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11/05/2011 | FRANCE | N°10/05577

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 11 mai 2011, 10/05577


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/05577





[O]



C/

SARL SCM GROUP FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Juillet 2010

RG : 08/1730











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 11 MAI 2011













APPELANT :



[K] [O]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3]

( LOIRE)

[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me Hubert DUMAS, avocat au barreau de ROANNE









INTIMÉE :



SARL SCM GROUP FRANCE

SIS [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 6]



représentée par Me Florence CALLIES, avocat au barreau de LYON






















...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/05577

[O]

C/

SARL SCM GROUP FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Juillet 2010

RG : 08/1730

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 11 MAI 2011

APPELANT :

[K] [O]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3] ( LOIRE)

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Hubert DUMAS, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

SARL SCM GROUP FRANCE

SIS [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Florence CALLIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mars 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Françoise CARRIER, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pe1085ndant les débats de Chantal RIVOIRE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Mai 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

[K] [O] a été embauché par la société SCM GROUP FRANCE, qui a pour activité le commerce de machines à bois, à compter du 1er octobre 1998 dans le cadre d'un contrat de qualification de six mois en vue d'obtenir la qualification de technicien service après vente.

Suivant contrat à durée indéterminée du 10 décembre 1998, il a été engagé en qualité de technicien service après vente à compter du 1er avril 1999, date de fin de son contrat de qualification moyennant le SMIC. Ce contrat précisait qu'à l'issue d'une formation complémentaire estimée à 6 mois, le salarié devrait effectuer toutes les fonctions de technicien SAV et que sa rémunération serait revue en fonction de ses capacités et de la législation sur les 35 heures.

Suivant avenant du 12 octobre 1999, [K] [O] est devenu technicien service après-vente itinérant, niveau III, 2ème échelon, coefficient 225.

Par avenant du 18 juillet 2000, il a été convenu qu'il ne serait pas soumis à l'horaire de travail instauré dans l'entreprise en raison de l'autonomie dont il disposait dans l'exercice de sa mission et dans l'organisation de son emploi du temps. Il était convenu d'un forfait annuel de 1 730 heures.

Par avenant des 20 décembre 2000 et 29 janvier 2001, [K] [O] a été promu à la qualification cadre position I coefficient 80 et il a été convenu que le salarié organiserait son emploi du temps sur la base d'un forfait annuel en nombre de jours de 217 jours travaillés au maximum par an.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 1er avril 2008, [K] [O] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé initialement au 14 avril puis reporté au 21 avril.

Dans un courrier du 8 avril 2008, il a exposé un certain nombre d'arguments pour sa défense.

Au vu des éléments contenus dans ce courrier, l'employeur l'a convoqué par lettre du 18 avril à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 28 avril et annulant la précédente convocation et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée du 5 mai 2008, il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants :

'Malgré nos différents rappels à l'ordre, ayant d'ailleurs donné lieu à plusieurs avertissements, vous n'avez pas cru bon devoir améliorer votre comportement et notamment respecter vos horaires de travail.

1. Le 15 mars 2008, vous vous êtes autorisé à vous absenter une demi journée, ce que vous reconnaissez dans votre courrier, ce qui vous a valu d'être en retard sur la foire de [Localité 5] alors que tout vos collègues étaient déjà présents.

De plus, vous n'êtes pas sans ignorer les impératifs et les contraintes qui nous sont imposés lors des démontages des stands.

2. Le 26 mars 2008, alors que vous deviez préparer une machine aux fins de démonstration chez la société SETIN, vous avez, dès votre arrivée, manifesté de l'exaspération et des signes d'énervement qui ont inquiété notre client et ce d'autant plus que vous l'avez menacé de partir en le laissant 'en plan', sans terminer le travail qui vous incombait (ce que vous reconnaissez dans votre courrier du 8 avril 2008)

Lorsqu'il vous a demandé un nouveau modèle de gabarit, excédé, vous avez cru devoir appeler M [F], ce qui n'a guère rassuré notre client.

Votre version des faits, telle que vous l'avez exposée lors de l'entretien et dans votre lettre du 8 avril 2008, et selon laquelle vous imputez l'incident à une mauvaise organisation de la société SCM GROUP France est contestée par Monsieur [T].

Vous avez d'ailleurs parfaitement conscience du caractère inadmissible de votre comportement puisque vous essayez de vous justifier dans votre courrier du 8 avril 2008 en prenant les devants 'pour mieux argumenter votre défense'.

