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09/09/2013 | FRANCE | N°13/00314

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 09 septembre 2013, 13/00314


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 09/09/2013



***



N° de MINUTE : 448/2013

N° RG : 13/00314



Jugement (N° 11/01356)

rendu le 12 Décembre 2012

par le Tribunal d'Instance de DUNKERQUE



REF : JD/AMD





APPELANTE



SAS HOLCIM FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]



Régulièrement convoquée par lettre recommandée avec

accusé de réception



Représentée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Jean-Nicolas CLEMENT, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE



DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS I...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/09/2013

***

N° de MINUTE : 448/2013

N° RG : 13/00314

Jugement (N° 11/01356)

rendu le 12 Décembre 2012

par le Tribunal d'Instance de DUNKERQUE

REF : JD/AMD

APPELANTE

SAS HOLCIM FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

Régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

Représentée par Maître Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Maître Jean-Nicolas CLEMENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE DUNKERQUE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Maître Marlène JOUBIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 03 Juin 2013 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société HOLCIM FRANCE exerce une activité de production de ciment exploitée sur cinq sites dont celui de [Localité 3] (Pas-de-Calais).

Le 24 mars 2009, la direction régionale de douanes et droits indirects de DUNKERQUE a dressé un procès-verbal constatant des irrégularités ayant pour conséquence d'éluder ou de compromettre le recouvrement de la taxe générale sur les activités polluantes dûe pour la réception de déchets industriels spéciaux d'un volume total de 117 941, 10 tonnes, au cours de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2007.

Un avis de mise en recouvrement a été notifié à la société HOLCIM le 7 avril 2009 d'un montant de 1 085 712 euros.

Puis, à la suite de la réclamation de la société HOLCIM, l'administration des douanes a notifié à celle-ci, le 10 août 2010, un avis de mise en recouvrement rectificatif pour la somme de 675 313 euros.

La direction régionale de douanes et de droits indirects de DUNKERQUE a rejeté le 22 septembre 2010 la contestation de la société HOLCIM France relative à cet avis rectificatif.

Par acte d'huissier en date du 18 novembre 2010, la société HOLCIM France a fait assigner la direction régionale de douanes et de droits indirects de DUNKERQUE devant le tribunal d'instance de DUNKERQUE pour voir annuler la décision du 22 septembre 2010 et prononcer le dégrèvement à son profit des sommes visées par l'avis de mise en recouvrement n° 801/10/370 du 10 août 2010.

Par jugement en date du 12 décembre 2012, le tribunal a :

- dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne

- constaté la validité et le bien fondé de l'avis de mise en recouvrement n° 801/10/370 du 10 août 2010 d'un montant de 675 313 euros

- débouté la société HOLCIM France de l'ensemble de ses demandes

- condamné celle-ci à payer à l'administration des douanes la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à dépens.

La SAS HOLCIM France a interjeté appel de ce jugement, le 16 janvier 2013.

Elle demande à la Cour :

- de constater son opposition à l'avis de mise en recouvrement n° 801/10/370 émis le 10 août 2010 par la direction régionale des douanes et droits indirects de DUNKERQUE

- d'infirmer le jugement

- si elle l'estime nécessaire à la résolution du présent litige, de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice de l'Union européenne :

« La directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JOUE, 22.11.2008, L312/3) , qui impose aux Etats membres une hiérarchie entre les différents moyens de prévention et de gestion des déchets et aux termes de laquelle la valorisation énergétique des déchets est promue sur l'élimination de ceux-ci, s'oppose-t-elle à une législation nationale qui, tel l'article 266 sexies du code français des douanes, n'accorde pas la priorité à la valorisation énergétique des déchets industriels spéciaux sur l'élimination, en taxant de façon identique la valorisation énergétique et l'élimination des déchets ' »

- en tout état de cause, d'annuler la décision prise le 22 septembre 2010 par la direction régionale des douanes et droits indirects de DUNKERQUE qui a rejeté son opposition

- en conséquence, de prononcer le dégrèvement à son profit des sommes visées par l'avis de mise en recouvrement n° 801/10/370 du 10 août 2010

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société HOLCIM France fait valoir que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) méconnaît la hiérarchie des modes de traitement des déchets qui a été consacrée par la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 et qui s'impose à tous les Etats membres dans l'établissement de leur législation nationale en matière de prévention et de gestion des déchets (article 4 de la directive), que, si l'article 266 sexies du code des douanes ne transpose pas cette directive, puisque la taxe a été créée dix ans avant son adoption, les principes consacrés par la directive préexistaient à cette dernière.

