COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 OCTOBRE 2010
N° 2010/ 398
Rôle N° 09/12640
[F] [M]
C/
[W] [J]
Grosse délivrée
le :
à :
Me JAUFFRES
SCP TOUBOUL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 26 Juin 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008L121.
APPELANT
Monsieur [F] [M]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 3] (EGYPTE) (99), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assisté par Me Yves BENSAUDE, avocat au barreau de NICE
INTIME
SELARL [J] - [I]
en la personne de Maître [W] [J]
es-qualités de liquidateur à la liqudiation judiciare de la SARL INTERNATIONAL PLASTICS
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour,
assisté par Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2010 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle ROMAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2010.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2010,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle ROMAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par jugement en date du 7 février 2005, le Tribunal de commerce de GRASSE a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la S.A.R.L. INTERNATIONAL PLASTICS, puis, le 16 mars 2005, il a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et désigné la S.E.LA.R.L. [J] & [I] en qualité de liquidateur.
Ce mandataire a fait assigner devant ce Tribunal, M. [F] [M], ancien gérant de la société, pour l'entendre condamné, au visa de l'article L 652-1 du Code de commerce, au paiement des dettes sociales ou, subsidiairement, au visa de l'article L.624-3, devenu l'article L 651-2 du même code, à combler l'insuffisance d'actif.
Par jugement en date du 22 juin 2009, le Tribunal a mis à la charge de M. [M] l'intégralité des dettes sociales à hauteur de l'insuffisance d'actif et l'a condamné, avec exécution provisoire, à payer au liquidateur une provision de 100 000 euros, somme à parfaire à la clôture des opérations de liquidation judiciaire en fonction du montant résiduel du passif social.
M. [M] a relevé appel de cette décision et demandé, par conclusions d'incident du 1er mars 2010, qu'il soit ordonné à la S.E.L.A.R.L. [J] & [I], sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui communiquer le détail de chaque poste d'actif et de passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. INTERNATIONAL PLASTICS et ce sur une situation arrêtée au 30 septembre 2009.
En réponse à cette demande la S.E.L.A.R.L. [J] & [I] a soutenu que l'appel n'était pas recevable.
Dans une ordonnance du 22 avril 2010, le conseiller de la mise a déclaré l'appel recevable et ordonné à la S.E.L.A.R.L. [J] & [I] de communiquer à M. [M] :
- la liste et le montant des créances déclarées au 1er janvier 2010,
- la liste détaillée des éléments d'actifs, ainsi que leur valeur, arrêtée au 1er janvier 2010,
- la liste détaillée des dettes relevant de l'article L 621-32 du Code de commerce.
Dans des écritures du 9 août 2010, tenues ici pour intégralement reprises, M. [M] expose que l'assignation qui lui a été délivrée à la requête du liquidateur le 18 février 2008 l'était, au principal, pour obtenir une condamnation au paiement des dettes sociales, et, subsidiairement, une condamnation au paiement du montant de l'insuffisance d'actif, mais que cette assignation viole les dispositions de l'article L 652-1 du Code de commerce qui interdit le cumul de ces actions et est donc nulle et de nul effet,
que la procédure qui a été suivie à son encontre est aussi nulle puisqu'il n'a pas été convoqué régulièrement devant la chambre du conseil du tribunal, ce qui n'est plus régularisable puisque l'action est prescrite depuis le 16 mars 2008, comme est d'ailleurs prescrite une action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la convocation dont il a été destinataire le 5 février 2009 étant sans effet à cet égard, et ce d'autant plus que le président du tribunal ne pouvait se saisir d'office en cette matière et ne visait pas l'obligation aux dettes sociales.
Il demande en conséquence à la Cour de déclarer nul le jugement déféré.
A titre subsidiaire, il expose qu'il reconnaît la réalité des fautes de gestion qui lui sont reprochées mais que Me [J] qui allègue un passif de 913 932 euros ne l'a jamais consulté sur ce passif qu'il aurait pu contribuer à faire réduire, que l'actif est lui sous évalué, que donc l'insuffisance d'actif n'est pas démontrée, qu'il ne peut, de toute façon, être tenu au titre du passif de l'article 624-1, et qu'en tout état de cause, dans la mesure où il supporte déjà une partie du passif de la société, une somme de 226 365,65 euros devra être déduite des condamnations prononcées.
Dans des écritures du 31 août 2010, tenues aussi pour intégralement reprises, la S.E.L.A.R.L. [J] & [I] réplique que le passif définitivement admis est de
879 924 euros, que la date de cessation des paiements ayant été fixée au 1er août 2004 et M. [M] ayant été gérant de la société jusqu'au 13 septembre 2004, elle l'a fait assigner, par exploit du 18 février 2008, pour l'entendre condamné au paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article L 652-1 du Code de commerce, et subsidiairement, sur le fondement de l'article L 624-3 ancien du même code, au paiement du montant de l'insuffisance d'actif, que la procédure est régulière puisque les deux actions ne sont pas exclusives l'une de l'autre et que M. [M] a été mis en position d'être entendu par la chambre du conseil.
