La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2022 | FRANCE | N°20-23254

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 avril 2022, 20-23254


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 250 F-D

Pourvoi n° Q 20-23.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022

La société

Winston et Strawn, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est[Adresse 2]é, [Localité 3], a formé le pourvoi n° Q 20-23....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 250 F-D

Pourvoi n° Q 20-23.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022

La société Winston et Strawn, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est[Adresse 2]é, [Localité 3], a formé le pourvoi n° Q 20-23.254 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [K] [W], domicilié [Adresse 1], mandataire judiciaire, pris en qualité de liquidateur de la société Stanko France, défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Winston et Strawn, de la SCP Richard, avocat de M. [W], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 juillet 2019, pourvoi n° 18-17.820), pour garantir sa créance d'honoraires dus en rémunération de prestations antérieures, la société d'avocats Winston et Strawn (la société WetS) a obtenu de sa cliente, la société Stanko France (la société Stanko), aux termes d'un protocole d'accord du 25 juin 2008, une hypothèque prise sur un bien immobilier lui appartenant qu'elle avait mis en vente. L'immeuble grevé a été vendu. Le 9 mars 2009, le notaire instrumentaire a versé au créancier le montant de sa créance et ce dernier a donné mainlevée de l'inscription.

2. La société Stanko a été mise en liquidation judiciaire le 2 novembre 2009. La date de cessation des paiements ayant été fixée au 3 mai 2008, par une décision irrévocable du 27 mars 2014, le liquidateur, M. [W], a assigné la société WetS en annulation, sur le fondement de l'article L. 632-1, 6°, du code de commerce, de l'hypothèque consentie le 25 juin 2008 et du paiement intervenu.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société WetS fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros qu'elle avait reçue le 5 mars 2009 et de confirmer le jugement du 14 novembre 2016 en ce que le tribunal l'avait condamnée à payer à M. [W], ès qualités, la somme de 245 183,72 euros augmentée des intérêts, alors :

« 1°/ que l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que cette dernière avait pris une inscription hypothécaire sur un immeuble de la société Stanko France, laquelle avait d'ailleurs accepté de séquestrer entre les mains du notaire instrumentaire la somme de 245 183,72 euros sur le prix de vente de l'immeuble hypothéqué, ce qui démontrait l'intention de la société WetS de "corréler étroitement le paiement effectif et prioritaire de cette créance avec la vente de l'immeuble et la sûreté inscrite sur celui-ci", cependant que le contexte hypothécaire et de séquestre n'empêchait pas la société Stanko France de s'exécuter volontairement, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;

2°/ que l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que "le fait que la société WetS ne se soit pas prévalue de l'inscription hypothécaire pour poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, ni n'ait sollicité judiciairement l'attribution du bien en application de l'article 2458 du code civil, ne suffit pas à établir qu'elle a renoncé au droit de préférence qu'elle tenait de l'article 2475", cependant que l'exercice de son droit de préférence par la société WetS supposait la réalisation de l'hypothèque par une demande d'attribution judiciaire de l'immeuble ou sa saisine puis sa vente, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;

3°/ que l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que "le fait que la société WetS ne se soit pas prévalue de l'inscription hypothécaire pour poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, ni n'ait sollicité judiciairement l'attribution du bien en application de l'article 2458 du code civil, ne suffit pas à établir qu'elle a renoncé au droit de préférence qu'elle tenait de l'article 2475", cependant que le paiement effectué peut être volontaire même lorsque le créancier hypothécaire est titulaire d'un droit de préférence, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;

4°/ que le créancier hypothécaire ne peut exercer son droit de préférence sur un immeuble hypothéqué vendu à un tiers qu'après avoir mis en oeuvre son droit de suite par la saisine et la vente de cet immeuble ou une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que "cette dernière a fait usage de son droit de préférence attaché à l'hypothèque pour percevoir le paiement de l'intégralité de sa créance antérieure" puisqu'"à défaut, la vente n'aurait pu être réalisée sans exposer le cessionnaire au droit de suite attaché à la sûreté", c'est-à-dire que le droit de suite n'avait pas été exercé, tout en jugeant que "la vente était subordonnée à l'accord de la débitrice et de la créancière sur un paiement par préférence de la créance d'honoraires" au sens de l'article 2475 du code civil, relatif à la purge amiable, conséquence directe du droit de suite du créancier hypothécaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 632-1 du code de commerce et de l'article 2461 du code civil ;

5°/ que l'exercice de la purge amiable nécessite l'accord de l'acquéreur du bien hypothéqué ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que "la vente était subordonnée à l'accord de la débitrice et de la créancière sur un paiement par préférence de la créance d'honoraires", de sorte que le paiement effectué par la société Stanko France devait s'analyser en un paiement préférentiel au sens de l'article 2475 du code civil, relatif à la purge amiable, sans rechercher si l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué avait consenti à cette purge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce, ensemble l'article 2475 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 632-1, 6°, du code de commerce, qu'est nul de droit le paiement reçu par préférence sur le prix de l'immeuble grevé en vertu d'une hypothèque elle-même nulle de droit pour avoir été consentie au cours de la période suspecte pour dettes antérieurement contractées.