Elle affirme qu'il ressort de l'article 4 de la directive que la valorisation énergétique des déchets est une forme de valorisation que cette directive entend faire prévaloir sur leur élimination pure et simple qui est, par définition, plus nuisible à l'environnement, tandis que l'article 266 sexies I du code des douanes n'applique la TGAP qu'à la seule élimination de déchets industriels spéciaux, que le législateur français opère donc une confusion entre l'élimination et la valorisation énergétique qui, ne bénéficiant pas de l'exception de l'article 266 sexies II (applicable à la « seule valorisation comme matière »), se trouve dès lors au nombre des opérations d'élimination visées au paragraphe I.

Elle ajoute que le concept de « valorisation comme matière » utilisé par l'article 266 sexies du code des douanes n'est pas précis et ne correspond pas aux définitions contenues dans la directive 2008/98/CE, laquelle n'établit pas de distinction entre les différentes formes de valorisation et que sanctionner fiscalement la valorisation énergétique, c'est-à-dire l'un des moyens de gestion des déchets dont la directive entend assurer la promotion va à l'encontre des objectifs de cette directive, qu'en effet, une entreprise établie en France n'a plus aucun intérêt à investir, comme elle l'a fait, dans des infrastructures propres à la valorisation énergétique des déchets industriels spéciaux puisque celle-ci est taxée au même niveau que l'élimination des déchets qui, elle, ne requiert aucun investissement particulier.

Elle estime en conséquence que la Cour doit écarter l'application de l'article 266 sexies du code des douanes, faisant observer que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne a énoncé à de nombreuses reprises l'obligation pour les Etats membres de ne pas faire obstacle aux objectifs du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce compris le droit dérivé, et leur devoir de prendre toutes mesures générales et particulières propres à assurer l'exécution de ces objectifs, qu'aux termes de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence en ce qui concerne la forme et les moyens, que cette obligation concerne l'ensemble du droit national et n'est pas limitée aux seules mesures nationales de transposition de la directive dans l'ordre juridique interne.

Elle soutient que la Cour a la faculté de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union européenne, qu'il ne peut être fait application de la théorie de l'acte clair et que l'argument de l'administration des douanes selon lequel la question préjudicielle serait sans incidence sur le présent litige au motif que la TGAP en question porte sur la période 2001-2007, soit avant la transposition de la directive « déchets », est dénué de pertinence.

La société HOLCIM reproche en tout état de cause à l'administration des douanes d'avoir refusé d'exclure du calcul de la TGAP le poids des sciures fraîches utilisées par l'établissement de [Localité 3] afin de stabiliser les déchets industriels spéciaux utilisés comme combustibles de substitution dans le four de la cimenterie.

Elle explique que l'établissement GEOCYCLE situé à SAINT ETIENNE DU VAUVRAY procède à l'imprégnation de déchets tels que des boues, émulsions ou liquides, dans ses installations de prétraitement, à l'aide d'un support absorbant principalement constitué de sciures de bois fraîches et non souillées directement issues des scieries.

Elle considère que ces sciures sont des agents stabilisateurs, leur seul rôle étant de permettre une stabilisation et une homogénéisation de déchets dangereux pâteux afin de pouvoir les injecter en cimenterie, et que leur poids, parfaitement déterminable, ne doit pas être pris en compte pour le calcul de l'assiette de la TGAP.

Elle critique l'analyse de l'administration selon laquelle seuls des agents permettant une stabilisation chimique totale du déchet pourraient bénéficier de l'exonération prévue par les circulaires des 30 mars 2009, 6 avril 2010, 31 mars 2011, 27 mars 2012 et 9 avril 2013 et elle affirme que la rubrique 19 03 relative aux déchets stabilisés/solidifiés peut parfaitement s'appliquer aux sciures imprégnées, que l'ajout de sciures fraîches permet bien de diminuer le caractère dangereux des déchets et non pas simplement de les rendre manipulables, car ils ne peuvent plus s'écouler ou se répandre en contaminant les sols ou occasionner des lésions pour le personnel en cas d'incident, que l'exemption prévue pour les agents stabilisateurs doit être comprise comme visant aussi des procédés de stabilisation partielle, qu'en outre, cette stabilisation peut aussi bien être physique que chimique.

