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07/09/2017 | FRANCE | N°15-19501

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 septembre 2017, 15-19501


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2015), que M. X...et Mme Y...sont propriétaires de parcelles contiguës, respectivement cadastrées section A n° 754 et n° 755, d'une part, n° 753, d'autre part ; que leurs habitations donnent sur une cour sur laquelle Mme Y...a fait construire un mur séparatif ; qu'en avril 2013, M. X...l'a assignée en démolition de ce mur, en soutenant que la cour est commune ; que Mme Y...s'est opposée à cette demande en invoquant le caractère privatif de chaque par

tie de la cour et a demandé la transformation, en un jour, de la fenê...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2015), que M. X...et Mme Y...sont propriétaires de parcelles contiguës, respectivement cadastrées section A n° 754 et n° 755, d'une part, n° 753, d'autre part ; que leurs habitations donnent sur une cour sur laquelle Mme Y...a fait construire un mur séparatif ; qu'en avril 2013, M. X...l'a assignée en démolition de ce mur, en soutenant que la cour est commune ; que Mme Y...s'est opposée à cette demande en invoquant le caractère privatif de chaque partie de la cour et a demandé la transformation, en un jour, de la fenêtre de l'habitation de M. X...donnant sur sa cour privative ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que les consorts X...font grief à l'arrêt d'ordonner la transformation en jour de la fenêtre de l'immeuble de M. X...donnant dans la cour de Mme Y...;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que chaque immeuble disposait d'une cour privative et que, par procès-verbal de bornage du 7 avril 2011, il avait été indiqué sur le plan « fenêtre à transformer en jour », ce qui était la conséquence logique de la privatisation de la cour au profit de Mme Y..., acceptée par M. X..., comme l'établissaient les mentions et sa signature au procès-verbal de bornage et souverainement retenu que ces éléments suffisaient à établir la renonciation de M. X...à un droit de vue sur un fonds, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, qu'il y avait lieu d'ordonner la transformation de l'ouverture, objet du litige, en un jour ;

Et, attendu d'autre part, que M. X...n'ayant pas soutenu que la renonciation tirée de la mention du procès-verbal de bornage était équivoque, le moyen est nouveau et mélangé de fait ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X...et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Y...;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour les consorts X....

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de sa demande tendant à la destruction du mur édifié par Mme Y...;

