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08/01/2019 | FRANCE | N°17-80264

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 janvier 2019, 17-80264


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel X...,
- Mme Sophie X...,
et
- M. Jean-Marc Y... , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 22 novembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers et la société Delta Prim, des chefs, notamment, de faux et usage de faux, a prononcé sur les intérêts civils, après avoir constaté l'extinction de l'action publique ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du

13 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Michel X...,
- Mme Sophie X...,
et
- M. Jean-Marc Y... , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 22 novembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers et la société Delta Prim, des chefs, notamment, de faux et usage de faux, a prononcé sur les intérêts civils, après avoir constaté l'extinction de l'action publique ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 novembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Z..., les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général A... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur les pourvois formés par M. Y... et M. X... :

Attendu que ces demandeurs n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur conseil, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; qu'il y a lieu en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale ;

II - Sur le pourvoi formé par Mme X... :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique, pris de la violation des articles 2 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, et 6, paragraphe 1, de cette même Convention, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 6, 8, 500 et 500-1 du code de procédure pénale, 1844-7 et 1844-8 du code civil, et L. 641-9 du code de commerce ;

"en ce que l'arrêt attaqué, tout en constatant l'extinction de l'action publique et de l'action civile, a dit que les dispositions pénales du jugement rendu le 16 décembre 2011 par le tribunal correctionnel de Créteil étaient définitives et a déclaré irrecevable l'appel formé par Mme X... à l'encontre des dispositions civiles de ce jugement ;

"aux motifs que la cour est saisie de l'appel principal de la société Delta Prim contre le jugement du tribunal correctionnel de Créteil en date du 16 décembre 2011 qui l'a condamnée à une amende de 80 000 euros pour s'être rendue coupable du 2 avril 2006 au 2 avril 2009 d'escroquerie, de faux, d'usage de faux, d'obtention de remise, rabais, ristourne, ou rémunération de service par distributeur ou prestataire de service sans contrat conforme avec le fournisseur, de deux faits d'exécution d'un travail dissimulé et également d'achat ou vente sans facture de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle ; que la société a par ailleurs été relaxée des faits d'emploi par personne morale d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié ; que l'appel qu'elle a interjeté ne porte que sur le montant de l'amende délictuelle qui lui a été infligée ; que M. X... a été condamné à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et à trois ans d'interdiction professionnelle pour exécution d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi et minoration d'heures travaillées, escroquerie, faux et usage de faux, achat ou vente sans facture et obtention de remise, rabais, ristourne ou de rémunération de service par distributeur ou prestataire de service sans contrat conforme et abus de biens sociaux au préjudice de la société Delta Prim ; qu'il a été relaxé du chef d'emploi d'un étranger sans autorisation de travail salarié ; que Mme Sophie X... a été condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis pour s'être rendue coupable de faux, d'usage de faux et complicité d'abus de biens sociaux et relaxée des faits d'achat ou vente sans facture de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle ; que M. et Mme X... ont également interjeté appel du jugement mais uniquement sur les intérêts civils auxquels ils ont été condamnés solidairement au profit de la société Gauthier-Sohm soit la somme de 1 980 458,03 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en effet, sur le plan civil, le tribunal correctionnel a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Gauthier-Sohm en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire de la société Delta Prim désignée par jugement du tribunal de commerce de Créteil le 23 septembre 2015 dans le cadre d'une procédure collective entamée par jugement de la même juridiction en date du 20 mai 2009 ; que M. Y..., partie civile, a interjeté appel contre ce jugement qui a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable ; que le jour de l'audience de plaidoirie, la société Gauthier-Sohm, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Delta Prim, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les dommages et intérêts mis à la charge de M. et Mme X... au bénéfice des créanciers de la société et a sollicité leur condamnation solidaire à lui payer la somme supplémentaire de 5 000 euros ; que le ministère public s'est désisté de son appel incident à l'encontre des trois prévenus en raison de la prescription de l'action publique intervenue dans l'intervalle de temps supérieur à trois ans séparant les appels formés contre le jugement déféré et la citation des prévenus devant la cour d'appel sans qu'aucun acte de poursuite soit effectué ; que ce désistement du ministère public a pour effet d'éteindre l'action publique et de rendre les dispositions pénales du jugement déféré, définitives ; que la société Delta Prim ayant été liquidée par jugement du 23 septembre 2015, elle ne peut plus soutenir son appel et les demandes formées contre elle par la partie civile ne peuvent plus prospérer ; que tant M. et Mme X... doivent donc aussi se voir opposer la disparition de la société Delta Prim contre laquelle ils ont formé appel ; qu'en conséquence, leurs demandes respectives s'agissant des dispositions civiles du jugement déféré sont irrecevables ;

