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04/11/2021 | FRANCE | N°20-12839

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2021, 20-12839


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 740 F-D

Pourvoi n° U 20-12.839

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021<

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M. [V] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.839 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Bourge...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 740 F-D

Pourvoi n° U 20-12.839

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2021

M. [V] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.839 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Val de France, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Banque populaire Val de France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [C], de Me Bouthors, avocat de la société Banque populaire Val de France, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 12 décembre 2019), par des actes des 5 août 2010 et 8 juillet 2011, la société Banque populaire Val de France (la banque) a consenti à la société Backstage Music deux prêts, respectivement de 88 000 euros et de 50 000 euros. M. [C], gérant de la société Backstage Music, s'est rendu caution dans la limite de 22 000 euros pour le premier prêt et de 65 000 euros pour le second. La société Backstage ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [C], qui a opposé à la banque la disproportion manifeste de ses engagements et la non-exécution par celle-ci de son obligation de mise en garde et le manquement à son obligation d'information annuelle, prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les sommes de 22 000 euros et 36 292,52 euros dues au titre de ses engagements de caution par M. [C] portent intérêts au taux légal à compter de sa signification, alors « que, l'article L. 313-22 du code monétaire et financier n'impose aux établissements financiers aucune forme particulière pour porter à la connaissance de la caution l'information exigée par ce texte et il n'incombe pas à l'établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu l'information qui lui a été envoyée ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui énonce que les constats d'huissier produits par la BPVF et attestant l'envoi des lettres d'information annuelle à M. [C] comme caution ne pouvait considérer que la banque n'avait pas satisfait à son obligation d'information au motif que ces constats "n'établissent pas si ces personnes ont effectivement reçu lesdites lettres, qu'en l'espèce lesdits constats ne peuvent se substituer à une lettre recommandée avec accusé de réception" sans violer les articles 1315 (ancien) et L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier :

4. Selon ce texte, lorsqu'un établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, ne fait pas connaître à la caution au plus tard avant le 31 mars de chaque année le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement, ce dernier est déchu, dans ses rapports avec la caution, des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

5. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance de la banque de son droit au paiement des intérêts et en ce qu'il a condamné M. [C] à lui payer la somme de 22 000 euros au titre de son engagement de caution garantissant le prêt n° 08058297 et la somme de 36 392,52 euros au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08064584, l'arrêt retient que les six constats d'huissier des 26 mars 2013, 25 mars 2014, 24 mars 2015, 17 mars 2016, 27 mars 2018 et 19 mars 2019 versés aux débats par la banque n'attestent que de l'envoi de lettres à des personnes dénommées, dont M. [C], sans toutefois établir que ces personnes ont effectivement reçu lesdites lettres. Il retient également qu'en l'espèce, ces constats ne peuvent se substituer à une lettre recommandée avec accusé de réception et que la banque ne rapporte pas la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information prévue par le texte susvisé.

6. En statuant ainsi, alors que la preuve de la délivrance de l'information prévue par l'article L. 313-22 précité peut être rapportée par tous moyens, notamment par une lettre simple, et qu'il incombe seulement à l'établissement de crédit d'établir qu'il a adressé à la caution l'information requise et non de démontrer, au surplus, que la caution l'a reçue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 9 juin 2016, il condamne M. [C] à payer à la société banque populaire Val de France les sommes de 22 000 euros au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08058297 et de 36 292,52 euros au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08064584, et dit que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter de sa signification, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et le condamne à payer à la société banque populaire Val de France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [C].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [V] [C] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'engagement de caution solidaire qu'il a souscrit le 5 août 2010 au profit de la Société BANQUE POPULAIRE VAL DE France, puis de l'avoir condamné à payer à cette dernière la somme de 22.000 euros, au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08058297 ;

AUX MOTIFS QUE, sur les cautionnements des 5 août 2010 et 8 juillet 2011, Monsieur [V] [C] fait valoir en premier lieu que le prêt d'un montant de 88.000 euros souscrit le 5 août 2010 par la SARL BACKSTAGE MUSIC auprès de la Banque Populaire mentionne que « Oseo Garantie » participe à concurrence de 50 % au risque final de l'opération aux côtés de la banque, qu'il a légitimement pu croire que l'intervention de cette garantie limiterait la somme qui pourrait lui être réclamée par la banque et que la Banque Populaire ne justifie nullement de son obligation d'information envers l'appelant sur les conditions et modalités d'intervention de la garantie Oseo ; que cependant l'expression « à concurrence de 50 % » était particulièrement claire et signifiait qu'en cas de défaillance de l'emprunteur principal, la banque était en droit d'exiger la moitié du montant en capital du crédit soit la somme de 44.000 euros ; que la complexité de l'opération n'est pas démontrée, qu'en outre Monsieur [C] en a eu connaissance dès lors qu'il est intervenu au contrat de prêt en qualité de représentant de la Société BACKSTAGE MUSIC ; qu'il convient dès lors de débouter Monsieur [C] de sa demande d'annulation de l'engagement de caution solidaire souscrit le 5 août 2010 ;