Sur le fond du litige, il expose que M. [M] ne conteste pas les fautes qui lui sont reprochées, que donc le jugement devra être confirmé, mais que, compte tenu du montant de passif actuellement déterminable et qui ne pourra être comblé par l'actif disponible, la provision devra être portée à 150 000 euros.
Il sollicite aussi l'octroi d'une somme de 12 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Le Procureur général a déclaré avoir reçu communication du dossier le 2 septembre 2010.
L'ordonnance de clôture est du 8 septembre 2010.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
SUR LA PROCÉDURE :
Attendu que le fait que dans son assignation introductive d'instance du 18 février 2008 le liquidateur ait demandé une condamnation au paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article L 652-1 du Code de commerce et, subsidiairement, une condamnation à combler le passif sur celui de l'article L 624-3, devenu l'article L 651-2, du même code ne permet pas de prononcer la nullité de cet acte, qu'en effet le dernier alinéa de l'article L 652-1 qui disposait que 'Dans les cas visés au présent article, il ne peut être fait application des dispositions de l'article L 651-2' n'interdisait pas cette subsidiarité mais interdisait en cas de constatation de l'existence d'une faute visée par l'article L 652-1 , une application de l'article L 651-2 et un cumul de sanctions ;
Attendu que pour ce qui concerne les modalités de comparution du dirigeant devant le tribunal, s'il est certain que M. [M] n'a été, dans un premier temps, assigné que devant le Tribunal de commerce, il a par la suite été convoqué, par application de l'article 318 du décret du 28 décembre 2005, devenu l'article R 651-5 du Code de commerce, devant la chambre du conseil pour être entendu personnellement, que cette convocation qui a d'ailleurs été suivie d'une comparution et d'une audition, l'exigence imposée d'audition personnelle du débiteur, que donc la procédure suivie est régulière ;
SUR LE FOND DU LITIGE :
Attendu que, comme le jugement déféré l'a retenu, M. [M] ne conteste ni la réalité des fautes qui lui sont reprochées, ni le fait que de telles fautes justifient une condamnation au paiement des dettes sociales, qu'il soutient seulement que ces dettes seront intégralement réglées par l'actif de la société et qu'il n'a pas à être condamné à payer les dettes nées de la procédure collective,
que l'intimée soutient, elle, que le montant des dettes qui ne seront pas comblées est supérieur à la provision que lui a accordée le tribunal et demande une réévaluation de cette provision ;
Attendu que le tribunal faisant une juste application des paragraphes 1, 3, 4 et 5 de l'article L 652-1 du Code de commerce a considéré que les fautes de M. [M] qui avait camouflé l'activité déficitaire de la société par une surévaluation du stock afin de pouvoir percevoir au travers d'une autre société des commissionnements, qui avait cédé pour une somme presque symbolique, et dans son intérêt personnel, puisque cela lui permettait de vendre ses actions dans la S.A.R.L., les actions que cette S.A.R.L. possédait dans une S.C.I. propriétaire d'actifs immobiliers, qui avait laissé fonctionner des comptes courants d'associés débiteurs au profit de membres de sa famille et avait d'ailleurs à ce titre accepté la peine proposée dans le cadre d'une composition pénale pour abus de biens sociaux, devait être condamné au paiement de l'intégralité des dettes sociales qui ne seraient pas éteintes après réalisation de l'actif,
que le montant de la somme définitivement due ne pourra être défini qu'à la clôture des opérations de liquidation, opérations qui prendront en compte les paiements opérés par M. [M] en qualité de caution, de co-débiteur ou même à la suite de la composition pénale, mais aussi, contrairement à ce que soutient l'appelant, et comme l'a justement indiqué le tribunal, le paiement des dettes nées pendant la procédure collective, telles que visées par l'article L 622-17 du Code de commerce, y compris celles engagées au titre des procédures nécessaires pour reconstituer l'actif de la société dont la disparition était imputable aux fautes de M. [M];
Attendu que la somme de 100 000 euros allouée à titre provisionnel par le tribunal qui apparaît conforme aux décomptes établis à ce jour doit être confirmée ;
Attendu que l'équité justifie en la cause l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'intimée, ès qualités ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
CONDAMNE M. [F] [M] à payer à la S.E.L.A.R.L. [J] & [I], ès qualités, 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le CONDAMNE aux dépens et autorise la S.C.P. DE SAINT-FERREOL TOUBOUL, titulaires d'un office d'avoués à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :