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16/12/2020 | FRANCE | N°17-24292

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 17-24292


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 799 F-D

Pourvoi n° F 17-24.292

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBR

E 2020

La société [...] , entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 17-24.292 co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 799 F-D

Pourvoi n° F 17-24.292

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société [...] , entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 17-24.292 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d'appel de Toulouse (6e chambre civile, première présidence), dans le litige l'opposant à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable (Fidexpertise), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [...] , de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable, et l'avis de Mme Deaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 juin 2017), après avoir décelé des anomalies dans les comptes de l'EURL [...] (la société [...] ), M. D..., son gérant, a déposé plainte le 28 novembre 2014 et Mme E..., comptable de la société, a été reconnue coupable des infractions de vol, falsification de chèques, usage de chèques falsifiés et recel et condamnée par la juridiction pénale, le 6 octobre 2015, à indemniser la société.

2. Reprochant à son expert-comptable, la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable (la société Fidexpertise), des négligences dans l'exercice de sa mission, la société [...] l'a assignée, le 28 septembre 2015, en paiement de dommages-intérêts à concurrence du montant des détournements commis par Mme E.... La société Fidexpertise lui a opposé la forclusion de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société [...] fait grief à l'arrêt de dire ses demandes forcloses, alors « que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, c'est-à-dire au moment où ce dommage acquiert le caractère de certitude nécessaire à sa réparation ; que lorsque le dommage consiste en des détournements de chèques, il n'est réalisé qu'à compter du moment où l'auteur des détournements est reconnu pénalement l'auteur des faits reprochés et que le dommage est déterminé avec certitude ; qu'en décidant que le délai de l'action en responsabilité intentée par la société [...] contre la société Fidexpertise avait commencé à courir à compter de la date du dépôt de plainte contre Mme E..., la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

6. Pour déclarer la société [...] forclose à agir contre la société Fidexpertise, l'arrêt, après avoir constaté qu'il résultait des stipulations des conditions générales de la lettre de mission, signée entre les sociétés [...] et Fidexpertise en mars 2009, que toute demande de dommages-intérêts devait être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aurait eu connaissance du sinistre, et relevé qu'au moment où il avait déposé plainte, en novembre 2014, M. D... avait connaissance des détournements, retient qu'à cette date, il était en mesure d'intenter une action à l'encontre de la société Fidexpertise.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'à la date du dépôt de plainte, la société [...] avait connaissance des conditions dans lesquelles la société Fidexpertise avait exercé sa mission de contrôle des agissements de Mme E... et de ses éventuelles négligences, sans laquelle elle ne pouvait utilement rechercher la responsabilité de l'expert-comptable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte des débats la pièce n° 12 (procès-verbal d'audition du 3 avril 2015) communiquée tardivement par la société [...] et rabat l'ordonnance de clôture au 18 mai 2017, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [...]

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les demandes de l'Eurl [...] était forcloses ;

AUX MOTIFS QU'après examen de l'ensemble des pièces du dossier il convient de préciser : - qu'une lettre de mission a été signée par les parties en mars 2009 et que cette lettre de mission est régulière ; - que les conditions générales auxquelles renvoie expressément la lettre de mission prévoient au numéro 20 que toute demande de dommages-intérêts devait être introduite auprès du tribunal d'instance dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre ; - que M. D... a eu connaissance des détournements et a déposé plainte en novembre 2014 ; - que M. D... savait au moment où il a déposé plainte que des fonds avaient été détournés au moyen de chèques encaissés sur un compte différent de celui de la société ; - que lors du dépôt de la plainte en novembre 2014 M. D... était en mesure d'intenter une action devant le tribunal d'instance à l'encontre du cabinet Fidexpertise ; - qu'en septembre 2015, l'action a été introduite devant le tribunal d'instance en ne respectant pas le délai de trois mois prévu dans la lettre de mission ; que la cour estime que les courriers adressés par le conseil de M. D... ne permettent pas de retenir le respect du délai de trois mois et il convient de constater la forclusion ;

1/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un contrat ; qu'en l'espèce, la lettre de mission signée par la société [...] ne faisait pas référence à des conditions générales, dont aucune copie signée n'était en toute hypothèse jointe à la lettre de mission ; qu'en retenant que la lettre de mission renvoyait expressément aux conditions générales, pour en déduire que la clause relative au délai de forclusion était opposable à la société [...] , la cour d'appel a dénaturé la lettre de mission, en violation de l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;

2/ ALORS QUE seule la signature des conditions générales d'un contrat ou la mention attestant de la connaissance et de l'acceptation de ces dernières permet d'établir que le souscripteur du contrat en a eu connaissance et les a acceptées ; que dans ses conclusions, la société [...] faisait valoir qu'elle n'avait jamais eu connaissance des conditions générales, que la lettre de mission qu'elle avait signée ne comportait aucun renvoi aux conditions générales, lesquelles ne comportaient au demeurant aucune signature ; que pour faire application du délai de forclusion prévu aux conditions générales, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la lettre de mission renvoyait aux conditions générales sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si ces conditions générales comportaient la signature de la société [...] qui, seule, pouvait valoir acceptation de ces dernières ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1314 du code civil, devenus 1128 et 1103 du même code ;

3/ ALORS subsidiairement QUE le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, c'est à dire au moment où ce dommage acquiert le caractère de certitude nécessaire à sa réparation ; que lorsque le dommage consiste en des détournements de chèques, il n'est réalisé qu'à compter du moment où l'auteur des détournements est reconnu pénalement l'auteur des faits reprochés et que le dommage est déterminé avec certitude ; qu'en décidant que le délai de l'action en responsabilité intentée par l'exposante contre Fidexpertise avait commencé à courir à compter de la date du dépôt de plainte contre Mme E..., la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-24292
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 29 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2020, pourvoi n°17-24292


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.24292
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