Elle précise que la stabilisation partielle est un procédé de stabilisation reconnu qui bénéficie d'une définition réglementaire, que la rubrique 19 03 relative aux déchets stabilisés/solidifiés peut à la fois s'appliquer à des déchets dangereux et à des déchets partiellement stabilisés, que le fait que la stabilisation désigne au niveau réglementaire l'ensemble des techniques et opérations permettant d'obtenir un déchet stabilisé n'est pas contradictoire avec une possibilité de stabilisation physique, que le procédé pour parvenir à l'immobilisation chimique des polluants peut être un procédé physique tel que l'imprégnation des déchets par des sciures de bois fraîches et que, pour l'application de la TGAP, il n'y a pas lieu de faire de distinction entre les définitions techniques de stabilisation et de solidification.

Elle en déduit que les sciures amalgamées aux déchets dangereux au sein de l'établissement GEOCYCLE ne sont pas elles-mêmes des déchets dangereux, qu'elles peuvent très bien être dissociées d'un point de vue quantitatif et comptable des déchets eux-mêmes et faire l'objet d'un traitement fiscal différencié.

Elle fait observer que la valorisation énergétique des déchets dangereux au sein des fours de cimenterie présente un fort enjeu environnemental, en réduisant les risques liés à l'élimination de tels déchets pour l'environnement et la santé, et que la position de l'administration des douanes découragerait les industriels du secteur du ciment d'utiliser les déchets dangereux au profit de combustibles traditionnels, à la fois rares et générateurs eux-mêmes d'impacts environnementaux distincts.

Elle déclare que le poids des sciures fraîches utilisées par l'établissement GEOCYCLE est parfaitement connu et identifiable et qu'il doit être exclu du calcul de la TGAP.

L'administration des douanes et droits indirects demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- de constater la validité et le bien-fondé de l'avis de mise en recouvrement n° 801/10/370 en date du 10 août 2010 d'un montant de 675 313 euros

- de débouter la société HOLCIM France de l'ensemble de ses demandes

- de considérer le renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l'Union européenne comme inutile au règlement du présent litige

- de condamner la société HOLCIM France à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de dire n'y avoir lieu à dépens.

L'administration des douanes expose qu'au titre de la réception et de l'utilisation de déchets constitués de sciures imprégnées utilisées comme « combustibles solides de substitution », les installations de la société HOLCIM France se trouvent assujetties à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Elle indique qu'aux termes de l'article 266 septies du code des douanes, le fait générateur de la TGAP réside dans la réception des déchets dans l'installation, que les déchets réceptionnés par la société HOLCIM France sont des sciures déjà imprégnées d'hydrocarbures et que leur tonnage est donc soumis à la TGAP, qu'il résulte de l'article 266 sexies du code des douanes que ce ne sont pas les déchets qui sont assujettis à la TGAP mais les installations d'élimination des déchets industriels spéciaux, notamment par incinération, dont les cimenteries de la société HOLCIM France font incontestablement partie.

Elle explique que selon la jurisprudence communautaire, la notion de déchet ne doit pas s'entendre comme excluant les substances ou objets susceptibles de réutilisation économique et que seule une réutilisation des matériaux dans la continuité d'un même processus de production ou d'utilisation qui a donné naissance à ces résidus peut leur faire perdre la qualité de déchets, le résidu pouvant alors être qualifié de « sous-produit ».

Elle ajoute qu'il n'y a pas lieu de s'intéresser à la qualité des « sciures fraîches » mais à la qualification que revêtent les « sciures imprégnées » puisque c'est dans cet état qu'elles sont réceptionnées par les installations cimentières.

