La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2019 | FRANCE | N°18-12265

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 septembre 2019, 18-12265


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 20 mai 2008, la société Novartis pharma a conclu avec la société TSE, devenue TSE express médical, un contrat type pour le transport de marchandises périssables sous température dirigée pour les valeurs de +2 degrés et +8 degrés ; que le 6 février 2012, des colis de produits pharmaceutiques ont été confiés au transport à la société TSE express médical ; qu'une partie des colis a été exposée à des températures négatives lors du transport ; que la sociét

é Novartis pharma a été indemnisée par son assureur, la société Covea Fleet ; que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 20 mai 2008, la société Novartis pharma a conclu avec la société TSE, devenue TSE express médical, un contrat type pour le transport de marchandises périssables sous température dirigée pour les valeurs de +2 degrés et +8 degrés ; que le 6 février 2012, des colis de produits pharmaceutiques ont été confiés au transport à la société TSE express médical ; qu'une partie des colis a été exposée à des températures négatives lors du transport ; que la société Novartis pharma a été indemnisée par son assureur, la société Covea Fleet ; que cette dernière, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, a exercé une action subrogatoire à l'encontre de la société TSE express médical ; que la société AXA est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir condamner conjointement les sociétés TSE express médical et AXA, ou l'une à défaut de l'autre, à leur payer la somme de 1 064 508,23 euros alors, selon le moyen :

1°/ que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD faisaient valoir qu'elles étaient subrogées dans les droits de la société Novartis, cocontractante de la société TSE express, et invoquaient la faute contractuelle de cette dernière résultant de la méconnaissance des stipulations contractuelles relatives au transport des marchandises sous température dirigée ; que la société TSE express n'a pas prétendu, devant la cour, que la faute qui lui est reprochée aurait été de nature extracontractuelle ; qu'en considérant, pour débouter les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD de leurs demandes visant à dire que la société TSE express devait être privée des limitations de responsabilité, que « par nature la faute extracontractuelle échappe au principe de non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats », la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que « par nature la faute extracontractuelle échappe au principe de non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats », sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré, la subrogation opérant transmission de la créance de l'assuré à l'assureur sans modification ; qu'en déboutant les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD de leurs demandes visant à dire que la société TSE express devait être privée des limitations de responsabilité, motif pris que par nature, la faute extracontractuelle échappe au principe de la non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats, quand il résulte de ses propres constatations que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD étaient subrogées dans les droits de la société Novartis et que l'avarie à l'origine du litige résultait de la méconnaissance d'une obligation contractuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 121-12 du code des assurances et 1250 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que la lettre de voiture ne constitue pas une condition de formation du contrat de transport mais seulement un instrument de preuve de cette convention ; qu'en considérant que la prise en charge de la marchandise aurait été contractuellement convenue le 6 février 2012, date de la lettre de voiture qui formerait le contrat de transport, les juges du fond ont violé l'article L. 132-8 du code de commerce ;

5°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en appliquant l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 10 décembre 2009, après avoir constaté que le contrat en cause avait été conclu en 2008, les juges du fond ont violé le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle posé par l'article 2 du code civil ;

Mais attendu que l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009, entrée en vigueur le 10 décembre suivant, est applicable à tous les contrats de transport conclus postérieurement, l'auraient-il été en exécution d'un contrat-cadre antérieur ; que la cour d'appel a relevé que l'opération de transport avait été réalisée le 6 février 2012 et que l'avarie était survenue dans la nuit du 6 au 7, ce dont il résulte que seule la faute inexcusable du transporteur était équipollente au dol ; que par ces motifs de pur droit, suggérés par la défense, substitués à ceux critiqués, tirés de la qualification extra-contractuelle de la faute de la société TSE express médical, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que la faute inexcusable du transporteur est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; qu'en écartant la faute inexcusable du transporteur, en l'état de constatations dont il résulte que ce dernier connaissait la nature de la marchandise transportée et la nécessité de la maintenir à une température de 2 à 8 degrés et qu'ayant constaté une anomalie à propos de la température du compartiment, il a délibérément redémarré le groupe de réfrigération, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 ;

