La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2018 | FRANCE | N°17-14974

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juin 2018, 17-14974


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2016), que la société Médiaco Champagne Zeimett, devenue la société Médiaco Champagne-Ardenne (la société Médiaco), qui avait fait appel aux services des sociétés d'intérim Derichebourg intérim (la société Derichebourg) et Adecco France (la société Adecco) entre 1996 et 2011, a été condamnée à verser à sept salariés intérimaires auxquels elle avait eu recours, diverses indemnités à la suite de la requalificati

on de leurs contrats de mission en contrats de travail à durée indéterminée ; que reproch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2016), que la société Médiaco Champagne Zeimett, devenue la société Médiaco Champagne-Ardenne (la société Médiaco), qui avait fait appel aux services des sociétés d'intérim Derichebourg intérim (la société Derichebourg) et Adecco France (la société Adecco) entre 1996 et 2011, a été condamnée à verser à sept salariés intérimaires auxquels elle avait eu recours, diverses indemnités à la suite de la requalification de leurs contrats de mission en contrats de travail à durée indéterminée ; que reprochant aux sociétés d'intérim de ne pas l'avoir alertée sur les conséquences des renouvellements de ces contrats, d'avoir manqué à leur devoir de conseil et de mise en garde et d'avoir fait preuve de déloyauté contractuelle, la société Médiaco les a assignées en réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Médiaco fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ qu'une entreprise de travail temporaire qui met à disposition d'une entreprise utilisatrice les mêmes salariés pendant de longues périodes ne peut ignorer le risque de requalification qu'elle fait ainsi courir à sa cliente ; qu'en ayant déchargé de toute responsabilité les sociétés Adecco et Derichebourg qui avaient pourtant, pendant de longues périodes, mis les mêmes salariés à disposition de la société Médiaco, leur très ancienne partenaire d'affaires, l'exposant ainsi à un risque de requalification qu'elles ne pouvaient ignorer, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien (1231-1) du code civil ;

2°/ qu'une simple clause de rappel des dispositions légales applicables en matière de mise à disposition d'un salarié intérimaire ne peut décharger de toute responsabilité une entreprise de travail temporaire qui, pendant de longues périodes, a mis les mêmes salariés à disposition d'une entreprise utilisatrice ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien (1231-1) du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que pour requalifier les contrats de travail des salariés intérimaires employés par les sociétés Derichebourg et Adecco en contrats à durée indéterminée en raison de la violation par la société Médiaco de l'article 1251-5 du code du travail, le conseil des prud'hommes avait jugé établi que les salariés intérimaires mis à la disposition de la société Médiaco avaient occupé un poste et un emploi manifestement liés à l'activité normale et permanente de cette entreprise, laquelle avait donc eu recours de manière illégale à l'intérim, l'arrêt énonce que l'employeur peut avoir recours à des contrats d'intérim à condition de respecter les règles restrictives qui sont attachées à ces contrats exorbitants du droit commun ; qu'il retient qu'il résulte des dispositions des articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail, que les sociétés d'intérim ne sont tenues qu'à des obligations formelles relatives au contenu du contrat, de transmission desdits contrats aux salariés embauchés sous ce statut et de rémunération de ces derniers ; que de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, qu'il ne pesait sur les sociétés Derichebourg et Adecco aucune obligation contractuelle générale d'information et de conseil portant sur la pertinence du recours au contrat de travail temporaire et à son renouvellement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Médiaco Champagne-Ardenne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Derichebourg interim et Adecco France la somme de 3 000 euros chacune et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Médiaco Champagne-Ardenne

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé, par substitution de motifs, le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté une entreprise utilisatrice (la société Médiaco Champagne-Ardenne) de son action en responsabilité dirigée contre deux sociétés d'intérim (les sociétés Adecco et Derichebourg) ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 1251-40 du code du travail dispose que le salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice qui a méconnu notamment l'article L. 1251-5 du code du travail qui précise que le recours à un contrat de mission ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi stable lié à l'activité de l'entreprise, les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au jour de sa mission ; que c'était ce qu'avait fait le conseil de prud'hommes de Reims qui, par jugements du 25 juin 2013, avait requalifié les contrats de travail de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et D... en contrats à durée indéterminée en raison de la violation par la société Médiaco Champagne Ardenne de l'article L. 1251-5 du code du travail ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes de Reims avait donc estimé que les salariés intérimaires employés par les sociétés Adecco et Derichebourg et mis à la disposition de la société Médiaco avaient occupé un poste et un emploi permanents au sein de la société utilisatrice qui avait donc eu recours de manière illégale à l'intérim ; qu'il était donc établi que les emplois occupés par les salariés intérimaires étaient manifestement liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que le recours au travail temporaire fait l'objet de deux contrats, un contrat de prestation de service entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice, dénommé contrat de mise à disposition, et un contrat de travail entre l'entrepreneur de travail temporaire et le salarié temporaire, appelé contrat de travail temporaire ou contrat de mission ; que la société Médiaco n'exerçait pas une action en garantie à l'encontre des sociétés d'intérim et n'invoquait pas, contrairement à ce que soutenait la société Derichebourg et ce qu'avait retenu le tribunal, un manquement à ses propres obligations contractuelles ; qu'elle soutenait que ces dernières avaient engagé leur responsabilité contractuelle à son égard pour violation de leur obligation de conseil et de mise en garde en leur qualité de professionnelles de l'intérim quant à la conclusion du contrat de mise à disposition, ainsi que d'une obligation de contrôle des conditions dans lesquelles il était recouru au contrat de travail temporaire ; qu'il résultait de l'article L. 1222-2 du code du travail que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail et que l'employeur peut avoir recours à des contrats de travail à durée déterminée et d'intérim, à condition de respecter les règles restrictives qui sont attachées à ces contrats exorbitants du droit commun ; qu'il résultait des articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail que les sociétés d'intérim ne sont tenues qu'à des obligations formelles relatives au contenu du contrat, de transmission desdits contrats aux salariés embauchés sous ce statut et de rémunération de ces derniers ; que la société Médiaco Champagne Ardenne ne saurait se fonder sur l'article 1147 du code civil pour faire peser sur les sociétés Adecco et Derichebourg une obligation générale d'information et de conseil quant à la pertinence du recours au contrat de travail à titre temporaire et à sa fréquence, étant au surplus rappelé que le cadre légal du recours restrictif à ce type de contrat était rappelé dans les conditions générales des contrats de mise à disposition ; que le jugement devait donc être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il avait débouté la société Médiaco Champagne Ardenne de sa demande en paiement ;

1° ALORS QU'une entreprise de travail temporaire qui met à disposition d'une entreprise utilisatrice les mêmes salariés pendant de longues périodes ne peut ignorer le risque de requalification qu'elle fait ainsi courir à sa cliente ; qu'en ayant déchargé de toute responsabilité les sociétés Adecco et Derichebourg qui avaient pourtant, pendant de longues périodes, mis les mêmes salariés à disposition de la société Médiaco, leur très ancienne partenaire d'affaires, l'exposant ainsi à un risque de requalification qu'elles ne pouvaient ignorer, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien (1231-1) du code civil ;

2° ALORS OU'une simple clause de rappel des dispositions légales applicables en matière de mise à disposition d'un salarié intérimaire ne peut décharger de toute responsabilité une entreprise de travail temporaire qui, pendant de longues périodes, a mis les mêmes salariés à disposition d'une entreprise utilisatrice ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien (1231-1) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-14974
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2018, pourvoi n°17-14974


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14974
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award