AUX MOTIFS QUE l'appelant soutient que la cour litigieuse est une cour commune aux habitations situées sur les parcelles cadastrées A n° 753 et 754, qu'il se fonde sur les actes notariés portant sur ces propriétés, sur la configuration des lieux, la cour y ayant toujours été d'utilisation commune ;
qu'il souligne que le procès-verbal de bornage amiable invoqué par Mme Y...est sans valeur puisqu'à l'époque de sa rédaction le 7 avril 2011, il n'était que nu-propriétaire et que sa mère, usufruitière du bien immobilier, ne l'avait pas signé ; que, et adoptant ici le détail des motifs des premiers juges, les titres propriétés successifs sous forme de transcription et de photocopies d'actes depuis 1873 jusqu'à 1995 et acte de notoriété et attestation notariés jusqu'à 2012, afférents aux parcelles cadastrées A n° 753 (propriété de Mme Y...) et A n° 754 et 755 (propriétés de M. X...), ne rapportent pas la preuve de l'existence ni d'une copropriété ni d'une servitude, non apparente, d'usage commun de la cour litigieuse, entre les propriétaires des parcelles 753 et 754 ; qu'ils ont pu en déduire que chaque immeuble disposait d'une cour privative ; que rappelant les dispositions de l'article 646 du Code civil, selon lesquelles tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigües, et se fondant sur le procès-verbal de bornage, dressé le 7 avril 2011 par un géomètre, opposable à M. X...qui a donné son accord au bornage en le signant en sa qualité, alors, de nu-propriétaire, le tribunal a retenu à bon droit, qu'eu égard au caractère privatif des cours et de la limite établie entre les deux propriétés, Mme Y...était en droit de clore sa propriété ; qu'il conviendra donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il débouté M. X...de sa demande tendant à la destruction du mur édifié par Mme Y...;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Michel X...soutient que les cours de son immeuble et de celui de Marie-Josèphe Y...sont communes ; que, selon les prétentions de Michel X..., le caractère commun peut résulter d'une copropriété sur les cours, qui doit être prouvée, ou d'une servitude « d'usage commun » des cours alors même qu'elles ont des propriétaires différents ; que s'agissant d'une propriété commune des cours, il convient de se reporter aux titres de propriété des parties ; qu'il ressort des débats que Michel X...a reçu de la succession de ses parents la parcelle cadastrée 754 ; que ceux-ci l'avaient acquise, selon acte notarié du 20 mars 1957 des consorts Z...; que l'acte de vente dans son descriptif de l'immeuble fait état d'une cour ; que Madame Z...avait elle-même acquis le bien par acte notarié du 2 août 1920 et que cet acte faisait état d'une cour commune ; que Marie-Josèphe Y...a, quant à elle, acquis la parcelle cadastrée 753 selon acte notarié du 27 novembre 1995 des consorts Y...et que le descriptif des immeubles fait état d'une cour ; qu'ainsi, si l'acte de propriété de 1920 fait état d'une cour commune, il s'agit du seul acte à en faire état s'agissant des cours des immeubles cadastrés 753 et 754 ; que l'acte de vente aux parents de Michel X...et celui de vente à Marie-Josèphe Y...font état d'une simple cour ; que ceux-ci n'ont donc pu, lors de l'acquisition, croire qu'ils acquéraient une cour appartenant à plusieurs propriétaires ; que de plus, aucun document relatif à une quelconque réglementation de la copropriété sur les cours n'est produit ; qu'en conséquence, il ne peut être considéré qu'il existe une seule cour qui appartiendrait en copropriété à Michel X...et qu'en l'espèce, la servitude du fait de l'homme dont se prévaut Michel X...consisterait dans un usage commun des cours par les deux propriétaires de celles-ci, chacun bénéficiant donc d'une servitude d'usage sur la cour de l'autre propriétaire ; qu'il s'agit d'une servitude non apparente puisqu'elle n'a pas de signe extérieur de son existence ; que cette servitude ne peut donc être établie que par un titre ; que Michel X...ne peut se prévaloir du dernier alinéa de l'article 691 du Code civil qui n'est pas applicable à l'espèce puisque la servitude ne peut être considérée comme déjà acquise par possession dans un pays où elle pouvait s'acquérir de cette manière ; que les titres de propriété, qui ont été préalablement étudiés, ne prévoient pas l'existence d'une telle servitude ; qu'en outre, s'agissant de l'acquisition par la prescription acquisitive, il convient d'ajouter que même si elle avait été autorisée pour établir la servitude d'usage commun de la cour, la preuve de cette prescription n'est pas rapportée en l'espèce ; qu'en effet, les attestations produites par Michel X..., si elles prouvent qu'aucun mur n'a jamais été édifié entre les fonds, ce que ne conteste pas Marie-Josèphe Y..., ne prouvent pas pour autant qu'un usage commun de la cour existait ; que cette preuve n'est pas plus rapportée par la photographie des parents de Michel X..., ni par le fait que le sol soit identique, ni par la simple configuration des lieux ; qu'au contraire, le procès-verbal de constat dressé le 20 mai 1975 par huissier de justice à la demande des parents de Michel X...fait état de ce que le fils des occupants de la maison actuelle de Marie-Josèphe Y...utilisait notamment la cour de la propriété des parents de Michel X... pour rentrer sa mobylette dans la cour ; que les parents de Michel X...indiquent qu'ils ne peuvent tolérer cette façon de faire ; qu'un courrier des parents de Michel X...relatif à ce même fait et daté du 20 mai 1975 est également produit et que ceux-ci indiquent qu'ils demandent à leurs voisins de « bien vouloir inviter leur fils à ne plus pénétrer en leur propriété qu'ils sont pleinement en droit de clôturer » ; que si Michel X...indique que la clôture dont il est question se réfère à un porche situé plus loin, il ressort de ces documents que les parents de Michel X...ne considéraient pas leur cour comme grevée d'une servitude d'usage commun au profit de leurs voisins puisqu'ils considéraient que le fils de ceux-ci ne pouvait user de leur cour ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que chaque immeuble dispose d'une cour privative, même si celles-ci n'ont jamais fait l'objet de séparation jusqu'à présent (jugement entrepris p. 4 al. 1 à 4, p. 5 al ; 1 à 4) ;