2°/ qu'en considérant, d'une part, qu'un problème aurait été identifié sur le dispositif frigorifique du véhicule, au niveau d'électro vannes qui ne se refermaient pas, et d'autre part qu'aucun problème technique n'aurait été identifié, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la faute inexcusable du transporteur est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; qu'en rejetant le moyen tiré de ce que si le sinistre était dû à une défaillance technique, le transporteur avait commis une faute inexcusable en utilisant un véhicule qui avait fait l'objet de plusieurs interventions, donc inadéquat pour transporter des marchandises sensibles et de grande valeur, après avoir retenu que le sinistre trouvait son origine dans un dysfonctionnement du groupe frigorifique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article L. 133-8 du code de commerce définit la faute inexcusable comme une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; que l'arrêt retient que le véhicule de transport était constitué de trois compartiments dont les températures étaient préréglées, sans qu'il fût démontré que le chauffeur avait pris l'initiative ou pu modifier ces températures, ni que cette demande lui avait été prescrite lors de la procédure d'urgence ; qu'il ajoute qu'après avoir relevé l'anomalie des températures dans le compartiment frigorifique, réglé à 5 degrés, renfermant les marchandises, le chauffeur avait arrêté une première fois le véhicule et appelé en urgence son employeur qui lui avait indiqué de redémarrer le groupe de réfrigération, puis qu'ayant relevé une nouvelle chute des températures en dessous de zéro degré, le chauffeur avait, de nouveau, consulté en urgence son employeur, qui lui avait prescrit de stopper le groupe de réfrigération, ce qu'il avait déclaré aussi avoir fait ; que l'arrêt relève encore que le véhicule avait été mis en circulation la première fois le 24 septembre 2010, moins de deux ans avant la survenance du sinistre, qu'il avait fait l'objet d'une attestation de conformité sanitaire et que les interventions sur le dispositif frigorifique attestaient de la précaution que le transporteur avait prise pour respecter la destination de son véhicule ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le transporteur n'avait pas commis de faute inexcusable ;

Et attendu, en second lieu, que le moyen, pris en sa deuxième branche, dénonce une contradiction, non pas entre les motifs de l'arrêt, mais entre les motifs de celui-ci et ceux du jugement que la cour d'appel n'a pas adoptés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer aux sociétés TSE express médical et AXA Corporate Solutions la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Fleet de leurs demandes tendant à voir condamner conjointement les sociétés TSE Express médical et AXA, ou l'une a défaut de l'autre, à leur payer la somme de 1. 064.508,23 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des différents rapports amiables qui ont été contradictoirement discutés, il est constant que l'origine de l'avarie résulte de la baisse de température du compartiment du véhicule de transport qui a chuté de + 2,7 degrés à – 10, 5 degrés lors de leur transport de Beaune à Montmarault enregistrée entre 23h13 à 1h13 et que le chauffeur du véhicule a déclenché la procédure d'urgence à partir de 23h15 sur l'indication d'un défaut de fonctionnement ; que par nature, la faute extracontractuelle échappe au principe de non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats, en sorte que sur le fondement de l'article 2 du code civil, la substitution de la faute inexcusable à la faute lourde opérée par la loi du 8 décembre 2009 précitée est d'application immédiate aux situations nouvelles, comme c'est le cas de l'avarie qui est survenue dans la nuit du 6 au 7 février 2012 après l'entrée en vigueur de la loi ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen et s'est attaché à rechercher si les conditions de la faute inexcusable étaient réunies ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article L 133-8 du code de commerce dispose que « Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport » ; que le contrat de transport signé entre les parties en 2008 est un contrat cadre, l'article 1 du contrat stipulant que « le présent contrat a pour objet de définir les conditions et modalités juridiques et financières en vertu desquelles TSE, en qualité de commissionnaire de transport, s'engage à titre non exclusif et sans aucune obligation de volume et/ou de chiffre d'affaires, à réaliser des opérations de logistique et de transport des produits Novartis » ; que ce contrat cadre n'indique aucun objet précis relatif aux transports à réaliser, que ce soit en terme de produits à transporter, de quantité ou de dates de transport ; que seule la convenance entre les parties de transports déterminés, matérialisée en l'espèce par une succession de lettres de voiture cosignées, forme le contrat ; que le transport du 6 février 2012 est convenu par lettre de voiture nationale n° 005246 de la même date ; que cette lettre de voiture, qui définit précisément que Novartis charge TSE de la prise en charge de 84 colis de produits pharmaceutiques répartis sur deux palettes à l'entrepôt Delpharm, et de leur transport au départ de Huningue et à destination de Beaune et de Montmarault, constitue la prise d'effet du contrat à cette date pour ce transport ; que dès lors, les événements consécutifs à la prise en charge de cette marchandise le 6 février 2012, convenue contractuellement à cette date, sont soumis aux dispositions de l'article L 133-8 du code de commerce, la loi n° 2009-1503 du 10 décembre 2009 étant d'application immédiate ; que Covea Fleet souhaite se prévaloir également du fait que les parties auraient convenu, antérieurement à la loi du 8 décembre 2009 et aux dispositions de l'article L. 133-8, que la faute lourde priverait le transporteur des limitations de responsabilité ; que le texte de l'article L. 133-8 du code de commerce est impératif et d'ordre public ; qu'il précise : « toute clause contraire est réputée non écrite » ; dès lors, en l'espèce, seule la faute inexcusable peut faire perdre à TSE le bénéfice des limitations de responsabilité ; qu'en conséquence, le tribunal déboutera MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD venant aux droits de Covea Fleet de leur demande visant à dire que TSE a commis une faute lourde la privant des limitations de responsabilité, conformément à l'article L. 133-8 du code de commerce ; qu'en conséquence de ce qui précède, le tribunal dira que les limitations de responsabilité s'appliquent et déboutera MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD venant aux droits de Covea Fleet de leur demande de voir condamner conjointement TSE et AXA ou l'une à défaut de l'autre à leur payer la somme de 1 064 508, 23 € ;

