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28/02/2024 | FRANCE | N°52400240

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2024, 52400240


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CL6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 février 2024








Rejet




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 240 F-D


Pourvoi n° Y 22-20.648








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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_______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024


La société Expert conseil entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-20.648 co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2024

Rejet

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 240 F-D

Pourvoi n° Y 22-20.648

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024

La société Expert conseil entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-20.648 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [M] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Expert conseil entreprise, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2022), M. [L] a été engagé en qualité d'assistant comptable principal par la société Expert conseil entreprise Périgueux à compter du 4 janvier 2010.

2. Le 17 mars 2016, le salarié a démissionné.

3. Le 11 juillet 2016, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de sa démission en rupture aux torts exclusifs de l'employeur et au titre de l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que l'article L. 3121-4 code du travail dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire" ; qu'il en résulte que seul le temps de déplacement professionnel qui dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière laquelle est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe ; que dans ses conclusions d'appel, M. [L], qui n'a jamais prétendu être un salarié itinérant, faisait valoir que l'employeur était redevable non seulement de la somme de 5 883,68 euros au titre des heures supplémentaires de 2013 à 2016 mais également d'une somme complémentaire pour la même période de 4 476,13 euros brut au titre du temps de trajets professionnels qu'il aurait accompli pour aller en rendez-vous clientèle ; qu'en faisant droit à l'intégralité de la demande de M. [L] au titre des heures supplémentaires, motifs pris qu'au regard des tableaux hebdomadaires, les bulletins de paye ne mentionnant aucune heures supplémentaires et en l'absence de toute précision ou production de pièces de la part de l'employeur, la cour a la conviction que la société est débitrice de 10 359,81 euros et de congés payés afférents quand le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail réclamé par M. [L], au titre des heures supplémentaires n'est pas un temps de travail effectif et ne pouvait faire l'objet que d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les écritures des parties ; qu'au cas présent, M. [L] reconnaissait lui-même avoir intégré dans son décompte d'heures supplémentaires qu'il réclamait à hauteur de 5 883,68 euros brut de 2013 à 2016 ses temps de trajet et de déplacement pour un montant de 4 476,13 euros brut correspondant sur ce dernier chef à 170,88 heures supplémentaires à 25 % de majoration ; qu'en énonçant pour entériner intégralement le décompte du salarié au titre des heures supplémentaires prétendument réalisées, que les tableaux hebdomadaires d'heures supplémentaires sur les années 2014 à 2016, soit 16,5 heures en 2013, 57,75 heures en 2014, 99, 75 heures en 2015 et 45,25 heures sur les 22 semaines précédant la rupture du contrat de travail sont suffisamment précis pour avoir la conviction que l'employeur est débiteur au titre desdites heures supplémentaires de la somme de 10 359,81 euros et des congés payés afférents quand M. [L] lui-même reconnaissait avoir comptabilisé les temps de trajet comme du travail effectif à hauteur de 170,88 heures, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que si en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, en application de l'article L. 3171-4 du code du travail il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments rapportés par les parties, l'article L. 3121-4 code du travail dans sa rédaction alors applicable dispose que : "Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire " ; qu'il incombe ainsi au salarié de faire la preuve de la contrepartie financière qu'il réclame ; que dans ses conclusions d'appel, M. [L] faisait valoir que son employeur était redevable non seulement de la somme de 5 883,68 euros au titre des heures supplémentaires de 2013 à 2016 mais également d'une somme complémentaire pour la même période de 4 476,13 euros brut au titre du temps de trajets professionnels qu'il aurait accompli pour aller en rendez-vous clientèle correspondant à 170,88 heures supplémentaires ; qu'en faisant application du régime probatoire de L. 3171-4 du code du travail relatif aux heures supplémentaires pour faire droit à l'intégralité de la demande de M. [L] relative aux temps de déplacements professionnels qu'il prétendait avoir accompli pour se rendre aux rendez-vous client extérieurs quand il appartenait à M. [L] de démontrer que le temps de déplacement professionnel excédaient un temps normal de trajet, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil devenue l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, il était stipulé à l'article 4 du contrat de travail de M. [L] à la rubrique "Rémunération" qu' "En contrepartie de ses fonctions, M. [L] percevra une rémunération brute mensuelle de 2 220,87 euros. S'ajouteront les heures majorées au-dessus de 35 heures soit 279,13 euros pour 17,33 heures mensuelles pour un horaire de 39 heures soit 2.500 euros par mois (?) » ; qu'il s'en inférait que les heures supplémentaires constituaient un élément de la rémunération prévue au contrat de travail ; que M. [L] reconnaissait lui-même dans ses conclusions qu'il avait été embauché pour une durée hebdomadaire de 39 heures ; qu'en énonçant qu'au regard des tableaux hebdomadaires, les bulletins de paye ne mentionnant aucune heures supplémentaires et en l'absence de toute précision ou production de pièce de la part de l'employeur, la cour a la conviction que la société est débitrice de 10 359,81 euros et de congés payés afférents sans prendre en considération que M. [L] était payé sur la base contractuelle d'un horaire de 39 heures par mois comprenant déjà 17,33 heures mensuelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles susvisés ;