"1°) alors que l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription fait obstacle à ce que les dispositions pénales du jugement frappé d'appel deviennent définitives lorsqu'elle intervient avant que le ministère public se désiste de son appel incident ; qu'en considérant que les dispositions pénales du jugement déféré étaient devenues définitives du fait du désistement du ministère public en raison de la prescription de l'action publique tout en constatant l'extinction de cette action ainsi que de l'action civile, la cour d'appel, qui aurait dû, au contraire, infirmer le jugement tant en ses dispositions pénales qu'en ses dispositions civiles, a méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors, en tout état de cause, que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du demandeur peut être opposée par les juges du fond, sauf s'il y a été renoncé valablement et sans équivoque ; qu'il ressort des conclusions de la société Gauthier-Sohm que cette dernière a toujours défendu la validité et l'actualité de sa qualité de mandataire judiciaire de la société Delta Prim, y compris après le jugement du 23 septembre 2015, et qu'elle ne s'est jamais prévalue de ce que, à la suite de ce jugement, la société Delta Prim aurait disparu, en sorte que Mme X... n'aurait plus eu qualité pour interjeter appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Créteil ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la société Gauthier-Sohm devait, en tout état de cause, être regardée comme ayant renoncé, valablement et sans équivoque, à se prévaloir d'un prétendu défaut de qualité pour agir de Mme X..., la cour d'appel a méconnu son office ;

"3°) alors que le juge ne peut relever d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'appel de Mme X..., sur la circonstance que le jugement rendu le 23 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Créteil aurait entraîné la disparition de la société Delta Prim contre laquelle elle a formé appel, cependant que cette circonstance n'avait pas été au préalable soumise à une discussion contradictoire, la cour d'appel a violé l'alinéa premier de l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

"4°) alors, en toute hypothèse, que seul un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif peut entraîner la disparition juridique de cette société ; que pendant le cours de la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de ses droits et actions qui sont exercés par le liquidateur et qu'il dispose d'un droit propre pour exercer certaines actions ; qu'en déduisant la disparition de la société Delta Prim de sa seule mise en liquidation judiciaire par le jugement du 23 septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce" ; .

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que par jugement du 16 décembre 2011, le tribunal correctionnel de Créteil a déclaré Mme X... et la société Delta Prim coupables d'infractions en rapport avec le détournement des actifs de celle-ci et a prononcé des peines à leur encontre ;

Que les premiers juges ont également condamné Mme X... à verser la somme de 1 980 458, 03 euros à la société Gauthier-Sohm, qui s'était constituée partie civile en qualité à l'époque de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société Delta Prim ;

Que Mme X... a interjeté appel de cette décision, limité à ses seules dispositions civiles, le 26 décembre 2011 ; que le même jour, la société Delta Prim a formé un appel, limité à la peine d'amende prononcée à son encontre ; que le procureur de la République a fait un appel incident, général, le même jour ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables toutes les demandes formées contre les dispositions civiles du jugement déféré, l'arrêt attaqué énonce que le ministère public s'étant désisté de son appel incident à l'encontre des prévenus en raison de la prescription de l'action publique intervenue dans l'intervalle de temps supérieur à trois ans séparant les appels formés contre le jugement déféré et la citation des prévenus devant la cour d'appel sans qu'aucun acte de poursuite ne soit effectué, ledit désistement a eu pour effet d'éteindre l'action publique et de rendre les dispositions pénales du jugement déféré définitives ; que les juges ajoutent que la société Delta Prim ayant été liquidée par jugement du 23 septembre 2015, elle ne peut plus soutenir son appel ; qu'ainsi Mme X... doit aussi se voir opposer la disparition de la société Delta Prim contre laquelle elle a formé appel ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'à la date où les juges du second degré devaient statuer, la clôture de la liquidation judiciaire de la société était intervenue en raison d'une insuffisance d'actif, la cour d'appel, qui devait, à supposer que la prescription de l'action publique ait été acquise, rechercher quel était le sort de l'action civile, notamment au regard de l'article 10, alinéa 1, du code de procédure pénale, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CONSTATE la déchéance des pourvois de M. Y... et de M. X... ;

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 novembre 2016, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur l'appel de Mme X..., et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80264
Date de la décision : 08/01/2019
Sens de l'arrêt : Déchéance
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jan. 2019, pourvoi n°17-80264


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.80264
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