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06/01/2021 | FRANCE | N°18-25945

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 janvier 2021, 18-25945


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 21 F-D

Pourvoi n° Y 18-25.945

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. U... G..., domicilié [...] , ag

issant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] ,

2°/ Mme E... B..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 18-25.945 co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 21 F-D

Pourvoi n° Y 18-25.945

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021

1°/ M. U... G..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] ,

2°/ Mme E... B..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 18-25.945 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Banque populaire du Nord, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. G..., ès qualités, et de Mme B..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire du Nord, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 octobre 2018), par un acte du 29 mars 2011, la société Banque populaire du Nord (la banque) a consenti à la société [...] (la société) un prêt d'un montant de 476 000 euros, garanti par le cautionnement de Mme B..., gérante de la société.

2. Par un acte du 23 septembre 2011, la banque a également consenti à la société un prêt d'un montant de 30 000 euros, garanti par le cautionnement de Mme B....

3. La société ayant été mise en sauvegarde le 24 juin 2014, procédure convertie en liquidation judiciaire le 5 janvier 2015, M. G... étant désigné en qualité de liquidateur, la banque a assigné en paiement la société et la caution, lesquelles lui ont opposé, pour la première, un manquement à son obligation de mise en garde et, pour la seconde, la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. M. G..., ès qualités, et Mme B... font grief à l'arrêt de condamner cette dernière, en sa qualité de caution solidaire, au paiement de diverses sommes et de la débouter de ses demandes, alors « que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que pour écarter l'affirmation de Mme B... selon laquelle, lors de la souscription du cautionnement, elle était sans emploi, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle était contredite sur ce point par les pièces qu'elle versait aux débats "s'agissant de l'avis d'impôt 2011 dont il ressort qu'elle a perçu en 2010 un revenu annuel de 20 659 euros" ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif impropre à établir que, lors de la souscription des cautionnements litigieux, les 29 mars et 23 septembre 2011, Mme B... était encore en activité, et tandis qu'elle avait déclaré à la banque, préalablement à cette souscription, qu'elle était sans emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

6. Pour condamner Mme B... et rejeter ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci faisait valoir qu'elle était sans activité lors de son engagement de caution du 29 mars 2011, retient que cette affirmation est contredite par l'avis d'impôt 2011 dont il ressort qu'elle a perçu en 2010 un revenu annuel de 20 659 euros.

7. En se déterminant ainsi, au regard de revenus non contemporains de la souscription des engagements de la caution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme B..., en sa qualité de caution solidaire de la société [...] , au titre du prêt de 476 000 euros, au paiement de la somme de 319 418,66 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 3,95 % l'an sur la somme principale de 294 699,79 euros depuis le 2 mai 2013, et au titre du prêt de 30 000 euros, au paiement de la somme de 30 981,92 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3,95 % l'an sur un principal de 27 627,87 euros à compter du 2 mai 2013, l'arrêt rendu le 4 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Banque populaire du Nord aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque populaire du Nord et la condamne à payer à Mme B... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. G..., ès qualités et Mme B....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la créance de la Banque Populaire du Nord à l'égard de la SARL [...] à titre privilégié pour la somme de 319.418,66 € et à titre chirographaire pour la somme de 30.981,92 €, à parfaire s'agissant des intérêts au taux de 3,95% l'an dus à compter du 24 juillet 2014, d'avoir, en conséquence, condamné Mme E... B... en sa qualité de caution solidaire de la SARL [...] au titre du prêt de 476.000 €, au paiement de la somme de 319.418,66 € outre les intérêts au taux conventionnel de 3,95% l'an sur la somme principale de 294.699,79 € depuis le 2 mai 2013 et au titre du prêt de 30.000 €, au paiement de la somme de 30.981,92 € avec intérêts au taux conventionnel de 3,95% l'an sur un principal de 27.627,87 €, à compter du 2 mai 2013 et d'avoir rejeté toutes ses demandes ;