1°) ALORS QUE les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD faisaient valoir qu'elles étaient subrogées dans les droits de la société Novartis, cocontractante de la société TSE Express, et invoquaient la faute contractuelle de cette dernière résultant de la méconnaissance des stipulations contractuelles relatives au transport des marchandises sous température dirigée ; que la société TSE Express n'a pas prétendu, devant la cour, que la faute qui lui est reprochée aurait été de nature extracontractuelle ; qu'en considérant, pour débouter les exposantes de leurs demandes visant à dire que la société TSE Express devait être privée des limitations de responsabilité, que « par nature la faute extracontractuelle échappe au principe de non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats », la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que « par nature la faute extracontractuelle échappe au principe de non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats », sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré, la subrogation opérant transmission de la créance de l'assuré à l'assureur sans modification ; qu'en déboutant les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD de leurs demandes visant à dire que la société TSE Express devait être privée des limitations de responsabilité, motif pris que par nature, la faute extracontractuelle échappe au principe de la non-rétroactivité de la loi applicable aux contrats, quand il résulte de ses propres constatations que les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD étaient subrogées dans les droits de la société Novartis et que l'avarie à l'origine du litige résultait de la méconnaissance d'une obligation contractuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 121-12 du code des assurances et 1250 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la lettre de voiture ne constitue pas une condition de formation du contrat de transport mais seulement un instrument de preuve de cette convention ; qu'en considérant que la prise en charge de la marchandise aurait été contractuellement convenue le 6 février 2012, date de la lettre de voiture qui formerait le contrat de transport, les juges du fond ont violé l'article L. 132-8 du code de commerce ;