Elle soutient que les sciures imprégnées sont répertoriées dans la nomenclature des déchets classés dangereux en annexe II de l'article R 541-8 du code de l'environnement à la rubrique 19.12.11*, qu'à la lecture du décret du 18 avril 2002 sur la classification des déchets, il apparaît qu'un agent stabilisateur est celui qui est utilisé pour transformer un déchet dangereux en déchet non dangereux, que ces dispositions ne sauraient trouver application en l'espèce puisqu'elles sont applicables à la position 19.03 relative aux déchets stabilisés/solidifiés de l'annexe II de l'article R 541-8 du code de l'environnement, nomenclature ne comportant pas d'astérisque et faisant donc référence à des déchets considérés comme dépourvus de dangerosité, que les combustibles de substitution relèvent quant à eux de la position 19 12 11* relative aux « autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets contenant des substances dangereuses », que les sciures imprégnées sont identifiées sous cette nomenclature à leur sortie de l'établissement GEOCYCLE avant leur réception au sein de l'installation cimentière de [Localité 3].

Elle fait valoir que dès lors que le déchet conserve une forte dangerosité, il ne peut être considéré comme stabilisé et que les substances organiques ne perdent pas, ni à court, à moyen ou long terme leur dangerosité par l'ajout de sciures fraîches, que la stabilisation implique la notion de réaction chimique modifiant la composition des déchets et que les sciures fraîches ne modifient pas les éléments chimiques des déchets auxquels elles sont intégrées, de sorte que le poids des sciures fraîches ne peut être exclu de l'assiette de la TGAP, que par conséquent, les sciures fraîches ne supprimant pas et ne diminuant pas la dangerosité des déchets auxquels elles sont mélangées, elles ne sauraient être considérées comme des agents stabilisateurs.

Sur la demande de question préjudicielle, elle observe que l'article 266 sexies du code des douanes instaure une taxe interne à l'Etat français qui ne résulte pas de la transposition de la directive communautaire 2008/98, laquelle est une directive-cadre sur les déchets, que si la directive fixe des objectifs, il appartient à chaque Etat de prendre des mesures incitatives de protection de l'environnement, que l'article 4 de la directive établit une hiérarchie des déchets, que les termes de cet article sont clairs et précis et ne requièrent aucune interprétation susceptible d'influencer le présent litige, que cette directive a un objectif incitatif pour les Etats membres au regard de la protection de l'environnement, mais qu'elle ne fixe nullement le cadre de la fiscalité écologique, enfin que les dispositions de l'article 266 sexies du code des douanes ne font aucune référence à la notion de « valorisation énergétique ».

Elle déclare que la directive 2008/98 fixe des objectifs de protection environnementale indépendamment de l'instauration d'une taxe écologique dont elle ne définit pas les contours ni le champ d'application, que la Cour de Justice de l'Union européenne n'est pas compétente pour apprécier la compatibilité ou la conformité du droit national avec le droit communautaire et que la question préjudicielle proposée par la société HOLCIM France est sans incidence sur le présent litige.

SUR CE :

Sur la question préjudicielle

L'article 266 sexies I du code des douanes énonce qu'il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est dûe par les personnes morales suivantes :

1. Tout exploitant d'une installation d'élimination par stockage ou par incinération de produits ménagers et assimilés, tout exploitant d'une installation d'élimination des déchets industriels spéciaux par incinération, coïncinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisée pour les déchets que l'entreprise produit ou toute personne qui transfère ou fait transférer des déchets vers un autre Etat en application du règlement CE n°1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.

La directive 2008/98/UE, qui vient remplacer les directives 75/439/CEE, 91/689/CEE et 2006/12/CE relative aux déchets, établit, selon les termes de son article 1er définissant son objet et son champ d'application, des mesures visant à protéger l'environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l'utilisation des ressources et une amélioration de l'efficacité de cette utilisation.

L'article 4 de la directive instaure une hiérarchie des déchets qui s'applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets, à savoir :

a) prévention

b) préparation en vue du réemploi

c) recyclage

d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique

e) élimination. 

2 . Lorsqu'ils appliquent la hiérarchie des déchets, les Etats membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l'environnement(')

(')

Les Etats membres tiennent compte des principes généraux de précaution et de gestion durable en matière de protection de l'environnement, de la faisabilité technique et de la viabilité économique, de la protection des ressources ainsi que des effets globaux sur l'environnement et la santé humaine, et des effets économiques et sociaux, conformément aux articles 1er et 13.

En vertu de l'article 36 de la directive, les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires pour interdire l'abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets et déterminent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions de la directive.

