant aux débats aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale directe ou indirecte ; qu'ainsi, rien ne fait apparaître que la sanction dont il a fait l'objet aurait, d'une manière quelconque, été prononcée en raison de son appartenance syndicale ; que dans le courrier collectif envoyé par courriel du 23 février 2012 depuis la messagerie professionnelle de M. Y... et signé par Pierre Y..., Bénédicte Z..., Angela A..., Yann X..., et Véronique B... et adressé à trois membres de la direction générale, le directeur des ressources humaines, le directeur général adjoint et le directeur général, les signataires dénoncent l'absence de négociations en matière d'augmentations de salaires, accusent la direction de l'association de diffamation à leur encontre et exigent sa venue à un rendez-vous qu'ils ont unilatéralement fixé pour démarrer immédiatement des négociations sur ce thème, sous la menace de la déception des animateurs et du caractère très dommageable de son absence ; que Monsieur X... a fait l'objet d'un avertissement, au motif que cette lettre était irrespectueuse envers les trois membres de la direction générale, les accusait d'user de procédés tels que la diffamation ou la diversion pour prétendument ne pas prendre en compte les préoccupations des salariés, leur adressait un ultimatum d'obéir à un ordre de démarrer immédiatement des négociations et de répondre à leur convocation en adoptant un ton menaçant ; que rien ne fait apparaître qu'une atteinte injustifiée et abusive aurait été apportée à la liberté d'expression du salarié, telle que mentionnée à l'article L. 1121-1 du code du travail ;
AUX MOTIFS adoptés QUE il n'apporte aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, qui ne saurait résulter du seul fait de son élection au CHSCT ; que l'utilisation par les signataires de termes tels que « diffamation, proférer des contre-vérités,¿ », ainsi que le véritable ultimatum posé à l'employeur, sous la menace de la « déception des animateurs » et « du caractère très dommageable de l'absence de l'employeur » outrepassent la liberté d'expression garantie au salarié et constituent un abus de la liberté d'expression ;
1/ ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos tenus par un salarié dans le cadre de ses fonctions ne peuvent être sanctionnés que s'ils présentent un caractère injurieux, diffamatoire ou excessif ; qu'en refusant de considérer que l'avertissement caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, sans avoir établi que les propos motivant cette mesure étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2/ ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que les propos incriminés tenus par Monsieur X... auprès des seuls membres de la direction, dans le cadre d'une polémique sur le niveau des salaires, et visant à répondre à la mise en cause dont il avait fait l'objet devant le comité d'entreprise et à porter des revendications à caractère syndical, s'ils sont vifs, ne caractérisent pas un abus de sa liberté d'expression, dès lors qu'ils ne contiennent aucun propos injurieux, diffamatoires et ne dépassent pas les limites de la critique et de la revendication admises ; qu'en refusant de considérer que l'avertissement caractérisait une atteinte injustifiée et abusive à la liberté d'expression et un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail, ensemble l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ;
3/ ALORS QUE les limites de la critique et de la revendication admises pour un travailleur s'exprimant dans le cadre de son activité syndicale sont plus larges qu'en dehors de ce cadre ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que les salariés s'exprimaient dans le cadre de leur activité syndicale pour apprécier le caractère abusif de leurs propos, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail et des articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l'homme ;
4/ ALORS QUE il incombe au salarié qui prétend avoir subi une discrimination de présenter des éléments de fait qui en laissent supposer l'existence ; qu'en refusant de considérer que le salarié qui produit l'avertissement motivé par les propos qu'il a tenus dans le cadre de son activité syndicale est un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22978
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-22978


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.22978
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