5°/ qu'en énonçant qu'au regard des tableaux hebdomadaires, les bulletins de paye ne mentionnant aucune heures supplémentaires et en l'absence de toute précision ou production de pièce de la part de l'employeur, la cour a la conviction que la société est débitrice de 10 359,81 euros et de congés payés afférents quand les décomptes établis par le salarié ne permettait pas de vérifier s'il avait calculé le nombre de ses heures supplémentaires sur la base d'un horaire de 39 heures par semaine ainsi qu'il était contractuellement prévu à l'article 4 de son contrat de travail ou seulement de 35 heures, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir énoncé, à bon droit, que si la preuve des horaires effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a constaté qu'étaient versés par le salarié des tableaux hebdomadaires d'heures supplémentaires sur les années 2013 à 2016. Elle a exactement retenu que ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

7. Elle a, ensuite, relevé que si l'employeur opposait la liberté de l'intéressé pour organiser son travail et l'absence de fiches mensuelles qu'il aurait pourtant dû lui transmettre, cela ne contredisait pas la réalité d'une surcharge de travail. Elle a constaté que l'employeur ne produisait aucune pièce établissant les horaires de travail effectivement réalisés et ne produisait pas non plus d'élément établissant qu'il aurait demandé la transmission de fiches de travail mensuelles.

8. Elle en a déduit, sans modifier l'objet du litige, ni méconnaître les règles de preuve, ni être tenue de procéder à une recherche non demandée ou de préciser le détail de son calcul, que l'employeur était débiteur d'une somme dont elle a souverainement évalué le montant.

9. Le moyen qui, pris en sa première branche est nouveau, mélangé de droit et de fait, et, partant irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la démission du salarié s'analyse en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à payer à ce dernier diverses sommes au titre de l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi, relatif à la condamnation de l'employeur au paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents au profit de M. [L] emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif ayant dit que la démission de M. [L] s'analysait en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, que celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; que s'il apparaît que le salarié a, malgré les manquements qu'il impute à son employeur, continué à exécuter son contrat, il doit en être conclu que ces manquements n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher toute poursuite des relations contractuelles ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes par des motifs que l'employeur s'était approprié, avait constaté que la réduction du nombre de salariés dont faisait part M. [L] datait de 2014 à 2016 ; que ce n'était donc pas un fait nouveau ; qu'il n'existait pas d'alerte antérieure à 2016 alors que la situation perdurait depuis 2014 et que le statut de M. [L] lui accordait une autonomie dans la gestion de son portefeuille, lui permettant de s'organiser et de gérer en fonction des priorités du cabinet : qu'aucun élément ne permettait de justifier que M. [L] aurait alerté son employeur lors de ses rendez-vous avec lui ; qu'il en résultait que ce manquement ancien n'était pas d'une importance telle qu'elle aurait empêché la poursuite de la relation contractuelle ; qu'en décidant néanmoins que cette surcharge de travail et l'inertie de l'employeur, dont elle a constaté qu'il n'avait pourtant été informé de la surcharge de travail de ce dernier que par mail du 8 février 2016, soit 5 semaines avant la démission de ce dernier, constituait des manquements antérieurs, concomitants et graves à la rupture du contrat de travail qui doit emporter les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

11. Le premier moyen ayant été rejeté, le moyen, pris en sa première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

12. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen, pris en sa seconde branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis dont elle a pu déduire que le salarié n'avait pas manifesté sa volonté claire et non équivoque de démissionner.

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Expert conseil entreprise aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Expert conseil entreprise et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400240
Date de la décision : 28/02/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2024, pourvoi n°52400240


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400240
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