La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°C2400500

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 avril 2024, C2400500


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Q 23-81.226 F-D


N° 00500




GM
30 AVRIL 2024




REJET




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2024




M. [U] [P] a formé un pourvoi c

ontre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 19 janvier 2023, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 23-81.226 F-D

N° 00500

GM
30 AVRIL 2024

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2024

M. [U] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 19 janvier 2023, qui, pour diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations du cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [U] [P], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [V] [G], et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 10 décembre 2020, M. [V] [G], conseiller municipal de la commune de [Localité 2], a fait citer à comparaître devant le tribunal correctionnel M. [U] [P], adjoint au maire de cette commune et candidat aux élections municipales, du chef de diffamation publique envers un particulier, en raison de la publication, les 18 et 19 septembre 2020, sur la page d'un groupe Facebook intitulé « [Localité 2] », de propos de M. [P], imputant à M. [G] l'obtention indue d'un logement social sur la commune.

3. Par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [P] coupable du chef de diffamation publique envers un particulier, l'a condamné à 500 euros d'amende avec sursis et à verser à M. [G] 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

4. M. [P] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] coupable du délit de diffamation publique envers un particulier, en l'espèce M. [G], commis le 18 et 19 septembre 2020 sur Facebook et sur le territoire national, et l'a condamné à une peine de cinq cent euros d'amende avec sursis, a rejeté sa demande de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils, alors :

« 1°/ qu'en matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, les faits doivent être appréciés au regard de la qualification fixée irrévocablement à l'acte initial des poursuites et que toute erreur sur ce point, qu'il appartient aux juges du fond de relever d'office, fait obstacle à la condamnation ; qu'après avoir constaté que « la partie civile vise dans sa citation des faits de diffamation envers un particulier alors qu'il n'est pas contesté que [V] [G] avait la qualité de conseiller municipal et de candidat au moment des faits », la cour d'appel a estimé que « [V] [G] a choisi dans sa citation de poursuivre les propos litigieux sous la qualification de diffamation envers particulier car il s'est estimé diffamé dans sa vie privée. Dans ces conditions, il convient de retenir la diffamation envers particulier » ; qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de son appréciation, d'où il résultait que les faits objet de la citation directe visant le seul article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, prévu et réprimé par l'article 31, alinéa 1, de ladite loi. »

« 3°/ que l'exigence de proportionnalité implique de rechercher si, au regard des circonstances particulières de l'affaire, la publication litigieuse dépasse les limites admissibles de la liberté d'expression ; qu'en l'espèce, la publication des messages incriminés sur la page du Facebook de la commune de [Localité 2], ne comportant strictement aucune imputation de délits, dont l'existence n'était pas même évoquée, mais relatant des faits liés aux conditions d'une candidature à l'élection municipale partielle de M. [V] [G], en l'espèce l'occupation par ce dernier de logements sociaux de la commune de [Localité 2] après avoir quitté son appartement privé sur cette commune pour occuper un autre logement privé à [Localité 1], portait sur des questions d'intérêt général relatives à l'occupation des logements sociaux par un candidat aux élections municipales et n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression ; qu'en retenant que les propos, pour avoir été tenus sans prudence relative à l'énoncé de faits portant gravement atteint à l'honneur et à la considération de la partie civile, ne pouvaient bénéficier de l'excuse de bonne foi, et déclarer en conséquence le prévenu coupable de diffamation publique envers particulier, la cour d'appel a violé l'article 10 § 2 de la Convention des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

7. C'est à tort que la cour d'appel a jugé qu'il convient de retenir la qualification de diffamation envers un particulier dès lors que la partie civile s'est estimée diffamée dans sa vie privée.

8. En effet, en matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, les faits doivent être appréciés au regard de la qualification fixée irrévocablement à l'acte initial des poursuites, et il appartient aux juges de relever d'office toute erreur sur ce point, laquelle fait obstacle à la condamnation.

9. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les faits objet de la citation ont été exactement qualifiés de diffamation envers un particulier.

10. En effet, les propos litigieux visent la partie civile en sa qualité de candidat et non de conseiller municipal.

11. Dès lors, le grief doit être écarté.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

12. Pour rejeter l'exception de bonne foi et condamner M. [P] du chef de diffamation publique envers un particulier, l'arrêt attaqué, après avoir observé que le sujet traité relève d'un débat d'intérêt général et écarté toute animosité personnelle du prévenu vis-à-vis de la partie civile, énonce que les propos, dénués de toute prudence dans leur expression, ne reposent pas sur une base factuelle suffisante, ceux-ci ayant été réitérés à l'occasion des différents messages, y compris lorsque des éléments contradictoires ont été opposés au prévenu, celui-ci ayant en outre admis n'avoir obtenu aucun élément objectif relatif à la situation locative de la partie civile et n'avoir effectué aucune vérification.

13. Les juges ajoutent que le fait qu'il s'agisse de commentaires postés dans le cadre d'un fil de discussion sur un réseau social, qui peuvent revêtir un caractère spontané, ne retire en rien la nécessaire prudence qui s'imposait au prévenu.

14. En se déterminant ainsi la cour d'appel, qui a exactement relevé que, si les propos litigieux se sont inscrits dans un débat d'intérêt général portant sur le comportement d'un candidat aux élections municipales, ils ne reposaient pas sur une base factuelle suffisante et excédaient ainsi les limites admissibles de la polémique politique, a justifié sa décision.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] au paiement d'une somme de cinq cent euros d'amende avec sursis et rejeté sa demande de non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges à laquelle il statue ; qu'en se bornant à confirmer le jugement entrepris qui, pour prononcer à l'encontre de M. [P] une peine d'amende de 500 euros, avait retenu qu'« à l'audience, [U] [P] a indiqué être célibataire et ne pas avoir d'enfant à charge. Sur le plan financier, il a déclaré percevoir 1 600 euros par mois en rémunération de ses fonctions d'adjoint au maire et 166 euros pour celle de conseiller. Il a précisé se trouver dans une situation de surendettement, qu'il justifie par la production d'une décision de recevabilité de la commission de surendettement de Paris du 3 septembre 2020, évaluant ses dettes à la somme de 82 342,06 euros », sans tenir compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, ni des ressources et charges du prévenu à l'audience à laquelle ce dernier a comparu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-1 et 132-20 du code pénal. »

Réponse de la Cour

17. Pour confirmer la peine d'amende prononcée à l'encontre du prévenu, l'arrêt attaqué, par motifs adoptés, relève que ce dernier n'a pas d'antécédents judiciaires, qu'il est célibataire et sans enfant à charge, qu'il perçoit 1 766 euros par mois et se trouve en situation de surendettement.

18. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte qu'elle s'est prononcée au regard de la personnalité de son auteur, de ses revenus et de ses charges, et dès lors qu'il résulte des notes d'audience que le prévenu a été interrogé sur sa situation personnelle et financière et que l'intéressé n'allègue pas avoir fourni des éléments qui n'auraient pas été pris en compte, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales invoquées.

19. Ainsi, le moyen doit être écarté.

20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400500
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 avr. 2024, pourvoi n°C2400500


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400500
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award