Par ailleurs, la directive définit ainsi la valorisation: toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d'autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l'usine ou dans l'ensemble de l'économie.

Ainsi qu'il est exposé dans les « considérant », la directive a pour but d'étendre ou de réviser la législation relative aux déchets, y compris préciser la distinction entre ce qui est déchet et ce qui ne l'est pas, ainsi qu'à concevoir des mesures en matière de prévention et de gestion des déchets, en ce compris la fixation d'objectifs.

La société HOLCIM demande, au regard des prescriptions de la directive, que soit posée à la Cour de Justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :

La directive2008/98/UE s'oppose-t-elle à une législation nationale qui, tel l'article 266 sexies du code français des douanes, n'accorde pas la priorité à la valorisation énergétique des déchets industriels spéciaux sur l'élimination, en taxant de façon identique la valorisation énergétique et l'élimination des déchets ' 

L'article 234 du traité instituant la communauté européenne prévoit que la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, notamment sur l'interprétation du traité et sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté et par la BCE, que, lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de Justice de statuer sur cette question.

D'une part la directive fixe des objectifs mais ne contient aucune disposition contraignante relative à la législation fiscale ou douanière à mettre en 'uvre par les Etats membres en ce qui concerne le traitement des déchets, aux fins de respecter la hiérarchie qu'elle définit.

D'autre part, la valorisation énergétique est une forme d'élimination des déchets ; en effet, tous les combustibles de substitution issus de déchets sont et demeurent des déchets jusqu'à leur complète valorisation ou élimination et ce, quel que soit le procédé de traitement auquel ils sont destinés.

La coïncinération se définit du reste comme l'incinération de déchets dans des installations non dédiées initialement au traitement des déchets, telles que les cimenteries ou les chauffourneries, le principal intérêt pour ces installations étant de substituer des déchets énergétiques aux combustibles fossiles utilisés pour produire l'énergie nécessaire à la fabrication du ciment ou de la chaux.

L'interprétation de la directive n'étant pas nécessaire à la résolution du présent litige et la Cour de justice de l'Union européenne n'étant pas compétente pour apprécier la conformité du droit interne avec le droit communautaire, il convient de confirmer le jugement qui a dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice.

Sur le fond

Selon l'article 266 septies 1. du code des douanes, le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constitué par la réception des déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies.

L'article L 541-1 II du code de l'environnement en vigueur du 21 septembre 2000 au 3 juillet 2003 et du 3 juillet 2003 au 19 décembre 2010 dispose qu'est un déchet au sens du présent chapître tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon.

Le décret du 17 juin 1999 pris pour l'application de l'article 45 de la loi de finances pour 1999 instituant une taxe générale sur les activités polluantes prévoit que pour l'application du 1 du I de l'article sexies du code des douanes, sont considérés comme déchets industriels spéciaux les déchets mentionnés comme tels dans la nomenclature des déchets dangereux figurant à l'annexe II du décret du 15 mai 1997

En vertu de l'article 2 du décret du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets, sont considérés comme dangereux les déchets qui présentent une ou plusieurs des propriétés énumérées à l'annexe I. Ils sont signalés par un astérisque dans la liste des déchets de l'annexe II.

Les circulaires relatives à la taxe générale sur les activités polluantes ( en date des 30 mars 2009, 6 avril 2010, 31 mars 2011, 27 mars 2012 et 9 avril 2013) précisent que les agents stabilisateurs et réactifs ajoutés aux déchets avant la réception dans l'installation, ne constituant pas en eux-mêmes des déchets, ne sont pas inclus dans l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, sous réserve que leur poids puisse être déterminé et justifié, qu'à défaut, ils sont compris dans l'assiette.

La société HOLCIM soutient que les sciures fraîches auxquelles elle mélange les déchets dangereux sont des agents stabilisateurs aboutissant à une stabilisation partielle des déchets industriels et que leur poids, parfaitement déterminable, ne doit pas être pris en compte pour le calcul de l'assiette de la TGAP.

La stabilisation désigne au niveau réglementaire l'ensemble des techniques et opérations permettant d'obtenir un déchet stabilisé.