3. De plus, le 8 avril 2008, devant le même client, vous avez encore adopté un comportement préjudiciable à l'image de la Société STM GROUP France : alors que vous deviez assurer une formation à la société BAPTISTA, vous avez reçu le directeur de la société SETIN et notre client commun en dénigrant une fois de plus l'organisation de la société SCM GROUP France.

La société BAPTISTA s'est bien évidemment plainte du manque de professionnalisme de la société SCM auprès de la société SETIN et a même sollicité un geste commercial.

Or je vous rappelle que nous avons la qualification ISO 9001, dont l'une des principales caractéristiques est la satisfaction du client.

L'image que vous donnez de la société SCM, en l'accusant ouvertement de 'société désorganisée' est des plus préjudiciables.

4. Le jour même, vous n'avez pas hésité à porter de graves accusations dans votre lettre du 8 avril 2008, mettant en cause la probité et l'intégrité des salariés et des dirigeants de la société SCM GROUP France.

A titre d'exemple et sans aucune preuve à l'appui, vous accusez la société SCM GROUP France :

- 'd'acheter' le témoignage de ses clients

- 'de s'enrichir' sur le dos des salariés,

- 'de manquer au respect de la législation sur les heures de travail, de repos' alors même que vous avez reconnu lors de l'entretien ne pas avoir vérifié préalablement vos allégations

- d'accuser la société SCM GROUP France d'harcèlements, de discrimination et du non respect des règles applicables en matière de sécurité.

Ces graves accusations, totalement infondées, ajoutées à votre comportement totalement irrespectueux et 'déplacé' (ce que vous reconnaissez d'ailleurs dans votre lettre) à l'égard tant des salariés de la société SCM GROUP France que des clients, ne sont pas compatibles avec votre maintien dans l'entreprise.'

[K] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 19 mai 2008 à l'effet d'obtenir son repositionnement en tant que cadre niveau II coefficient 100, de se voir allouer un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.

Par jugement du 1er juillet 2010, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de [K] [O] reposait sur une faute grave,

- condamné la Société SCM GROUP FRANCE à lui payer les sommes de 12 920,45 € à titre de rappel de salaires sur repositionnement et de 1 292,04 € au titre des congés payés afférents, outre 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la Société SCM GROUP FRANCE de remettre à [K] [O] les bulletins de salaire, l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail rectifiés,

- débouté [K] [O] du surplus de ses demandes.

[K] [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses écritures déposées le 13 mars 2011 et soutenues oralement à l'audience, il conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit à sa demande de repositionnement et à son infirmation pour le surplus.

Il demande à voir condamner la société SCM GROUP France à lui payer les sommes suivantes :

- 62 373,32 € au titre de rappel d'heures supplémentaires avec repositionnement conventionnel, subsidiairement 54 405,78 € hors repositionnement conventionnel ou 92 683 € sur la base du salaire égalité de traitement, ce outre les congés payés afférents,

- 31 886 € à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur sur la base du salaire après repositionnement, subsidiairement 27 202 € sur la base du salaire réel ou 47 794 € sur la base du salaire égalité de traitement,

- 12 100 € à titre de dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement sur la base du salaire repositionné ou 46 575 € sur la base du salaire réel,

- 35 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 864,68 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 8 903,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 890,33 € au titre des congés payés afférents,

- 1 681,73 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 168,17 € au titre des congés payés afférents,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et à voir ordonner la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir.

Au terme de ses écritures déposées le 13 mars 2011 et soutenues oralement à l'audience, la Société SCM GROUP France conclut à titre principal au débouté de l'ensemble des demandes du salarié.

Elle sollicite en outre l'allocation de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le repositionnement hiérarchique

[K] [O] se fonde sur l'article 21 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui dispose que 'les ingénieurs et cadres débutants accèdent au classement de la Position II et de la Position III prévu pour les ingénieurs et cadres confirmés dès que leur fonction le justifie. Ce passage a un caractère obligatoire lorsqu'ils ont accompli une période de 3 ans en position I dont une année au moins de travail effectif dans l'entreprise et atteint l'âge de 27 ans' et estime qu'ayant eu 27 ans le 13 juin 2005, il aurait dû bénéficier à compter du mois de juillet 2005 de la qualification Position II coefficient 100.

La Société SCM GROUP France soutient que [K] [O] s'est vu attribuer le statut cadre Position I coefficient 180 en vertu de la grille transitoire de transposition instituée par l'accord national du 29 janvier 2000, ce que le salarié conteste, et qu'il ne relève pas de la catégorie des cadres visés à l'article 21 de la convention collective.

