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01/12/1992 | FRANCE | N°CETATEXT000008287641

France | France, Tribunal administratif de Rouen, 01 décembre 1992, CETATEXT000008287641


Par une requête enregistrée le 19 août 1988, M. X... Pierre demande au tribunal d'annuler la délibération du conseil régional de Haute-Normandie en date du 24 juin 1988 accordant une participation de la région aux dépenses d'investissement et d'équipement des établissements privés d'enseignement général sous contrat relevant du ministère de l'éducation nationale ;
Il a été entendu à l'audience publique :
- le rapport de Mme Leymonerie Conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, représentant le conseil régional de Haute-Normandie ;
- et les conclusions

de M. Aupoix Commissaire du Gouvernement ;
Vu la loi du 15 mars 1850 sur l'en...

Par une requête enregistrée le 19 août 1988, M. X... Pierre demande au tribunal d'annuler la délibération du conseil régional de Haute-Normandie en date du 24 juin 1988 accordant une participation de la région aux dépenses d'investissement et d'équipement des établissements privés d'enseignement général sous contrat relevant du ministère de l'éducation nationale ;
Il a été entendu à l'audience publique :
- le rapport de Mme Leymonerie Conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, représentant le conseil régional de Haute-Normandie ;
- et les conclusions de M. Aupoix Commissaire du Gouvernement ;
Vu la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement, la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifiée complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Considérant que par une délibération en date du 24 juin 1988, le conseil régional de Haute Normandie a adopté le principe d'accorder une "participation ... aux dépenses d'investissement et d'équipement des établissements privés d'enseignement général sous contrat relevant du ministère de l'éducation nationale" ; qu'eu égard à sa formulation, ladite délibération doit être regardée comme visant d'une part les collèges, établissements secondaires du premier cycle de l'enseignement général, et d'autre part les lycées, établissements secondaires du second cycle de l'enseignement général ;
Considérant en premier lieu, que M. X... soutient que la délibération attaquée serait contraire à l'organisation de l'enseignement telle que déterminée par la Constitution du 4 octobre 1958 ; que toutefois, le principe de laïcité de l'Etat édicté au premier alinéa de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 doit nécessairement se concilier avec la liberté d'enseignement qui constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle ; que, notamment ce principe de laïcité ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter ce premier moyen de légalité interne ;

Considérant en deuxième lieu, que M. X... soutient que la région en accordant des subventions aux établissements secondaires d'enseignement privé méconnaîtrait les dispositions de la loi du 15 mars 1850 et celles de la loi du 22 juillet 1983 ; qu'aux termes de l'article 69 du titre III "Enseignement secondaire" de la loi du 15 mars 1850, qui n'a fait l'objet d'aucune abrogation : "Les établissements libres peuvent obtenir des communes, des départements ou de l'Etat un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Les conseils académiques sont appelés à donner leur avis préalable sur l'opportunité de cette subvention" ; que cette loi énumère limitativement les collectivités territoriales auxquelles elle s'applique ; qu'ainsi, les dispositions précitées qui organisent les modalités de versement de subventions aux établissements privés d'enseignement secondaire ne sont pas applicables à la région qui ne figure pas au nombre des collectivités énumérées par la loi ; que, dès lors, ces dispositions ne sauraient interdire à la région d'accorder des subventions d'équipements et de fonctionnement aux lycées privés ; que, par ailleurs, si aux termes de l'article 14 qui figure au chapitre Ier, section 2 de la loi du 22 juillet 1983, intitulé "De l'enseignement public" : "II Le département a la charge des collèges ... III La région a la charge des lycées et des établissements d'éducation spéciale ...", ces dispositions ne concernent que le transfert de compétence en matière d'établissements d'enseignement public et ne font pas obstacle à ce que la région, dans le cadre de la liberté d'administration de chaque collectivité territoriale, accorde également des subventions aux collèges privés ; qu'enfin, d'une part, le moyen tiré de l'absence de consultation du conseil académique de l'éducation nationale prévue par la loi du 15 mars 1850, d'autre part, celui tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la loi modifiée du 22 juillet 1983 relatif aux modalités de programmation et de réalisation des équipements d'enseignement public sont inopérants ;

Considérant en troisième lieu, que si M. X... en soutenant qu'en accordant des subventions à des établissements privés d'enseignement général, la région exerce une tutelle indirecte sur les autres collectivités territoriales, a entendu invoquer la méconnaissance de l'article 2 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, il n'établit pas que le vote de crédits destinés à subventionner les établissements privés d'enseignement général, vote au demeurant non assorti d'une définition des conditions de mise en oeuvre des subventions, comporte une limitation des compétences des départements dans le domaine de l'enseignement secondaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions législatives en vigueur interdiraient à la région d'accorder des aides aux établissements d'enseignement secondaire privés ; que par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Tribunal administratif de Rouen
Numéro d'arrêt : CETATEXT000008287641
Date de la décision : 01/12/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVES - RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES PUBLIQUES ET LES ETABLISSEMENTS PRIVES - Contribution des régions aux dépenses d'équipement des établissements secondaires privés d'enseignement général - a) Lycées - Applicabilité de l'article 69 du titre III de la loi du 15 mars 1850 - Absence (1) - b) Collèges - Violation de l'article 14 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 - Absence.

30-02-07-02, 58-02-02 L'article 69 du titre III "Enseignement secondaire" de la loi du 15 mars 1850, qui n'a fait l'objet d'aucune abrogation, dispose : "Les établissements libres peuvent obtenir des communes, des départements ou de l'Etat un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Les conseils académiques sont appelés à donner leur avis préalable sur l'opportunité de cette subvention". Cette loi énumérant limitativement les collectivités territoriales auxquelles elle s'applique, les dispositions précitées qui organisent les modalités de versement de subventions aux établissements privés d'enseignement secondaires ne sont pas applicables à la région qui ne figure pas au nombre des collectivités visées par la loi et ne peuvent donc s'opposer à ce que la région accorde des subventions aux lycées privés (1). Les dispositions de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1983, aux termes desquelles : "II. Le département a la charge des collèges ... III. La région a la charge des lycées et des établissements d'éducation spéciale ..." ne concernent que l'enseignement public et ne peuvent faire obstacle à ce que la région dans le cadre de sa liberté d'administration accorde des subventions aux collèges privés.

- RJ1 REGION - BUDGET REGIONAL - DEPENSES - Subventions - Dépenses d'équipement des établissements secondaires privés d'enseignement général - a) Lycées - Applicabilité de l'article 69 du titre III de la loi du 15 mars 1850 - Absence (1) - b) Collèges - Violation de l'article 14 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 - Absence.


Références :

Constitution du 27 octobre 1946 préambule
Constitution du 04 octobre 1958 art. 2
Loi du 15 mars 1850 art. 69
Loi 83-663 du 22 juillet 1983 art. 14, art. 13
Loi 83-8 du 07 janvier 1983

1. Comp. CE, Assemblée, 1990-04-06, Département d'Ille-et-Vilaine, p. 91 pour les départements et les communes


Composition du Tribunal
Président : M. Courtin
Rapporteur ?: Mme Leymonerie
Rapporteur public ?: M. Aupoix

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.rouen;arret;1992-12-01;cetatext000008287641 ?
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