ALORS QUE l'acte de vente des parents de M. X...du 20 mars 1973 fait expressément état d'une « cour commune », reprenant en cela les mentions figurant dans les actes de vente du 2 août 1920 ; qu'en affirmant néanmoins par adoption expresse des motifs du jugement « que l'acte de vente aux parents de Michel X...et celui de vente à Marie-Josèphe Y...font état d'une simple cour », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des actes susvisés, en violation de l'article 1134 du Code civil.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la transformation de la fenêtre de l'immeuble de Michel X...donnant dans la cour de Marie-Josèphe Y...en jour ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande relative à la fenêtre et au soupirail il ressort des éléments versés aux débats que M. X...dispose dans sa partie privative d'une fenêtre donnant directement sur la cour de Mme Y...et par là même d'une vue sur le fonds de Mme Y...; qu'eu égard à l'aggravation de cette situation pour cette dernière, qui a clôturé sa cour et à ce titre ne peut pas bénéficier d'une totale intimité, elle a réclamé la transformation de la fenêtre de vue en fenêtre de jour ; que d'ailleurs cette transformation résulte des termes du procès-verbal de bornage du 7 avril 2011, qui indiquent sur le plan : « fenêtre à transformer en jour », conséquence logique de la privatisation de la cour au profit de Mme Y..., acceptée par M. X...comme l'établissent les mentions et sa signature au procès-verbal de bornage ; qu'un tel commencement de preuve par écrit suffit à établir la renonciation de M. X...à un droit de vue sur un fonds dont il reconnaît le caractère privatif ; que par ailleurs, l'usage normal du soupirail de M. X...n'est en rien entravé par l'édification du mur litigieux ; qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges tendant à ordonner, sous astreinte, la transformation de la fenêtre litigieuse en jour (arrêt attaqué p. 3 dernier alinéa, p. 4) ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; que l'article 676 du même code dispose que le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant ; que ces fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus, et d'un châssis à verre dormant ; que l'article 678 du même code ajoute qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et le dit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions ; que si le propriétaire d'un fonds est tenu de supporter la servitude de vue résultant de la configuration des lieux, il peut invoquer l'existence d'un trouble en prouvant qu'il y a une aggravation de la servitude de vue ; qu'en l'espèce, il résulte des photographies produites et des déclarations des parties que l'immeuble de Michel X...comporte une fenêtre qui donne directement sur la cour de Marie-Josèphe Y...; que cette fenêtre, qui a toujours existé, constitue une vue ; que Michel X...bénéficie donc d'une servitude de vue qui résulte de la configuration même des lieux puisque sa fenêtre a toujours été située sur la partie du mur qui donne sur la cour de Marie-Josèphe Y...; qu'indépendamment du point de savoir si par le procès-verbal de délimitation Michel X...a donné son accord pour la transformation de la fenêtre en vue, il apparaît qu'il existe une aggravation de la servitude de vue et qu'il en résulte un trouble pour Marie-Josèphe Y...; qu'en effet, si cette servitude de vue sur sa cour privative ne lui occasionnait pas de gêne particulière jusqu'à présent puisque les cours des deux immeubles étaient complètement ouvertes, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier d'aucune intimité dans sa cour, depuis qu'elle a clôturé sa cour, la servitude de vue a subi une aggravation puisqu'elle bénéficie désormais d'une intimité dans sa cour, à l'exception de cette fenêtre ; qu'il apparaît ainsi qu'elle subit du fait de l'existence de cette vue un trouble puisqu'elle ne peut bénéficier d'une totale intimité dans sa cour ; qu'ainsi, l'existence de ce trouble justifie qu'il soit mis fin à la servitude de vue résultant de la configuration des lieux et que la fenêtre, au vu de son extrême proximité avec l'immeuble de Marie-Josèphe Y..., soit transformée en jour ; qu'il y a donc lieu d'ordonner la transformation de la fenêtre litigieuse en jour et ce sous une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et pendant trois mois (jugement entrepris p. 6 al. 7, 8, 9, p. 7 al. 1 à 6) ;

1°) ALORS QUE le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode ; qu'il ne peut changer l'état des lieux ; que l'arrêt attaqué qui constate que le fonds de M. X...bénéficiait d'une servitude de vue sur le fonds de Mme Y...ne pouvait dès lors ordonner la transformation de la fenêtre en jour, aboutissant à la suppression de la servitude, en raison de l'édification par cette dernière du mur de clôture afin de préserver son intimité dans la partie de la cour ainsi clôturée sans violer l'article 701 du Code civil ;

2°) ALORS QUE pour compléter un commencement de preuve par écrit par témoins ou présomptions, le juge doit se fonder sur un élément extrinsèque à ce document ; que pour affirmer que les mentions du procès-verbal de bornage du 7 avril 2011 indiquant sur le plan « fenêtre à transformer en jour » constituait un commencement de preuve par écrit de la renonciation de M. X...à la servitude de vue sur le fonds de Mme Y..., sans faire état d'un élément extrinsèque susceptible de corroborer ce document, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 et 1347 du Code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la renonciation à un droit doit résulter d'acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'un procès-verbal de bornage a pour seul objet de fixer les limites d'héritages contigus ; qu'en déduisant de la mention « fenêtre à transformer en jour » figurant sur le plan du procès-verbal de bornage du 7 avril 2011 que la signature de M. X...à la dernière page du procès-verbal de bornage valait renonciation à la servitude de vue sur le fonds de Mme Y..., la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-19501
Date de la décision : 07/09/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 sep. 2017, pourvoi n°15-19501


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19501
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