5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en appliquant l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 10 décembre 2009, après avoir constaté que le contrat en cause avait été conclu en 2008, les juges du fond ont violé le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle posé par l'article 2 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Fleet de leurs demandes tendant à voir condamner conjointement les sociétés TSE Express médical et AXA, ou l'une a défaut de l'autre, à leur payer la somme de 1. 064.508,23 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : sur les preuves de la faute inexcusable : en l'état de chacun des rapports du cabinet Cesam et du cabinet AM, réalisés dans l'intérêt du transporteur, ainsi que les deux attestations du chauffeur, il est établi la preuve que le véhicule de transport était constitué de trois compartiments dont les températures étaient preréglées, sans qu'il soit démontré que le chauffeur ait pris l'initiative ou pu modifier ces températures, ni que cette demande lui a été prescrites lors de la procédure d'urgence ; après avoir relevé l'anomalie des températures dans le compartiment frigorifique réglé à 5 degrés dédié aux marchandises, le chauffeur a arrêté une première fois le véhicule, appelé en urgence son employeur qui lui a indiqué redémarrer le groupe de réfrigération, puis après avoir relevé une nouvelle chute des températures en dessous de 0°, le chauffeur a, à nouveau consulté en urgence son employeur, qui lui a prescrit de stopper le groupe de réfrigération, ce qu'il déclare aussi avoir fait ; aux termes de la consultation, la société Sogerfi Froid a retenu qu'il se pouvait que « le problème se situe au niveau d'une ou plusieurs électro vannes qui ne se referment pas. En fonction des conditions climatiques extérieures, du manque de fonctionnement du groupe, un équilibrage des pressions de réfrigérants se perd dans le circuit ce qui empêche l'ouverture ou la fermeture de ou des électro vannes » ; en l'état de ses constatations, aucune preuve des éléments de la faute inexcusable du chauffeur n'est établie ; les sociétés MMA prétendent, en second lieu, déduire la faute inexcusable du transporteur résultant de l'usage d'un véhicule inadéquat pour transporter la marchandise d'une grande valeur, alors qu'il avait déjà fait l'objet de trois interventions en juillet, septembre et octobre 2011 sur des dysfonctionnements du dispositif frigorifique ; au demeurant, il est établi que le véhicule a été mis en circulation la première fois le 24 septembre 2010 moins de deux ans avant la survenance du sinistre, il a fait l'objet d'une attestation de conformité sanitaire et tandis que les interventions sur le dispositif frigorifique allégué attestent la précaution que le transporteur a apporté pour respecter la destination de son véhicule, l'audit que la société Novartis Pharma a ultérieurement fait réaliser sur la société TSE attestant de son professionnalisme, de sorte que le moyen sera tout autant écarté ; le jugement sera en conséquence confirme de ce chef ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELEMENT ADOPTES QUE : l'article L 133-8 du code de commerce dispose que « est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute de clause contraire est réputée non écrite » ; l'article 1315 du code civil dispose que « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation ». la faute inexcusable suppose ainsi la réunion de quatre critères cumulatifs : une faute délibérée, la conscience de la probabilité d'en dommage, l'acceptation téméraire des suites pouvant en résulter, une acceptation sans raison valable. Si l'un de ces quatre éléments constitutifs de la faute inexcusable n'est pas établi cette dernière doit être écartée ; c'est à Covea Fleet, demandeur à l'action, d'établir que le dommage a résulté d'une faute inexcusable ; la charge de la preuve repose sur elle ; elle doit démontrer que TSE, du fait de son chauffeur ou du fait de son choix de véhicule pour le transport litigieux, a commis une faute délibérée, c'est-à-dire volontaire, consciente et intentionnelle. Covea Fleet soutient que le chauffeur aurait commis une erreur volontaire puis aurait mal géré l'incident en faisant preuve d'inaction et on l'aggravant délibérément en maintenant en marche le groupe frigorifique. Aucune pièce versée aux débats ne démontre que le chauffeur aurait commis une erreur dans le réglage du thermostat sur une température négative ; le fait que le premier voyage entre Huningue et Beaune, puis que les deux premières heures du second voyage entre Beaune et Montmarault, se soit déroulé sans incident tend à démontrer que le chauffeur était en capacité de faire fonctionner un tel thermostat ; l'erreur intentionnelle ou erreur volontaire de la part du chauffeur, telle