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01/06/2016 | FRANCE | N°15-80721

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 2016, 15-80721


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Véronique X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 12 janvier 2015, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de recel, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 avril 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mmes Planchon, Zerbib, co

nseillers de la chambre, Mme Pichon, conseiller référendaire ;

Avocat général : Mm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Véronique X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 12 janvier 2015, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de recel, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 avril 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mmes Planchon, Zerbib, conseillers de la chambre, Mme Pichon, conseiller référendaire ;

Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Y... a été citée devant le tribunal correctionnel du chef de recels d'abus de biens sociaux et banqueroute, pour avoir perçu, entre le 1er octobre 1992 et le 13 mars 2006, des salaires correspondant à un emploi, au sein de la société Y..., qu'elle n'occupait pas en réalité ; que le tribunal ayant retenu sa culpabilité et prononcé sur les intérêts civils, Mme Y... a relevé appel du jugement, en ses seules dispositions civiles ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 459, 520 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir annulé le jugement entrepris en ce qu'il a omis de statuer sur les demandes de dommages-intérêts formulées par la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...à l'encontre de Mme Y..., puis évoqué et statué de nouveau, a déclaré la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...recevable en sa constitution de partie civile ;
" 1°) alors qu'une cour d'appel qui, après annulation du jugement pour omission de statuer sur les demandes d'une partie civile à l'égard d'un prévenu, évoque sur le fondement de l'article 520 du code de procédure pénale, est tenue de remplir directement, dans la limite de sa saisine par les actes d'appel, la mission des juges du premier degré ; que, dans cette limite, la cause se présente à elle, du fait de l'annulation, dans l'état où elle se trouvait devant le premier juge ; que, devant le tribunal, dans des conclusions régulièrement visées par le greffier, Mme Y... avait soulevé in limine litis l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...à son encontre par application de l'article 5 du code de procédure pénale ; que le tribunal avait joint cet incident au fond ; que la cour, après annulation du jugement en ce qu'il avait omis de statuer sur les demandes de dommages-intérêts formulées par la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...à l'encontre de Mme Y... et évocation, était tenue de statuer sur cet incident ; qu'en s'en abstenant, la cour a méconnu ses pouvoirs ;
" 2°) alors que Mme Y... a fait valoir que l'article 5 du code de procédure pénale s'oppose à la constitution de partie civile de la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...; qu'en effet, ladite société, représentée par M. A...es qualité de mandataire liquidateur, avait, dans l'instance prud'homale les ayant opposés, été déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement de salaires pour travail fictif par jugement définitif du 25 avril 2007 intervenu avant que le ministère public ne saisisse la juridiction répressive ; que la demande en réparation de préjudice subi formée devant la juridiction répressive tendait au paiement de ces mêmes salaires ; que la cour, qui n'a pas répondu à ce chef péremptoire des conclusions, a privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'après avoir annulé le jugement en ce qu'il avait omis de statuer sur les chefs de demandes de dommages-intérêts formulées par la société Y..., représentée par son mandataire liquidateur, la cour d'appel, évoquant et statuant à nouveau, a déclaré ladite société recevable en sa constitution de partie civile et prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait à répondre ni à un incident soulevé devant les premiers juges et non réitéré devant elle par les parties présentes ni à des conclusions non produites aux débats, a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 321-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme Y..., définitivement déclarée coupable de recel en première instance, à payer à la société Y... représentée par la société civile professionnelle A...
...la somme de 451 689 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que concernant le montant du préjudice subi par la société Y... du fait du paiement de salaires injustifiés à Mme Y... ; que ceux-ci ont été fixés définitivement par la condamnation pénale de cette dernière, qui a autorité au civil, aux sommes de 418 987, 68 euros pour la période où M. Y... était gérant, de 32 701, 35 euros pour la période où M. B...était gérant, soit au total 451 689 euros ; que les dommages-intérêts seront fixés à ces montants ;
" 1°) alors que l'autorité qui s'attache à la chose jugée au pénal sur le civil est limitée aux constatations nécessaires permettant d'établir la culpabilité du prévenu ; que l'étendue du préjudice ne constitue pas le soutien nécessaire de la condamnation pénale pour recel ; qu'en s'estimant tenue par les constatations pénales du jugement concernant le montant des salaires versés à Mme Y... et en s'abstenant de déterminer elle-même, au vu des éléments du débats, l'étendue du préjudice subi par la société Y... à raison des faits de recel, la cour d'appel a méconnu son office et violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal ;
" 2°) alors que le jugement de première instance comportait, en ses dispositions pénales et en ses dispositions civiles définitives concernant M. B..., des mentions contradictoires en ce qui concerne le montant des salaires que Mme Y... aurait indûment perçus lorsque M. B...était le gérant (motifs p. 17 dernier § : 16 350 euros ; motifs p. 25 dernier § : 32 701, 32 euros et dispositif p. 30 : 32 701, 35 euros) ; qu'en retenant la somme de 32 701, 35 euros sans mieux s'en expliquer, la cour a privé sa décision de toute base légale " ;
Vu le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal ;
Attendu qu'en application de ce principe, si la responsabilité du prévenu reconnu coupable des faits reprochés est acquise, l'évaluation du préjudice en résultant reste en discussion dans la limite des faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale ;
Attendu que, pour condamner Mme Y... à payer à la société Y... la somme de 451 689 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que le montant du préjudice subi du fait du paiement de salaires injustifiés a été fixé définitivement par la condamnation pénale de cette dernière, qui a autorité au civil ;
Mais attendu qu'en s'interdisant d'apprécier elle-même le montant du dommage, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 12 janvier 2015, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme Véronique Y... à payer à la société Y..., représentée par la société civile professionnelle A...
..., à titre de dommages-intérêts la somme de 451 689 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-80721
Date de la décision : 01/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel du prévenu - Appel limité - Appel limité aux intérêts civils - Evaluation du préjudice - Autorité de la chose jugée au pénal sur le civil - Portée

CHOSE JUGEE - Portée - Action civile - Appel du prévenu - Appel limité aux dispositions civiles - Autorité du pénal sur le civil

En cas d'appel, limité aux seules dispositions civiles, d'un jugement correctionnel ayant déclaré le prévenu coupable des faits reprochés, si la responsabilité du prévenu est acquise, l'évaluation du préjudice résultant de ses agissements reste en discussion dans la limite des faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale. Encourt la censure l'arrêt qui, pour fixer le montant des dommages-intérêts dus par une personne déclarée coupable de recel d'abus de biens sociaux, retient que le montant du préjudice subi du fait des détournements a été fixé définitivement par la condamnation pénale, qui a autorité au civil


Références :

article 321-1 du code pénal

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 2016, pourvoi n°15-80721, Bull. crim. criminel 2016, n° 168
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 168

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Le Dimna
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.80721
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