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09/12/2009 | FRANCE | N°09/03546

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 09 décembre 2009, 09/03546


RG N° 09/03546



N° Minute :





























































































Notifié le :



Grosse délivrée le :











AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



C

HAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 09 DECEMBRE 2009







Appel d'une décision (N° RG R09/00245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 12 août 2009

suivant déclaration d'appel du 20 Août 2009



APPELANTS :



Monsieur [V] [M]

[Adresse 2]

[Localité 7]



Monsieur [Z] [F]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Tous les deux comparants et assistés par Me Jean-Christophe BOBANT (avocat au barreau d...

RG N° 09/03546

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 09 DECEMBRE 2009

Appel d'une décision (N° RG R09/00245)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 12 août 2009

suivant déclaration d'appel du 20 Août 2009

APPELANTS :

Monsieur [V] [M]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Monsieur [Z] [F]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Tous les deux comparants et assistés par Me Jean-Christophe BOBANT (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

La SA RADIALLprise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Madame [B] (D.R.H.) et assisté par Me Laurent CLEMENT-CUZIN (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 25 Novembre 2009,

Madame Hélène COMBES, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Madame Dominique JACOB, Conseiller, assistées de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 Décembre 2009, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 09 Décembre 2009.

RG N° 09/3546 HC

EXPOSE DU LITIGE

La société Radiall qui a son siège social à [Adresse 6] exploite son activité dans quatre établissements distincts dont un à [Localité 7].

Le 24 mars 2000, elle a conclu avec les organisations syndicales un accord d'entreprise sur l'aménagement de la réduction du temps de travail.

Cet accord institue en sont article 7 un compte épargne temps permettant aux salariés de capitaliser des droits à congé rémunérés sur une période pluriannuelle, dans le but de réaliser des projets personnels ou d'anticiper la retraite.

Un accord collectif spécifique au compte épargne temps a été conclu le 30 novembre 2000, ainsi qu'un avenant le 30 juin 2004.

Invoquant la baisse de son activité, la société Radiall a, au mois de février 2009 demandé à ses salariés d'utiliser les jours de RTT acquis au 31 mars 2009 et de planifier la totalité des jours de congés et de RTT sur l'année 2009, ce à quoi [V] [M] et [Z] [F] se sont opposés.

Après plusieurs échanges avec leur employeur, [V] [M] et [Z] [F] ont le 17 juin 2009, saisi la formation de référé du conseil de Prud'hommes de Grenoble en annulation de la décision de la société Radiall.

Par ordonnance du 12 août 2009, le conseil de Prud'hommes a dit n'y avoir lieu à référé en l'état d'une contestation sérieuse.

[V] [M] et [Z] [F] qui ont relevé appel le 20 août 2009, demandent à la Cour d'infirmer l'ordonnance, d'annuler la décision unilatérale de la société Radiall telle qu'elle résulte de ses courriers des 18 mai et 3 juin 2009, de remettre les choses en l'état et de la condamner à leur payer les jours de congé qui leur ont été imposés aux mois de juin, juillet et septembre 2009, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils invoquent la recevabilité de leur action individuelle en application de l'article L 2262-12 du code du travail.

Sur le fond, ils font valoir qu'en leur imposant de prendre tous leurs jours de congés et de RTT et en s'opposant à l'alimentation du compte épargne temps à compter de 2009, l'employeur enfreint expressément les dispositions parfaitement claires des accords d'entreprise.

Ils soutiennent qu'aucun texte ne donne la possibilité à l'employeur de s'opposer à l'alimentation de son compte épargne temps par le salarié, lequel n'a jamais à solliciter l'accord de son supérieur hiérarchique et relèvent que l'avenant du 30 juin 2004 n'y a rien changé.

Ils ajoutent que la décision unilatérale de la société Radiall cause un trouble manifestement illicite et observent que c'est de manière malicieuse qu'elle confond prise des jours de RTT et alimentation du compte épargne temps.

La société Radiall conclut au principal à l'incompétence du conseil de Prud'hommes au profit du tribunal de grande instance, demande subsidiairement à la Cour de dire qu'il n'y a pas lieu à référé et très subsidiairement de rejeter la demande.