5. L'arrêt relève, d'abord, qu'à la date où elle a reçu paiement des mains du notaire instrumentaire, la société WetS bénéficiait d'une inscription d'hypothèque sur l'immeuble vendu, et retient que le fait que la société WetS ne se soit pas prévalue de l'inscription hypothécaire pour poursuivre la vente du bien ni n'ait sollicité judiciairement l'attribution du bien ne suffit pas à établir qu'elle a renoncé à son droit de préférence. L'arrêt constate ensuite que, sachant que l'immeuble était mis en vente, la société WetS a pris une inscription d'hypothèque et a accepté auprès du notaire qu'il soit procédé à la mainlevée de l'hypothèque en contrepartie du paiement, ce qui a été fait. Il relève enfin que l'intention de la société WetS de corréler le paiement effectif et prioritaire de la créance avec la vente de l'immeuble et la sûreté inscrite sur celui-ci est exprimée dans le protocole d'accord conclu entre les parties le 25 juin 2008, et retient que la société WetS a fait usage de son droit de préférence attaché à l'hypothèque pour percevoir le paiement de l'intégralité de sa créance antérieure, que la vente était de fait subordonnée à l'accord de la débitrice et de la créancière sur un paiement par préférence de la créance et qu'il ne peut donc être considéré que le paiement a été spontané.

6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à la recherche inopérante mentionnée par la cinquième branche, a exactement déduit que la nullité de plein droit de l'hypothèque en application de l'article L. 632-1 du code de commerce emportait nullité de plein droit du paiement reçu par le créancier inscrit par préférence au désintéressement des autres créanciers, chirographaires, en raison et en vertu de l'hypothèque consentie sur l'immeuble dont le prix a été ainsi pour partie distribué.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Winston et Strawn aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Winston et Strawn ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Winston et Strawn.

La société WetS fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros qu'elle avait reçu le 5 mars 2009 et confirmé le jugement du 14 novembre 2016 en ce que le tribunal de commerce d'Evry l'avait condamnée à payer à Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Stanko France, la somme de 245 183,72 euros augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 5 mars 2009 et capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil sauf à ajouter que cette capitalisation porte sur les intérêts dus pour une année entière à compter du 20 juin 2013, date de la demande judiciaire ;

1° ALORS QUE l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que cette dernière avait pris une inscription hypothécaire sur un immeuble de la société Stanko France, laquelle avait d'ailleurs accepté de séquestrer entre les mains du notaire instrumentaire la somme de 245 183,72 euros sur le prix de vente de l'immeuble hypothéqué, ce qui démontrait l'intention de la société WetS de « corréler étroitement le paiement effectif et prioritaire de cette créance avec la vente de l'immeuble et la sûreté inscrite sur celui-ci », cependant que le contexte hypothécaire et de séquestre n'empêchait pas la société Stanko France de s'exécuter volontairement, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;

2° ALORS QUE l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que « le fait que la société WetS ne se soit pas prévalue de l'inscription hypothécaire pour poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, ni n'ait sollicité judiciairement l'attribution du bien en application de l'article 2458 du code civil, ne suffit pas à établir qu'elle a renoncé au droit de se préférence qu'elle tenait de l'article 2475 », cependant que l'exercice de son droit de préférence par la société WetS supposait la réalisation de l'hypothèque par une demande d'attribution judiciaire de l'immeuble ou sa saisine puis sa vente, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;

3° ALORS QUE l'exercice du droit de préférence est subordonné à la réalisation de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que « le fait que la société WetS ne se soit pas prévalue de l'inscription hypothécaire pour poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, ni n'ait sollicité judiciairement l'attribution du bien en application de l'article 2458 du code civil, ne suffit pas à établir qu'elle a renoncé au droit de se préférence qu'elle tenait de l'article 2475 », cependant que le paiement effectué peut être volontaire même lorsque le créancier hypothécaire est titulaire d'un droit de préférence, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant son arrêt de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;

4° ALORS QUE le créancier hypothécaire ne peut exercer son droit de préférence sur un immeuble hypothéqué vendu à un tiers qu'après avoir mis en oeuvre son droit de suite par la saisine et la vente de cet immeuble ou une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que « cette dernière a fait usage de son droit de préférence attaché à l'hypothèque pour percevoir le paiement de l'intégralité de sa créance antérieure » puisqu'« à défaut, la vente n'aurait pu être réalisée sans exposer le cessionnaire au droit de suite attaché à la sûreté », c'est-à-dire que le droit de suite n'avait pas été exercé, tout en jugeant que « la vente était subordonnée à l'accord de la débitrice et de la créancière sur un paiement par préférence de la créance d'honoraires » au sens de l'article 2475 du code civil, relatif à la purge amiable, conséquence directe du droit de suite du créancier hypothécaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 632-1 du code de commerce et de l'article 2461 du code civil ;

5° ALORS QUE l'exercice de la purge amiable nécessite l'accord de l'acquéreur du bien hypothéqué ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de plein droit du paiement de la somme de 245 183,72 euros au profit de la société WetS, que « la vente était subordonnée à l'accord de la débitrice et de la créancière sur un paiement par préférence de la créance d'honoraires », de sorte que le paiement effectué par la société Stanko France devait s'analyser en un paiement préférentiel au sens de l'article 2475 du code civil, relatif à la purge amiable, sans rechercher si l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué avait consenti à cette purge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce, ensemble l'article 2475 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-23254
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 avr. 2022, pourvoi n°20-23254


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23254
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award