Aux motifs qu' « aux termes de l'article L650-1 du code de commerce " Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées." ; que la SA BPN rappelle que la SARL [...] a été spécialement constituée pour l'acquisition des parts de la SAS La Louisiane et qu'elle a contracté pour son financement un prêt de 476.000€ le 23 mars 2011 et un prêt complémentaire de 30.000€ le 23 septembre 2011 ; qu'en effet, Mme B... indique qu'alors que le prix de cession était initialement fixé à la somme de 570.000€, ce prix a été porté à 610.000€ à la suite d'un incendie ayant détruit la cuisine qui a justifié l'exécution de travaux financés par l'assureur, le vendeur ayant exigé une plus-value, demande à laquelle Mme B... dit ne pas avoir été en mesure de résister car elle devait rapidement reprendre une activité générant des revenus (sic) ; que pour l'obtention du premier prêt de 476.000€, Mme E... B... a présenté à la banque un prévisionnel de développement de la SAS La Louisiane, les actions de cette société dont la société Manureva était titulaire devant être cédées à la SARL [...] , société holding, au prix global de 572K€, dont 120K€ financé par un apport personnel de Mme B... ; que pour financer le complément de prix dont il est fait état ci-dessus, la SARL [...] a souscrit un second prêt de 30.000 € en date du 23 septembre 2011 auprès de la SA BPN ; que les intimés font valoir que la banque a engagé sa responsabilité dans la mesure où elle n'a pas mis en garde l'emprunteur profane, alors que Mme B... gérante de la SARL [...] n'avait jamais travaillé dans la restauration et était néophyte dans le fonctionnement des sociétés dont une holding et qu'au surplus le résultat d'exploitation du fonds de commerce de La Louisiane, ne permettait pas de couvrir les mensualités de remboursement ; que la SA BPN fait justement valoir qu'elle a consenti les prêts dont s'agit sur la base d'un prévisionnel établi pour le compte de la SARL [...] en date du 26 novembre 2010 par Axe Conseil Expertise, cabinet d'expert-comptable auquel la SARL [...] a fait appel de telle sorte qu'il ne saurait être prétendu que cette dernière serait un emprunteur non averti, le recours à une société holding ayant été décidé par Mme B..., gérante, sans qu'il ne soit démontré que la SA BPN soit intervenu dans ce choix ; que s'agissant du montant des mensualités des prêts, il était prévu au prévisionnel que ces remboursements s'effectueraient par remontées de dividende de la SAS La Louisiane vers la société mère, le prévisionnel faisant apparaître une capacité d'autofinancement de 84k€ en 2011, 130 K€ en 2012 et 135 K€ en 2013 ; qu'or, les intimés font valoir que le résultat d'exploitation du fonds de commerce la Louisiane ne permettait pas de couvrir les mensualités du prêt se fondant pour leur démonstration sur le résultat des années 2010, 2011, 2012 et 2013 alors que ces éléments ne pouvaient pour l'essentiel être connus de la banque lors de la souscription du prêt, la cession des parts consentie à la SARL [...] étant intervenue en début d'année 2011 ; que les intimés prétendent que les difficultés financières sont liées aux exigences de la SA BPN relativement au remboursement mensuel des prêts consentis, alors que le prévisionnel se basait sur une échéance annuelle des prêts, la cession ayant été consentie en mars 2011 de telle sorte que le premier remboursement devait intervenir en 2012 ; qu'ils affirment que le compte annuel au 31 janvier 2011 ne confirmait pas les chiffres du prévisionnel, le chiffre d'affaires s'élevant à 557.261 € au lieu des 688.867 € prévus ; que toutefois, les intimés ne démontrent pas que le compte annuel clos au 31 janvier 2011 a été porté à la connaissance de la SA BPN ; qu'enfin, les modalités de règlement des prêts par échéances mensuelles prévues contractuellement et acceptées par la SARL [...] ne caractérisent pas une immixtion de la banque dans la gestion du débiteur ; qu'en dernier lieu, les intimés font valoir que la SA BPN a exigé des garanties disproportionnées, sans se préoccuper de la viabilité des opérations soit aux termes du contrat de prêt professionnel portant sur le rachat de 500 actions de la SAS Louisiane : - délégation d'assurance décès perte totale d'autonomie à hauteur de 100`)/o sur la tête de Mme B... ; - nantissement de 500 actions de la SAS Louisiane,- caution personnelle solidaire et indivisible de Mme B... E... de 571.200 € - caution personnelle solidaire et indivisible de 12.000 € de B... N..., - caution personnelle solidaire et indivisible de J... X... de 36.000 €, - caution simple de Bono Distribution de 30.000 €, - caution simple de la compagnie européenne de garanties et cautions à concurrence de 230.003,20 € ; qu'or, la SA BPN fait justement observer que les garanties n'ont pas le même objet, s'agissant notamment de la délégation d'assurance décès invalidité à 100% sur la tête de Mme B..., le nantissement ayant la nature d'une sûreté dont le caractère disproportionné s'apprécie en fonction de la valeur des actions par nature évolutive et dont il n'est pas justifié, le montant de l'engagement des cautions correspondant à un maximum fixé au regard des obligations contractées par le débiteur en principal, intérêts et frais ; que dès lors, les intimés ne démontrent pas que les garanties souscrites sont disproportionnées ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer le jugement du 13 janvier 2017 en ce qu'il a condamné la SA BPN à payer à la société [...] 1°) la somme de 319.418,66 € sauf à parfaire les intérêts au taux conventionnel de 3.95% l'an sur un principal de 294.699,79 €, 2°) la somme de 30.981,92 € sauf à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 3,95% l'an sur un principal de 27.627,87€ à compter du 24 juillet 2014, et ordonné la compensation avec les montants dus par la société [...] et débouté la SA BPN » (arrêt, p. 6 à 8) ;