L'accord du 29 janvier 2000 portant révision des classifications dans la métallurgie a créé, en son article 3, six nouveaux coefficients de classement, à savoir 60, 68, 76, 80, 86, 92, aux fins de permettre aux agents de maîtrise, par voie de promotion, d'accéder aux fonctions de cadre et ce sans condition d'âge ou d'ancienneté.

Il importe peu que l'avenant des 20 décembre 2000 et 29 janvier 2001 ne fasse pas référence à cet accord ni que celui-ci n'ait pas été étendu, l'indice 80 auquel le salarié a été classé ayant été créé par l'accord du 29 janvier 2000 et n'ayant donc pu lui être attribué qu'en application de cet accord.

La disposition invoquée par le salarié pour bénéficier du passage automatique en position II est insérée dans l'article 21 A de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie intitulé 'années de début - position 1". Le premier alinéa de cet article définit les ingénieurs et cadres débutant en position 1 comme les titulaires des diplômes définis à l'article 1 de la convention, qui débutent comme ingénieurs ou cadres administratifs ou commerciaux et prévoit qu'ils bénéficient d'un taux minimum garanti. La disposition prévoyant le passage automatique en position II des 'ingénieurs et cadres débutants' après trois ans accomplis en position 1 à la condition d'avoir atteint l'âge de 27 ans, sans référence à leur fonction, renvoie nécessairement à la catégorie définie au premier alinéa c'est à dire aux titulaires des diplômes visés à l'article 1 débutant comme ingénieurs ou cadre administratifs ou commerciaux. Cette disposition se situe dans la logique des garanties liées au diplôme que l'article 21A a pour objet de mettre en oeuvre, et, s'agissant d'une disposition spéciale, ne saurait s'interpréter de façon extensive comme devant bénéficier à tous les cadres ayant accédé à la position 1 sans condition de diplôme.

Il en résulte que [K] [O], qui ne relève pas de la catégorie des cadres définie par le premier alinéa de l'article 21A, n'était pas fondé à prétendre au passage automatique en position II à compter du 23 juin 2005 au motif qu'il avait atteint l'âge de 27 ans. Le jugement déféré sera réformé sur ce point et le salarié débouté de sa demande de rappel de salaire de repositionnement.

Sur la convention de forfait

Les dispositions de l'article L 3121-43 du code du travail sont issues de la loi 20 août 2008 et ne sont donc pas applicables à la relation contractuelle.

Selon l'article L 212-15-3 I et III, devenu les articles L 3121-38 et 40, dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 2000 applicable à la relation contractuelle, la durée du travail des salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues.

La possibilité de conclure de telles conventions est prévue par l'article 14 de l'avenant du 29 janvier 2000 à l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie pour la catégorie des cadres au sens de la convention collective de branche qui ne sont pas occupés selon l'horaire collectif applicable au sein du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés 'de telle sorte que la durée de leur temps de travail ne soit pas prédéterminée'.

[K] [O] fait valoir qu'il n'avait pas d'autonomie dans la détermination de ses horaires non seulement du fait de la nature même de ses fonctions de technicien service après-vente mais également du fait que c'était l'employeur qui décidait de toutes ses interventions chez les clients et de leur date, ce dont il déduit qu'il n'avait pas de liberté dans l'organisation de son travail.

S'il est acquis que le salarié se voyait désigner les clients chez lesquels il devait intervenir et les dates de ses interventions soit pour des dépannages soit pour des installations soit pour des formations à partir de plans de travail établis par le responsable du service après-vente en fonction des demandes d'intervention reçues, des demandes de récupération de RTT ou de congés faites par les différents salariés itinérants et de l'avancement du chantier précédent, il ne résulte pas des documents qu'il verse aux débats que l'employeur lui ait indiqué ses horaires de travail ni qu'il ait déterminé par avance le temps de chaque intervention. Si les bordereaux d'intervention mentionnent le détail par jour des heures de travail effectuées lors de chaque intervention, il s'agit de documents établis après coup, à partir du relevé des heures établi par le salarié à des fins de facturation, qui ne sont donc pas probants de ce que l'horaire d'intervention était déterminé à l'avance.

[K] [O] ne conteste pas d'autre part qu'une fois son plan de travail arrêté, il lui appartenait de prendre contact directement avec le client pour lui communiquer ses jour et heure d'arrivée sur site et pour organiser les conditions de son intervention ce sans aucune directive de l'employeur notamment quant à ses horaires de travail ou à la durée de l'intervention. Il en résulte qu'il qu'il n'était pas soumis à l'horaire collectif de l'entreprise et qu'il avait toute latitude pour organiser ses journées de travail sans que la durée en soit déterminée par avance.