ALORS QUE la stipulation de l'acte de cautionnement, selon lequel l'obligation principale est garantie, par une caution professionnelle et par la « participation de « OSEO GARANTIE » au risque final de l'opération du présent crédit aux cotés de la Banque, à hauteur de 50 % moyennant paiement par l'emprunteur d'une commission flat de 1,86 % du montant du prêt », est entachée d'ambiguïté, en ce qu'elle ne précise pas si l'engagement de la caution est donné pour les seules sommes excédant les garanties susvisées ou si elle intervient à titre principal ; qu'en décidant néanmoins que cette stipulation était dépourvue d'ambiguïté, de sorte que Monsieur [C] ne pouvait prétendre avoir été trompé sur l'étendue de sa garantie, qu'il pensait avoir été donnée à titre subsidiaire, et qu'il était en conséquence mal fondé à solliciter la nullité de l'acte de cautionnement en raison d'une réticence dolosive de la banque ayant vicié son consentement, la Cour d'appel a violé l'article 1116 et 1134 du Code civil dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [V] [C] de sa demande tendant à voir constater que les engagements de caution qu'il a souscrits au profit de la Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE étaient disproportionnés au regard de ses revenus et de son patrimoine, de sorte que la banque ne pouvait se prévaloir de ces engagements à son encontre, puis de l'avoir condamné à payer à la Société BANQUE POPULAIRE DU VAL DE FRANCE les sommes de 22.000 euros, au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08058297, et 36.292,52 euros, au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08064584, en principal, et d'avoir dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt attaqué ;

AUX MOTIFS QUE, sur la disproportion des engagements, Monsieur [C] fait valoir que les engagements de caution souscrits les 5 août 2010 et 9 mai 2011 auprès de la Banque Populaire lui sont inopposables eu égard à la disproportion des cautionnements souscrits tant par lui-même que par son cofidéjusseur, Monsieur [N] [O], et compte tenu du fait que lors de la conclusion de ses deux engagements de cautionnement, il avait fait de l'existence des cautionnements souscrits par Monsieur [N] [O] la condition déterminant de son propre engagement ; que toutefois, Monsieur [C] ne rapporte pas la preuve que la banque ait volontairement refusé d'assigner Monsieur [N] [O] au motif de la disproportion de l'engagement de celui-ci, qu'en outre la Banque Populaire Val de France conserve la possibilité de poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de Monsieur [N] [O], qu'il s'ensuit que Monsieur [C] n'est pas fondé à soutenir la disparition du cautionnement solidaire ; qu'au surplus Monsieur [C] n'a produit que l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2010 de Monsieur [O], que la preuve de la disproportion de l'engagement de caution de ce dernier ne peut résulter de ce seul document dès lors que la fiche de renseignements afférente au cautionnement de Monsieur [O] n'est pas versée aux débats ; qu'en ce qui concerne l'engagement de caution de Monsieur [C], si ce dernier indique qu'il ne percevait aucun revenu lors de la souscription des engagements litigieux, son épouse ne percevant qu'un revenu mensuel de 1.087 euros, il ressort des fiches de renseignements en date des 12 mai 2010 et 12 mai 2011 que Monsieur [C] a déclaré être propriétaire de quatre immeubles d'une valeur globale de 785.000 euros ; que cette somme globale représentait plus de neuf fois le montant total des engagements de Monsieur [C], que celui-ci n'est donc pas fondé à invoquer la disproportion de son engagement ;

1°) ALORS QUE le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique, dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion du cautionnement s'apprécie à la date à laquelle l'engagement est consenti ; que cette sanction prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que l'engagement de Monsieur [O] n'était pas manifestement disproportionné, que Monsieur [C] s'était borné à produire l'avis d'imposition portant sur les revenus de la seule année 2010 perçus par Monsieur [O], ce qui ne permettait pas d'apprécier la disproportion de l'engagement de ce dernier, la Cour d'appel, qui a ainsi considéré qu'il convenait de se placer à une autre date que celle de la conclusion des contrats de cautionnement, en exigeant la preuve des revenus antérieurs et postérieurs aux contrats de cautionnement des 5 août 2010 et 9 mai 2011, a violé l'article L. 341-4 ancien du Code de la consommation ;

2°) ALORS QUE la caution est libre de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement par tous moyens ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que l'engagement de Monsieur [O] n'était pas manifestement disproportionné, que la production de l'avis d'imposition portant sur les revenus de l'année 2010 perçus par Monsieur [O] ne pouvait suffire à démontrer le caractère disproportionné du cautionnement en l'absence de production de la fiche de renseignements qui aurait été établie par ce dernier lors de son engagement, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 ancien du Code de la consommation ;