Alors 1°) que s'il résulte de l'article L. 650-1 du code de commerce que les établissements bancaires créanciers d'une entreprise en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises sont disproportionnées aux concours, ces mêmes établissements peuvent être responsables des manquements à leur obligation de mise en garde du bénéficiaire des concours lorsqu'ils y sont soumis ; qu'en n'appréciant la responsabilité de la Banque Populaire du Nord à l'égard de la société [...] sous le seul angle des conditions prévues par l'article L. 650-1 du code de commerce, tandis que la société [...] se prévalait d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, lequel n'était pas soumis à ce texte, la cour d'appel a violé les articles L. 650-1 du code de commerce et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code ;

Alors 2°) que le banquier est tenu envers les emprunteurs non avertis d'un devoir de mise en garde lors de la conclusion du contrat de prêt, à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; que le caractère averti ou profane de l'emprunteur, lorsqu'il s'agit d'une personne morale, s'apprécie en la personne de son dirigeant ; que par ailleurs, la circonstance que ce dirigeant ait été conseillé lors de la souscription du prêt est indifférente à l'appréciation de ce caractère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société [...] était un emprunteur averti puisqu'elle avait fait appel à un cabinet d'expertise comptable pour établir le prévisionnel de son activité (arrêt, p. 6 dernier §) et qu'il n'était pas établi par Mme B... qu'elle était une caution profane dès lors qu'elle avait été cogérante d'une société exploitant un fonds de commerce de restauration (arrêt, p. 10 § 1) ; qu'en se prononçant par des motifs impropres à caractériser en quoi Mme B..., gérante de la société [...] , était en mesure, au regard de ses compétences et de ses connaissances, d'appréhender les risques liés à la souscription des cautionnements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code ;

Alors 3°) que, subsidiairement, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises en contrepartie de ces concours ; qu'en l'espèce, la société [...] faisait valoir le prévisionnel d'activité établi par la société Axe Conseil à sa demande reposait sur l'hypothèse d'un prix de cession inférieur à celui finalement convenu, avec un remboursement par annuité à l'expiration de chaque exercice, afin que le remboursement soit financé par les dividendes versés par la société La Louisiane (concl., p. 6 et 7) ; qu'elle faisait également valoir que les prêts octroyés l'avaient été sur des bases différentes de celle envisagée par la société Axe Conseil, puisque le montant à financer était différent et que les remboursements étaient dus mensuellement ; qu'elle en déduisait que la banque, en imposant les conditions des prêts consentis, s'était immiscée dans sa gestion afin d'organiser les modalités de remboursement les plus favorables pour elle au détriment de la viabilité de son activité ; qu'en se bornant à affirmer que « les modalités de règlement des prêts par échéances mensuelles prévues contractuellement et acceptées par la SARL [...] ne caractérisent pas une immixtion de la banque dans la gestion du débiteur » (arrêt, p. 7 § 7), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la modification, par la banque, des modalités de remboursement du prêt, n'impliquait pas une remise en cause du principe d'un remboursement ayant pour origine les dividendes générés par la société La Louisiane et caractérisait ainsi une immixtion de la banque dans la gestion même de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme E... B... en sa qualité de caution solidaire de la SARL [...] au titre du prêt de 476.000 €, au paiement de la somme de 319.418,66 € outre les intérêts au taux conventionnel de 3,95% l'an sur la somme principale de 294.699,79 € depuis le 2 mai 2013 et au titre du prêt de 30.000 €, au paiement de la somme de 30.981,92 € avec intérêts au taux conventionnel de 3,95% l'an sur un principal de 27.627,87 €, à compter du 2 mai 2013 et de l'avoir débouté de ses demandes ;

