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14/06/2023 | FRANCE | N°21-87352

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 juin 2023, 21-87352


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 21-87.352 F-B

N° 00756

ECF
14 JUIN 2023

CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JUIN 2023

M. [R] [X] et Mme [V] [J], épouse [X], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en

date du 23 novembre 2021, qui a condamné, le premier, pour recel aggravé, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° H 21-87.352 F-B

N° 00756

ECF
14 JUIN 2023

CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JUIN 2023

M. [R] [X] et Mme [V] [J], épouse [X], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 23 novembre 2021, qui a condamné, le premier, pour recel aggravé, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, la seconde, pour escroqueries aggravées, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, cinq ans d'inéligibilité, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R] [X] et Mme [V] [J], épouse [X], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Centre national de la recherche scientifique, partie civile, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat la société [2], de l'[3] et de l'[4], parties civiles, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [V] [J], qui était salariée de la société [2], a été mise à la disposition, en qualité de directrice administrative et financière, du laboratoire Sol solide structure et risque dit 3SR (le laboratoire), structure chargée d'une mission de service public de recherches implantée au sein de l'[4] ([4]), financée et placée sous la tutelle de personnes morales de droit public ou privé qui utilisaient ses services : l'[4], sa filiale de droit privé la société [5] (nom commercial : [1]), ainsi que l'[3] ([3]) et sa filiale la société [2] (société [2]), ainsi que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

3. En mai 2018, des plaintes ont été déposées contre Mme [J] par le directeur général de l'[4], la directrice générale des services de l'[3], le directeur et président du directoire de la société [2], et la directrice générale de [1], qui reprochaient à Mme [J] d'avoir profité de ses fonctions au sein du laboratoire pour commander de nombreux équipements et marchandises destinés soit à son usage personnel, soit à la revente.

4. Mme [J] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef d'escroqueries par personne chargée d'une mission de service public, et M. [X] pour recel commis à titre habituel.

5. Par jugement du 21 janvier 2020, les époux [X] ont été déclarés coupables de ces délits, et condamnés tous deux à un an d'emprisonnement et une mesure de sanction-réparation, le tribunal ordonnant en outre la confiscation d'une voiture, et accordant, sur les intérêts civils, des dommages-intérêts à l'[4], à l'[3], à la société [2], à [1] et au CNRS.

6. Les prévenus, le ministère public et certaines des parties civiles ont fait appel de ce jugement.

Examen de la recevabilité des pourvois formés le 29 novembre 2021

7. Les demandeurs, ayant épuisé, par l'exercice qu'ils en avaient fait le 26 novembre 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, étaient irrecevables à se pourvoir à nouveau contre la même décision. Seuls sont recevables les pourvois formés le 26 novembre 2021.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième moyens, le sixième moyen, pris en sa première branche, et le septième moyen, pris en sa première branche

8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche et le septième moyen, pris en sa seconde branche

Énoncé des moyens

9. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J], épouse [X], à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans, à l'interdiction des droits et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors :

« 2°/ qu'en vertu de l'article 132-25 du code pénal, si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, la cour d'appel doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ; que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les motifs qui l'amenaient, tout en accordant un aménagement de la peine d'emprisonnement, à renvoyer au juge de l'exécution des peines le soin d'en fixer les modalités, malgré la présence de la prévenue à l'audience ; qu'elle a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19, 132-25 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

10. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors :

« 2°/ qu'en vertu de l'article 132-25 du code pénal, si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, la cour d'appel doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ; que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les motifs qui l'amenait, tout en accordant un aménagement de la peine d'emprisonnement, à renvoyer au juge de l'exécution des peines le soin d'en fixer les modalités, malgré la présence du prévenu à l'audience ; qu'elle a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19, 132-25 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

12. Les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel, après avoir ordonné l'aménagement de la peine dans son principe, a laissé au juge de l'application des peines territorialement compétent le choix de la mesure d'aménagement sans mieux motiver cette décision, dès lors que les dispositions de l'article 464-2, 2°, du code de procédure pénale ne prévoient pas une telle motivation.

13. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le sixième moyen, pris en sa troisième branche

Énoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J], épouse [X], à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans, à l'interdiction des droits et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors :

« 3°/ que la cour d'appel a ordonné la confiscation du véhicule Mini appartenant à Mme [X] comme étant le produit des escroqueries ; qu'en n'expliquant pas en quoi le véhicule pouvait être considéré comme acquis avec des fonds provenant des escroqueries, ce véhicule n'ayant pas été acquis par les moyens frauduleux de commandes faussement présentées comme destinées aux parties civiles, ce qui ne permet pas de s'assurer que le véhicule était le produit au moins indirect des escroqueries, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21, alinéa 3, et 313-7, 4°, du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

15. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

16. Les juges, qui ont confirmé la confiscation d'un véhicule de marque Mini sans déterminer si ce véhicule avait été acquis grâce à des fonds provenant des infractions retenues à l'encontre des prévenus, n'ont pas établi qu'il en était le produit direct ou indirect et n'ont ainsi pas justifié leur décision.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation à intervenir ne concerne que les peines prononcées à l'encontre de Mme [J]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

19. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. et Mme [X] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premier au cinquième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par les demandeurs le 29 novembre 2021 :

Les déclare IRRECEVABLES ;

Sur les pourvois formés par les demandeurs le 26 novembre 2021 :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 23 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de Mme [J], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. et Mme [X] devront payer aux parties représentées par la SCP Waquet, Farge et Hazan en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. et Mme [X] devront payer au Centre national de la recherche scientifique en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-87352
Date de la décision : 14/06/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PEINES - Peines correctionnelles - Peines d'emprisonnement sans sursis prononcées par la juridiction correctionnelle - Peine inférieure ou égale à un an - Aménagement de peine - Aménagement ab initio - Choix de la mesure - Renvoi au juge de l'application des peines - Possibilité

L'article 464-2, 2°, du code de procédure pénale ne prévoit pas que la juridiction, qui ordonne l'aménagement de la condamnation à une peine d'emprisonnement qu'elle prononce, doive motiver sa décision de laisser au juge de l'application des peines le choix de la mesure d'aménagement. Dès lors n'encourt pas la censure l'arrêt qui, après avoir ordonné dans son principe l'aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement, s'est contenté d'énoncer qu'il convenait de laisser au juge de l'application des peines territorialement compétent le choix de son mode d'exécution


Références :

Article 464-2, 2°, du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 23 novembre 2021

Sur les conditions de l'aménagement de peine ab inito pour une peine d'emprisonnement sans sursis inférieure ou égale à un an, à rapprocher :Crim., 11 mai 2021, pourvoi n° 20-85576, Bull. crim. 2021 (4) (cassation partielle et rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 jui. 2023, pourvoi n°21-87352, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.87352
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