3°) ALORS QUE le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique, dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens, mais également à ses revenus ; qu'en affirmant néanmoins que l'engagement de Monsieur [C] n'était pas manifestement disproportionné, dès lors qu'il disposait d'un patrimoine immobilier suffisant lors de la souscription de son engagement, sans prendre en considération le fait qu'il ne percevait aucun revenu, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 ancien du Code de la consommation.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [V] [C] de sa demande tendant à voir constater que la Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE a manqué à son obligation de mise en garde à son égard et, en conséquence, à la voir condamnée à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur [C], celui-ci demande la condamnation de la Banque Populaire Val de France à des dommages et intérêts au motif d'un manquement à son devoir de mise en garde de la caution non avertie ; que l'intimée fait valoir que ladite demande de dommages et intérêts est une demande nouvelle comme n'ayant pas été présentée en première instance et ne visant pas uniquement au débouté de la Banque Populaire Val de France ; que cependant la demande d'origine portant sur l'exécution d'un contrat de cautionnement, le lien suffisant existe avec un manquement au devoir de mise en garde à l'égard de la caution ; que Monsieur [C] fait valoir qu'il était profane en matière d'emprunt et de cautionnement et que la Banque Populaire Val de France ne l'a pas mis en garde au regard du risque d'une poursuite sur son patrimoine personnel ; qu'il ressort du curriculum vitae de Monsieur [C], d'une part que celui-ci a créé l'entreprise Home Studio Concept en 2005-2006, la société Music Advance en 2008 et la Société BACKSTAGE MUSIC en 2010, d'autre part qu'il avait souscrit un emprunt auprès du crédit Lyonnais en qualité de gérant de ta société Music Advance tout en se portant caution dudit emprunt ; que par ailleurs que si Monsieur [C] ne détient pas de diplôme dans le domaine du droit bancaire ou du droit des affaires, il a cependant participé à la création de trois sociétés, en étant également titulaire d'un compte courant d'associé dans l'une d'elles ; que ces éléments caractérisent la qualité de caution avertie, qu'il s'ensuit que le moyen tiré du manquement au devoir de mise en garde n'est pas fondé, qu'en conséquence Monsieur [C] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution où lorsqu'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; que la seule qualité de dirigeant social d'une ou plusieurs sociétés ne peut suffire à caractériser la qualité de caution d'avertie ; qu'en se bornant, pour décider que Monsieur [C] avait la qualité de caution avertie et en déduire que la Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde à son égard, à relever qu'il avait créé plusieurs entreprises, qu'il était titulaire d'un compte courant d'associé dans l'une d'elles et qu'il avait souscrit un emprunt auprès du Crédit Lyonnais, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la qualité de caution avertie qu'elle a retenue à l'encontre de Monsieur [C], a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Val de France.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sommes de 22.000 € et 36 292,52 € dues au titre des ses engagements de cautions par Monsieur [C] porteraient intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt rendu le 12 décembre 2019,

Aux motifs que : Sur la déchéance du droit aux intérêts

Attendu que l'article L 313-22 du code monétaire et financier dispose que la banque est tenue d'informer la caution, chaque année avant le 31 mars, de l'état de son engagement ;

Attendu que le jugement déféré a considéré que la Banque Populaire Val de France ne justifiait par aucune pièce, ni même ne soutenait avoir satisfait à aucun moment à cette obligation ;

Attendu que la Banque Populaire Val de France produit en cause d'appel six constats d'huissier en date des 26 mars 2013, 25 mars 2014, 24 mars 2015, 17 mars 2016, 27 mars 2018 et 19 mars 2019 ;

Attendu cependant que ces constats attestent seulement de l'envoi de lettres à des personnes dénommées dont Monsieur [C] et n'établissent pas si ces personnes ont effectivement reçu lesdites lettres, qu'en l'espèce lesdits constats ne peuvent se substituer à une lettre recommandée avec accusé de réception ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que la Banque Populaire Val de France ne rapporte pas la preuve que l'obligation d'information ait été respectée,

Attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance de la banque de son droit au paiement des intérêts et en ce qu'il a condamné [V] [C] à payer à la Banque Populaire Val de France les sommes de :

- 22 000 € au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08058297,

- 36 292,52 € au titre de son engagement de caution sur le prêt n° 08064584 ;

Attendu que lesdites sommes ne produiront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt »

1°) alors que, d'une part, l'article L 313-22 du code monétaire et financier n'impose aux établissements financiers aucune forme particulière pour porter à la connaissance de la caution l'information exigée par ce texte et il n'incombe pas à l'établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu l'information qui lui a été envoyée ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui énonce que les constats d'huissier produits par la BPVF et attestant l'envoi des lettres d'information annuelle à Monsieur [C] comme caution ne pouvait considérer que la banque n'avait pas satisfait à son obligation d'information au motif que ces constats « n'établissent pas si ces personnes ont effectivement reçu lesdites lettres, qu'en l'espèce lesdits constats ne peuvent se substituer à une lettre recommandée avec accusé de réception » sans violer articles 1315 (ancien) et L 313-22 du code monétaire et financier ;

2°) alors que, d'autre part, la déchéance des intérêts prévus à l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, soit l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne peut être étendue aux intérêts au taux légal auquel en vertu de l'article 1153 alinéa 3 ancien (du code civil) la caution est tenue à titre personnel à compter de la première mise en demeure qu'elle reçoit ; qu'en énonçant cependant que les sommes de 22.000 € et 36 292,52 € dues au titre des ses engagements de cautions par Monsieur [C] porteraient intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-12839
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 12 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2021, pourvoi n°20-12839


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12839
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