Aux motifs que « s'agissant de la caution, il convient de rappeler que les dispositions de l'article L650-1 du code de commerce ne sont pas applicables, la responsabilité de la banque pouvant néanmoins être recherchée sur le fondement de l'article L341-4 du code de la consommation devenu l'article L332-1 dont il ressort que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'ainsi, il appartient à la caution qui entend opposer à la caisse créancière les dispositions de l'article L. 332-1 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci ; qu'en l'espèce, Mme B... fait valoir qu'elle était sans activité lors de son engagement de caution garantissant le financement des parts sociales de la SARL [...] soit le 29 mars 2011 ; qu'or, cette affirmation est contredite par les pièces qu'elle verse aux débats s'agissant de l'avis d'impôt 2011 dont il ressort qu'elle a perçu en 2010 un revenu annuel de 20.659 € ; que par ailleurs, la SA BPN évalue son patrimoine lors de la souscription du cautionnement à : - liquidités 20.000 € ; - liquidités moitié du prix du fonds de commerce " François 1er" 121.000€, - 50% de la maison de [...] montant net 111.000 €, un apport pour la constitution de la société de 9.990 € ; que Mme B... réplique que c'est 120.000€ qui ont été apportés dans le cadre du financement par la SARL [...] des actions de la SAS Louisiane, de telle sorte qu'elle ne disposait plus des fonds lui revenant au titre de la cession du fonds de commerce " Le François premier", l'immeuble de [...] ayant été cédé au prix de 155.000 € dont la moitié revenant à son ex-compagnon, après déduction des sommes dues au Crédit Agricole, la valeur nette de l'immeuble étant de 70.048,86 € dont la moitié revenant à Mme B... ; qu'elle justifie ce fait par la production d'un jugement du 18 novembre 2015 du tribunal de grande instance de Dieppe faisant état d'un commandement aux fins de saisie immobilière délivré le 8 février 2013 à la requête du Crédit Agricole Mutuel, l'immeuble situé [...] ayant été vendu à l'amiable au prix de 155.000 € dont 84.950,14 € revenant au Crédit Agricole ;

que toutefois, elle ne démontre pas que la SA BPN connaissait sa situation réelle au jour de l'engagement de caution, s'agissant notamment de son endettement antérieur ; qu'en outre, il convient d'observer que Mme B... était co-gérante de la SARL "Le François premier" s'agissant d'un fonds de restaurant situé au [...], ce qui infirme ses déclarations tendant à faire accroire qu'elle serait une caution non avertie ; qu'en conséquence, Mme B... ne démontre pas suffisamment que le contrat de cautionnement était manifestement disproportionné lors de sa conclusion et sera donc condamnée solidairement au paiement des sommes dues à la SA BPN au titre des prêts garantis » (arrêt, p. 9 et 10) ;

Alors 1°) que le juge ne peut relever d'office un moyen de fait ou de droit sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en l'espèce, Mme B... faisait valoir qu'au moment de la souscription du cautionnement litigieux, il n'était pas contesté qu'elle était sans emploi (concl., p. 13 § 4) ; que la Banque Populaire du Nord, qui reconnaissait que Mme B... lui avait bien déclaré être sans emploi lors de la souscription des cautionnements litigieux, se bornait à mettre en doute cette allégation sur la seule affirmation que Mme B... avait été cogérante d'un autre restaurant ; que pour écarter l'affirmation de Mme B... selon laquelle, lors de la souscription du cautionnement, elle était sans emploi, la cour d'appel s'est bornée à relever que Mme B... s'était contredite sur ce point par les pièces qu'elle versait aux débats « s'agissant de l'avis d'impôt 2011 dont il ressort qu'elle a perçu en 2010 un revenu annuel de 20.659 € » (arrêt, p. 9 § 6) ; qu'en soulevant ainsi d'office un moyen de fait, selon lequel la preuve d'une activité rémunérée au jour de la souscription des cautionnements résultait de l'avis d'imposition 2011, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 2°) qu'en toute hypothèse, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que pour écarter l'affirmation de Mme B... selon laquelle, lors de la souscription du cautionnement, elle était sans emploi, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle était contredite sur ce point par les pièces qu'elle versait aux débats « s'agissant de l'avis d'impôt 2011 dont il ressort qu'elle a perçu en 2010 un revenu annuel de 20.659 € » (arrêt, p. 9 § 6) ; qu'en se prononçant ainsi, par un motif impropre à établir que, lors de la souscription des cautionnements litigieux, les 29 mars et 23 septembre 2011, Mme B... était encore en activité, et tandis qu'elle avait déclaré à la banque, préalablement à cette souscription, qu'elle était sans emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation ;

Alors 3°) qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique, profane ou non, dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande de Mme B... tendant à être déchargée de son engagement de caution à raison de sa disproportion au motif que cette dernière n'était pas une caution non avertie ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la décharge du cautionnement en raison de sa disproportion bénéficie à toutes les cautions, qu'elles soient profanes ou averties, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation ;

Alors 4°) qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique, dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'engagement de caution de Mme B... n'était pas disproportionné dès lors qu'elle ne démontrait pas que la Banque Populaire du Nord connaissait sa situation réelle au jour de cet engagement (arrêt, p. 9 in fine) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la déclaration de patrimoine faite à la banque lors de la souscription du cautionnement ne comportait pas une somme de 121.000 € au titre du prix obtenu à la suite de la cession du fonds de commerce « François 1er » qui devait servir d'apport à la souscription de l'un des prêts garantis et si, dès lors, cette somme ne pouvait être prise en compte par la banque pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement au patrimoine de Mme B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation ;

Alors 5°) qu'en toute hypothèse, la cour d'appel a constaté que Mme B... avait consenti à la Banque Populaire du Nord un cautionnement pour un montant total en principal de 571.200 € (arrêt, p. 7 § 11) ; qu'elle a par ailleurs relevé que, selon la banque, le patrimoine de Mme B... pouvait être évalué à la somme de 261.990 € (arrêt, p. 9) ; que pour décider que l'engagement de caution de Mme B... n'était pas disproportionné, la cour d'appel s'est bornée à considérer que Mme B... ne démontrait pas qu'elle n'était pas sans activité et que son patrimoine était inférieur à ce qu'alléguait la banque ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si l'engagement de caution de Mme B..., dont le montant était supérieur au double de ce patrimoine tel que déclaré à la banque, n'était pas en toute hypothèse disproportionné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation ;

Alors 6°) que, subsidiairement, la banque est tenue, à l'égard des cautions considérées comme non averties, d'un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et de risques de l'endettement né de l'octroi du prêt et que cette obligation n'est donc pas limitée au caractère disproportionné de leur engagement au regard de leurs biens et ressources ; qu'en l'espèce, Mme B... invoquait le manquement de la banque à son devoir de mise en garde à son égard, en faisant valoir qu'elle était une caution profane (concl., p. 9) ; qu'elle exposait notamment que, si elle avait exercé la profession de commerçant, elle n'avait aucune connaissance des subtilités des sociétés holding et des sociétés d'exploitation et n'avait pu appréhender les risques liés à l'opération complexe d'acquisition qui avait été proposée à la société [...] ; qu'en se bornant à énoncer que Mme B... ne démontrait pas qu'elle était une caution non avertie au seul motif qu'elle avait été co-gérante d'une société exploitant un fonds de commerce de restaurant (arrêt, p. 10 § 1), ce motif étant impropre à caractériser en quoi Mme B... était en mesure, au regard de ses compétences et de ses connaissances, d'appréhender les risques liés à la souscription des cautionnements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-25945
Date de la décision : 06/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 04 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 jan. 2021, pourvoi n°18-25945


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.25945
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