que soutenue par Covea Fleet, n'est pas davantage démontrée ; il n'est pas démontré que le chauffeur a fait délibérément preuve d'inaction ; il est établi que celui-ci a appelé immédiatement son supérieur hiérarchique dès qu'il a été informé d'un incident de température et qu'il a déclenché la procédure d'urgence, comportant l'arrêt du groupe frigorifique ; le chauffeur, constatant que l'incident perdurait, a rappelé son entreprise pour recevoir de nouvelles instructions et, sur instruction de son directeur, a arrêté le groupe frigorifique ; Covea Fleet soutient que le chauffeur aurait intentionnellement mal agi en maintenant en route le groupe frigorifique, ce qui aurait conduit à une seconde chute de température dans le compartiment du véhicule ; mais la seconde chute de température constatée entre 00h43 et 01h13 s'est étalée de -1,8° à – 10, 5° ; il s'agissait d'un groupe à température dirigée + 5° C dont le fonctionnement ne peut avoir pour effet une telle baisse de température ; le maintien en fonctionnement du groupe à température dirigée, à supposer qu'il ait eu lieu, il ne pouvait avoir pour effet de baisser la température ; la température extérieure durant la nuit de l'incident était de – 10° C, ce qui correspond à la température du compartiment constatée à destination ; ainsi, Covea Fleet, ne démontre pas que le chauffeur ait intentionnellement mal agi ; dès lors Covea Fleet ne démontre pas que le chauffeur ait commis une faute inexcusable, délibérée, susceptible d'engager la responsabilité de TSE ; en second lieu Covea Fleet soutient que TSE aurait commis une faute inexcusable, en choisissant le véhicule immatriculé BA945MS pour effectuer cette livraison de produits pharmaceutiques, donc fragiles, alors que le groupe frigorifique pouvait tomber en panne à tout moment ; TSE avait parfaitement conscience de la probabilité du dommage ; mais Covea Fleet verse aux débats, au soutien de ses allégations, seulement les trois factures de maintenance du véhicule communiquées par TSE ; le véhicule immatriculé en septembre 2010 était récent ; la température du compartiment était adaptée pendant les deux premières heures du trajet ; aucun problème technique n'a été identifié sur le dispositif frigorifique du véhicule suite à l'intervention d'un spécialiste de la réfrigération routière à la suite de l'incident ; les factures versées aux débats, outre qu'elles ne concernent pas toute le groupe frigorifique +5 C ne révèlent pas de dysfonctionnement majeur et irrémédiable pour ce groupe frigorifique, qui ne pouvait être réparé par l'entreprise frigoriste et qui démontrerait une prise de risque délibéré de la part de TSE à l'égard de ce transport de produits pharmaceutiques ; dès lors Covea Fleet n'apporte pas la preuve que TSE ait commis une faute inexcusable, délibérée, susceptible d'engager sa responsabilité, sur le choix du véhicule ; en conséquence, le tribunal déboutera MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD venant aux droits de Covea Fleet, et leur demande visant à dire que TSE a commis une faute inexcusable la privant des imitations de responsabilité, conformément à l'article L 133-8 du code de commerce ;

1°) ALORS QUE la faute inexcusable du transporteur est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; qu'en écartant la faite inexcusable du transporteur, en l'état de constatations dont il résulte que ce dernier connaissait la nature de la marchandise transportée et la nécessité de la maintenir à une température de 2 à 8 degrés et qu'ayant constaté une anomalie à propos de la température du compartiment, il a délibérément redémarré le groupe de réfrigération, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 ;

2°) ALORS QU'en considérant, d'une part, qu'un problème aurait été identifié sur le dispositif frigorifique du véhicule, au niveau d'électro vannes qui ne se refermaient pas, d'autre part qu'aucun problème technique n'aurait été identifié, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la faute inexcusable du transporteur est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; qu'en rejetant le moyen tiré de ce que si le sinistre était dû à une défaillance technique, le transporteur avait commis une faute inexcusable en utilisant un véhicule qui avait fait l'objet de plusieurs interventions, donc inadéquat pour transporter des marchandises sensibles et de grande valeur, après avoir retenu que le sinistre trouvait son origine dans un dysfonctionnement du groupe frigorifique, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-8 du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-12265
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 sep. 2019, pourvoi n°18-12265


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12265
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award