L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) indique que du point de vue technique, la stabilisation consiste à améliorer la rétention chimique des polluants, afin de limiter leur solubilité et par conséquent leur rejet dans l'environnement (immobilisation chimique des polluants par formation de composés moins solubles).

L'annexe II de l'article R 541-8 du code de l'environnement énumérant la liste des déchets contient les définitions suivantes :

4) les processus de stabilisation modifient la dangerosité des constituants des déchets et transforment ainsi des déchets dangereux en déchets non dangereux; les processus de solidification modifient seulement l'état physique des déchets au moyen d'additifs (par exemple, passage de l'état liquide à l'état solide) sans modifier leurs propriétés chimiques

5) un déchet est considéré comme partiellement stabilisé si, après le processus de stabilisation, il est encore à court, moyen ou long terme, susceptible de libérer dans l'environnement des constituants dangereux qui n'ont pas été transformés en constituants non dangereux.

La société HOLCIM conteste le bien-fondé de la définition de la stabilisation retenue par l'administration au regard de la note 4) ci-dessus qui s'applique uniquement à la rubrique 19 03 relative aux déchets stabilisés/solidifiés (non dangereux), puisque cette rubrique comprend elle-même deux sous-rubriques de déchets dangereux,19 03 04* : déchets catalogués comme dangereux, partiellement (au sens du 5) ci-dessus) stabilisés et 19 03 06*: déchets catalogués comme dangereux, solidifiés.

Elle affirme que cette rubrique 19 03 peut parfaitement s'appliquer aux sciures imprégnées, que l'exemption prévue pour les agents stabilisateurs doit être comprise comme visant aussi des procédés de stabilisation partielle, qu'en outre, cette stabilisation peut aussi bien être physique que chimique, que la solidification serait un procédé physique d'immobilisation des polluants qui devrait être considérée comme une stabilisation physique.

Selon l'administration, les sciures imprégnées constituent en elles-mêmes des déchets industriels dangereux identifiés par le code 19 12 11 qui désigne les autres déchets (y compris mélanges) provenant du traitement mécanique des déchets contenant des substances dangereuses , sous-rubrique incluse au sein de la rubrique générale 19 12, à savoir déchets provenant du traitement mécanique des déchets (par exemple : tri, broyage, compactage, granulation) non spécifiés ailleurs.

La société HOLCIM considère que cette rubrique est résiduelle et n'a vocation à s'appliquer que lorsqu'aucune autre rubrique ne peut convenir.

Certes, les circulaires qui exonèrent de la taxe les agents stabilisateurs n'exigent pas que la stabilisation soit totale et chimique.

Toutefois, la société HOLCIM n'explique pas en quoi les sciures fraîches entraîneraient une stabilisation partielle des déchets auxquels elles sont mélangées.

Elle affirme simplement que l'ajout des sciures fraîches permet de diminuer le caractère dangereux des déchets, ce qu'elle ne démontre pas.

Du point de vue scientifique, le terme 'stabilisation' est utilisé pour qualifier les procédés qui assurent une rétention chimique des polluants, procédés qui peuvent en effet être chimiques ou physiques.

Les procédés physiques de stabilisation permettant d'obtenir une solidification sont des procédés d'enrobage à l'aide de liants organiques (bitume), hydrauliques ou minéraux, ce qui n'est pas le cas des sciures fraîches qui sont destinées à faciliter le transport des déchets et leur utilisation comme combustibles de substitution.

Dès lors que les sciures sont déjà imprégnées d'hydrocarbures quand elles sont réceptionnées dans l'installation de LUMBRES et qu'elles ne peuvent être qualifiées d'agents stabilisateurs, c'est à juste titre que l'administration des douanes les considère comme des déchets industriels spéciaux soumis à la taxe et non comme des sciures fraîches, et qu'elle inclut leur poids en totalité dans la base taxable.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société HOLCIM de ses demandes et en ce qui concerne le montant de l'indemnité de procédure qu'il a équitablement fixé.

L'équité ne commande pas qu'il soit mis à la charge de la société HOLCIM une indemnité supplémentaire pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

CONFIRME le jugement

DIT n'y avoir lieu à dépens

DEBOUTE l'administration des douanes et droits indirects de sa demande fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 13/00314
Date de la décision : 09/09/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°13/00314 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-09;13.00314 ?
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