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26/04/2017 | FRANCE | N°15-28950

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 avril 2017, 15-28950


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, de manque de base légale et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond, qui, sans méconnaître les termes du litige fixés par la lettre de licenciement, ni inverser la charge de la preuve, ont décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le lice

nciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, de manque de base légale et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond, qui, sans méconnaître les termes du litige fixés par la lettre de licenciement, ni inverser la charge de la preuve, ont décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne la Fédération Léo Lagrange aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fédération Léo Lagrange à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Fédération Léo Lagrange.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Madame [N] la somme de 54.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement aux organismes intéressées des indemnités de chômage versées à Madame [N] dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « L'association Fédération Léo Lagrange a recruté Mme [L] [N] en contrat de travail à durée déterminée sur la période du 5 au 16 mars 2001 en tant que responsable du secteur social à « l'espace Brel Brassens » à [Localité 1], au groupe 5-coefficient 300 de la convention collective nationale de l'animation socio-culturelle, contrat reconduit au-delà jusqu'au 26 juin 2011 et à l'issue duquel il a été conclu entre les parties un contrat à durée indéterminée prenant effet le 1er septembre 2001 en vertu duquel la salariée s'y voit confier les fonctions de responsable du secteur enfance avec un salaire de 10 495,20 francs bruts mensuels pour un temps plein. Ayant bénéficié de promotions successives, Mme [L] [N] obtiendra le poste de déléguée régionale Ile-de-France en vertu d'un dernier avenant du ler octobre 2008 lui procurant un salaire de 3 474,30 bruts mensuels, position cadre au groupe conventionnel 8-coefficient 450. Par une lettre du 22 avril 2010, l'intimée a convoqué Mme [L] [N] à un entretien préalable prévu le 5 mai, et lui a notifié le 12 mai 2010 son licenciement pour insuffisance professionnelle en ces termes : « Au plan des ressources humaines tout d'abord, il revient aux Délégués Régionaux de conduire ou de veiller à ce que soit conduit, pour chaque salarié ..., un entretien annuel permettant notamment de conduire le plan de formation. Cette commande vous a été régulièrement renouvelée en réunion de Délégués Régionaux sans succès. De même, en tant que cadre de l'association, vous avez la responsabilité de faire partager à vos collaborateurs ses évolutions ... Pourtant, les salariés placés sous votre responsabilité n'ont cessé, depuis plusieurs mois, d'exprimer des inquiétudes sur la pérennité de l'association, sur la pérennité de leur emploi ...Dans l'ensemble, force est de constater que le climat social au sein de 1 'Etablissement Régional Léo Lagrange Ile-de-France est dégradée ... Au plan de votre responsabilité sur la gestion de l''Etablissement Ile-de-France, vous n'avez pas su vous assurer de la qualité indispensable du suivi des règlements clients ... Au plan de la relation avec les clients, il revient à chaque Délégué Régional d'organiser systématiquement et régulièrement ... un comité de pilotage qu'il a pour mission d'installer, d'animer ...Cette consigne et cette responsabilité n'ont été exercé par vous que très irrégulièrement et sans formalisme recommandé conduisant ainsi à un manque évident de lisibilité ... De même, le manque de rigueur constaté a été aggravé de négligences administratives ... ». Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, l'appelante percevait une rémunération en moyenne de 3 591,94 E bruts mensuels. L'employeur verse aux débats divers éléments sur une réflexion générale menée en 2009/2010 concernant un projet de « réorganisation structurelle interne» pour lequel les délégués du personnel ont été informés et consultés, projet avec l'établissement d'un nouvel organigramme «prenant en compte les modifications dues à la mise en route de la plateforme et à la réorganisation économique de l'IDF ». La cour relève que Mme [L] [N] n'a jamais été sérieusement évaluée durant ses 9 années au service de l'association Fédération Léo Lagrange qui est dans l'incapacité de produire le moindre compte rendu d'entretien professionnel, et se contente de verser une attestation à charge émanant de l'un de ses cadres, ancien collègue de travail de l'appelante - sa pièce 9. Par ailleurs, les différents échanges de courriels produits par l'intimée pour étayer ce licenciement reflètent d'une manière générale l'activité de ladite fédération qui, au-delà de la lettre de licenciement précitée, n'a jamais pris l'initiative de recadrer sa salariée de manière à lui permettre, si nécessaire, d'améliorer son degré de professionnalisme. Comme le fait encore observer à juste titre Mme [L] [N], qui produit cinq témoignages d'interlocuteurs extérieurs louant ses qualités professionnelles, la procédure de licenciement a été engagée par l'employeur seulement 10 jours après qu'elle lui ait adressé un courrier daté du 12 avril 2010 mettant en évidence notamment « un manque de clarification des missions respectives entre la Déléguée Régionale et le Directeur de plateforme IDF, qui suscite de la confusion dans le rôle de chacun, et génère des interrogations ... quant à (son) rôle de manager de l'établissement ». La salariée verse une autre attestation d'une ancienne collègue de travail placée sous son autorité et qui précise que : « la réforme de la fédération Léo Lagrange a été discutée, préparée, mise en oeuvre par tous les délégués régionaux ... Lors des réunions de délégués régionaux, des séminaires, regroupements de dirigeants auxquels j'ai participé, j'ai pu constater la présence et la participation de Madame [N] dans la plupart de ces instances ... ». Il en ressort que l'employeur ne fournit aucun élément tangible au soutien de l'insuffisance professionnelle, telle que décrite par lui dans la lettre de licenciement, en matière de ressources humaines, de responsabilité dans la gestion de l'établissement Ile-de-France, de relations avec les clients partenaires, et de suivi administratif. Le licenciement de l'appelante sera jugé en conséquence comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Infirmant le jugement entrepris, l'association Fédération Léo Lagrange sera en conséquence condamnée à payer à Mme [L] [N] sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail la somme indemnitaire de 54 000 E représentant l'équivalent de 15 mois de salaires compte tenu de son âge (40 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (9 ans), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt. L'application de l'article L. 1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L. 1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois » ;

1. ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que les juges sont tenus d'examiner chacun des griefs invoqués au soutien du licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Madame [N], en sa qualité de déléguée régionale Ile-de-France, de s'être abstenue de conduire ou de veiller à ce que soient conduits les entretiens annuels d'évaluation des salariés, d'avoir contribué à une dégradation du climat social de l'établissement, de ne pas avoir assuré le suivi des règlements clients ce qui avait entraîné le renouvellement d'une défaillance de 26.802 € à la clôture de l'exercice, de n'avoir pas fait valider les prix par son supérieur hiérarchique en particulier s'agissant du marché des accueils « jeunes » de la ville de PARIS, de n'avoir pas respecté le formalisme ainsi que la régularité des comités de pilotage, d'avoir commis de graves négligences administratives dans la soumission des appels d'offres en particulier s'agissant du marché de la communauté de communes du VAL DE L'EURE ; que, pour dire le licenciement de Madame [N] sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a retenu qu'il n'était « fourni aucun élément tangible au soutien de l'insuffisance professionnelle telle que décrite dans la lettre de licenciement », tandis que la salariée était appréciée par ses interlocuteurs extérieurs (arrêt p.4, §5), que l'une de ses anciennes collègues avait certifié qu'elle était présente aux réunions (arrêt p.4, §7), et que la procédure de licenciement avait été engagée concomitamment à l'envoi d'un courrier de Madame [N] se plaignant d'une insuffisante clarté dans le périmètre de ses missions (arrêt p.4, §6) ; qu'en statuant ainsi, par ces motifs inopérants, sans rechercher si les différents manquements reprochés par la lettre de licenciement étaient avérés et, dans l'affirmative, s'il étaient de nature justifier la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1232-1, et L. 1235-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE les juges doivent examiner les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que l'exposante s'était notamment prévalue de son bilan social 2008 et d'un tableau comparatif des départs sur trois ans attestant du nombre anomal de ruptures de contrats, de plusieurs courriers de collectivités publiques ayant organisé les appels d'offres démontrant les carences de la salariée dans la constitution des dossiers, et en particulier une correspondance de la communauté de communes du VAL DE L'EURE visée par la lettre de licenciement, précisant que la candidature de la FEDERATION LEO LAGRANGE n'avait pas été retenue à raison du caractère incomplet du dossier transmis ; que l'exposante avait également produit les rapports d'un expert-comptable et d'un commissaire aux comptes relevant une chute des taux de réponse aux appels d'offres et d'obtention des marchés ; qu'en s'abstenant d'examiner, même sommairement, ces documents qui étaient de nature à établir l'insuffisance professionnelle de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QUE la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou à l'autre partie ; qu'en retenant, pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, que l'exposante n'aurait produit « aucun élément tangible de nature à justifier de l'insuffisance professionnelle reprochée », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

4. ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; que les juges prud'homaux ne peuvent ni requérir un mode de preuve spécifique, ni en écarter un autre ; qu'en considérant que la FEDERATION LEO LAGRANGE ne produisait aucun compte-rendu d'entretien professionnel de Madame [N] et que l'attestation établie par l'un des cadres de la FEDERATION LEO LAGRANGE n'était pas susceptible d'être retenue au soutien de l'insuffisance professionnelle reprochée, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

5. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier; qu'il résultait du contrat de travail à durée indéterminée du 29 août 2001 conclu entre Madame [N] et l'ASSOCIATION REGIONALE LEO LAGRANGE Ile-de-France, de l'avenant audit contrat du 8 octobre 2007 nommant la salariée au poste de déléguée régionale, et enfin du courrier de la FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE du 1er octobre 2008, que la salariée n'avait été engagée en qualité de déléguée régionale Ile-de-France par la FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE que le 1er octobre 2008, l'intéressée étant auparavant sous contrat avec l'ASSOCIATION REGIONALE Ile-de-France ; qu'en reprochant à la FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE de n'avoir organisé aucun entretien d'évaluation durant les neuf années que Madame [N] aurait passées à son service, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail à durée indéterminée du 29 août 2001, l'avenant audit contrat du 8 octobre 2007, et le courrier de la FEDERATION NATIONALE LEO LAGRANGE du 1er octobre 2008, en méconnaissance du principe sus-énoncé ;

6. ALORS QUE l'insuffisance professionnelle est susceptible de fonder un licenciement lorsqu'elle est avérée ; que l'employeur n'est nullement tenu, avant d'engager un licenciement pour un tel motif, d'organiser des entretiens d'évaluation ou d'inviter le salarié à corriger ses erreurs ; qu'en retenant, pour dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, que la FEDERATION LEO LAGRANGE n'avait jamais « sérieusement évalué la salariée en ses neufs années de service », ni « pris l'initiative de (la) recadrer, de manière à lui permettre (…) d'améliorer son degré de professionnalisme », la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28950
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-28950


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28950
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