Elle rappelle les modalités de l'accord du 20 mars 2000 et le choix fait par l'établissement de [Localité 7] d'une diminution du temps de travail sur l'année sous forme de jours de repos en vertu de l'article 2.3.3.

Elle précise que les jours de RTT doivent obligatoirement être utilisés au cours de la période annuelle de décompte, l'accord précisant également qu'ils peuvent être affectés au compte épargne temps créé par l'article 7 de l'accord dans la limite de 5 jours par an.

Elle observe que l'article 2.3.3 prévoit que les modalités de prise des jours de RTT doivent s'adapter aux contraintes commerciales et industrielles afin de préserver la compétitivité de l'entreprise.

Elle expose que depuis fin 2008, elle a été frappée par les conséquences de la crise économique, que son établissement de [Localité 7] n'a pas été épargné et que la baisse de son activité l'a conduite à prendre un certain nombre de décisions, parmi lesquelles des mesures de bon sens concernant la prise obligatoire des jours de RTT acquis au 31 mars 2009.

Elle indique que l'ensemble des salariés a appliqué cette consigne, à l'exception de [V] [M] et [Z] [F].

Sur l'incompétence du conseil de Prud'hommes, elle fait valoir que le litige ne porte pas sur l'exécution du contrat de travail mais sur l'interprétation d'un accord collectif, de sorte qu'il échappe à la compétence de la juridiction prud'homale.

Elle précise à cet égard que lors de sa réunion du 9 septembre 2009, le comité central d'entreprise a estimé que l'application actuelle de l'accord était conforme à l'esprit dans lequel il avait été négocié et signé.

Sur la demande elle-même, elle soutient qu'il ressort de la lecture des trois accords d'entreprise qu'il n'est prévu à aucun moment la possibilité pour les salariés de passer outre le droit de l'employeur de leur demander de poser des jours de congés au lieu de les placer sur un compte épargne temps.

Elle ajoute que selon l'accord du 24 mars 2000, le salarié doit établir un planning prévisionnel des dates de prise des jours de RTT qui doit être approuvé par son supérieur hiérarchique ;

qu'il en résulte que [V] [M] et [Z] [F] ne pouvaient unilatéralement décider de placer des jours de RTT sur leur compte épargne temps à partir du moment où leur hiérarchie s'y opposait.

Elle conteste toute contradiction entre sa légitime demande et les dispositions de l'accord du 24 mars 2000 et soutient qu'elle ne confond nullement prise de jours de RTT et alimentation du compte épargne temps.

Elle invoque enfin les dispositions de la convention collective de la métallurgie de l'Isère.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;

Attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'en application des dispositions de l'article L 2262-12 du code du travail, chaque salarié a le droit d'agir individuellement pour la réalisation des droits qu'il tient d'une convention ou d'un accord collectif de travail ;

Attendu que la demande de [V] [M] et [Z] [F] qui se rattache à un litige individuel né du contrat de travail, est recevable, peu important la position prise par le comité central d'entreprise ;

Attendu que dès lors que la demande concerne l'application de deux accords collectifs et d'un avenant conclus au sein de l'entreprise, la référence que fait la société Radiall à la convention collective de la métallurgie de l'Isère est sans pertinence ;

Attendu que l'accord d'entreprise conclu le 24 mars 2000 entre la société Radiall et les organisations syndicales, intitulé 'Accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail' prévoit en son article 7 la création d'un compte épargne temps qui 'permet de capitaliser les droits à congés rémunérés sur une période pluriannuelle, dans le but de réaliser des projets personnels ou anticiper [sa] retraite, conformément à l'article L 227-1 du code du travail.' ;

Attendu que l'article 7 définit les conditions d'ouverture du compte épargne temps, les modalités de son alimentation, de son utilisation, de sa gestion et de sa clôture ;

qu'ainsi, il prévoit la faculté pour les salariés d'alimenter leur compte (7.2), d'utiliser les jours capitalisés et d'en choisir la date (7.3) ou d'y renoncer et de le clôturer (7.6) ;

Attendu que le 30 novembre 2000, un accord collectif spécifique au compte épargne temps a été conclu entre la société Radiall et les organisations syndicales ;

qu'il rappelle que le compte épargne temps 'est un moyen offert à chaque salarié qui le souhaite de constituer un capital de jours de congés rémunérés' et de 'réaliser des aspirations individuelles.' ;

qu'il prévoit en son article 6 que 'chaque salarié dispose de la faculté de porter au crédit du CET, des jours résultant des modes d'alimentation visés à l'article 7 du présent accord' et en son article 7.3 que 'Le salarié qui souhaite inscrire un crédit à son CET, adresse au service des ressources humaines sa demande d'épargne établie sur le formulaire prévu à cet effet.' ;

Attendu que ces deux accords qui se complètent, font clairement ressortir la latitude et l'initiative qui sont laissées à chaque salarié quant à l'ouverture, l'alimentation et l'utilisation de son compte épargne temps, dans le respect des conditions définies par les parties ( présence dans l'entreprise, nombre et nature des jours pouvant alimenter le compte chaque année...) ;

Attendu qu'il résulte de l'article 7.1 de l'accord du 30 novembre 2000 que l'augmentation du nombre de jours alimentant le compte épargne temps est le seul cas dans lequel l'employeur peut agir unilatéralement, ce qui constitue une mesure plus favorable et ne remet pas en cause la faculté qu'ont les salariés d'alimenter à leur choix leur compte épargne temps ;

Attendu qu'aucune disposition des accords du 24 mars et du 30 novembre 2000 ne permet en revanche à l'employeur de ramener l'alimentation du compte épargne temps en deçà des limites contractuellement posées ou de la supprimer purement et simplement ;

Attendu que c'est à tort que la société Radiall justifie sa position en invoquant les dispositions de l'article 2.3.3 de l'accord du 24 mars 2000 ;

qu'en effet, si cet article définit les conditions dans lesquelles des jours de repos sous forme de RTT peuvent être pris avec l'accord de l'employeur et donne à celui-ci un rôle actif dans leur gestion, il n'en rappelle pas moins que les jours de RTT peuvent être affectés au compte épargne temps dans les limites exposées à l'article 7 ;

que les articles 2.3.3 et 7 règlent sans se contredire des mesures de nature différente, la prise des jours de RTT d'une part et leur report à une date ultérieure d'autre part ;

Attendu qu'en l'état de la rédaction des accords, la société Radiall ne pouvait que faire appel au volontariat des salariés pour les inciter à solder leurs jours de RTT au 31 mars 2009, mais ne pouvait en aucune façon leur imposer une mesure contraire tant à la lettre qu'à l'esprit des accords de 2000 ;

Attendu que la demande d'annulation de la décision de la société Radiall formée par [V] [M] et [Z] [F] n'est pas sérieusement contestable et doit être accueillie ;

Attendu que la société Radiall devra donc reporter sur les comptes épargne temps de [V] [M] et [Z] [F] les jours de congé qu'elle leur a imposés en 2009, sans pouvoir invoquer le fait que les salariés en ont bénéficié, ce qu'ils n'ont pas fait de leur plein gré ;

Attendu que [V] [M] et [Z] [F] seront quant à eux déboutés de leur demande en paiement des jours litigieux, ce qui reviendrait à une triple compensation ;

Attendu qu'il leur sera alloué la somme globale de 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme l'ordonnance de référé rendue le 12 août 2009 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble.

- Statuant à nouveau, dit que la société Radiall ne pouvait imposer à [V] [M] et [Z] [F] d'utiliser tous leurs jours de RTT acquis au 31 mars 2009 et de planifier la totalité de leurs jours de congés et de RTT sur l'année 2009 et qu'elle ne pouvait leur interdire d'alimenter leurs comptes épargne temps dans les limites prévues par les accords d'entreprise.

- La condamne en conséquence à reporter sur les comptes épargne temps de [V] [M] et [Z] [F] les jours de congé et de RTT qu'elle leur a imposé de prendre en 2009.

- Déboute [V] [M] et [Z] [F] de leur demande en paiement de ces jours.

- Condamne la société Radiall à leur payer la somme globale de 500 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/03546
Date de la décision : 09/12/2009

Références :

Cour d'appel de Grenoble, arrêt n°09/03546


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-09;09.03546 ?
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