Il en résulte que la convention de forfait est régulière et le salarié sera débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

Sur la violation du principe d'égalité de traitement

Le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur de ne traiter différemment des salariés qui se trouvent dans la même situation au regard d'un avantage qu'à la condition que des raisons objectives et pertinentes justifient cette différence de traitement.

[K] [O] fait valoir qu'il avait une rémunération inférieure à celle de ses collègues techniciens itinérants comme lui et produit à l'appui de ses allégations une attestation de Mme [L], ancien directeur administratif et financier de la société, selon laquelle ses collègues percevaient un salaire de l'ordre de 2 255 € alors que lui ne percevait que 2 100 € ainsi qu'un tableau établi par celle-ci des salaires bruts mensuels de l'ensemble des techniciens connus au 1er janvier 2007, classés par date d'ancienneté.

La Société SCM GROUP France soutient que l'attestation de Mme [L], avec laquelle elle est en procès, est de ce fait dépourvue de crédibilité et d'objectivité. Elle ne conteste néanmoins pas que [K] [O] était le moins bien payé de tous les techniciens mais elle estime que cette différence était justifiée par des raisons objectives tenant à l'âge, à l'expérience ou aux diplômes de chaque salarié. Elle souligne que certains salariés n'appartiennent pas à la même catégorie professionnelle que [K] [O] ou qu'ils n'avaient pas le même coefficient que lui.

Elle produit un tableau de synthèse de la rémunération des 12 techniciens de l'entreprise en 2007 mettant en évidence pour chacun d'eux l'ancienneté, l'expérience et les diplômes. Ces éléments sont justifiés par les bulletins de paie des mois de janvier, de décembre 2006 et de janvier 2007 et les curriculum vitae de chacun des intéressés.

Il convient de rappeler que [K] [O] a été embauché en octobre 1998 dans le cadre d'un contrat de qualification de six mois. Il était alors titulaire d'un BEP. Sa formation s'est poursuivie dans le cadre du contrat à durée indéterminée conclu à l'issue de son contrat de qualification, ce jusqu'au mois d'octobre 1999 date à laquelle il est devenu technicien service après vente itinérant. Il a obtenu son baccalauréat, passé en candidat libre, en 2000 donc postérieurement à son embauche. Il était âgé de 29 ans en 2007.

S'il ressort du tableau produit par l'employeur que le salaire moyen des 12 techniciens hors avantage en nature véhicule est de 2 639 € alors que celui de [K] [O] n'est que de 2 142 €, il en résulte qu'aucun n'a de situation comparable à celle de [K] [O]. ; que tous ont plus de 20 ans d'expérience à l'exception de MM [H] (12 ans) et [V] (8 ans), embauchés respectivement en 1995 et 1999 ; que ces deux derniers, outre qu'ils sont plus âgés que [K] [O] (respectivement 37 et 34 ans en 2007), sont titulaires de diplômes multiples (BEP BAC BTS et TAIA pour [H], 2 CAP 2BEP BAC pro et BTS pour [V]) ce qui justifie un salaire plus élevé ; que si les 4 salariés embauchés en 2000 et 2001 sont mieux rémunérés que [K] [O], ils ont tous entre 24 et 31 ans d'expérience et ont tous plus de 40 ans ; que de surcroît le salaire de deux d'entre eux, MM [N] et [W], embauchés respectivement en 2000 et 2001, ne dépasse celui de [K] [O] que d'une centaine d'Euro alors que les intéressés ont respectivement 27 et 24 ans d'expérience.

[K] [O] expose en outre que le montant de sa prime de fin d'année 2006 n'a été que de 1 756 € alors que la moyenne des primes versées aux techniciens s'est élevée à 2 435 € ce qui caractérise là encore une inégalité de traitement.

La Société SCM GROUP France fait valoir que la prime exceptionnelle versée à la fin de l'année 2006 a été attribuée non seulement en fonction des résultats de l'entreprise et de la performance de chaque service mais également en fonction des plusieurs paramètres tenant à la personne du salarié à savoir, son implication dans ses fonctions, le respect du règlement intérieur, le rendu régulier des documents internes. Elle souligne que d'autres techniciens ont perçu la même prime que le salarié ou même une prime inférieure.

Il résulte des bulletins de paie produits que [K] [O] a perçu au mois de décembre 2006 un acompte sur prime exceptionnelle (80 %) de 1 405 € ; que si la moyenne des acomptes sur prime versés aux techniciens s'est élevée à 1 753,75 € compte tenu de ce que deux d'entre eux ont perçu à ce titre 2 073,60 € et 4 d'entre eux 1 829,60 €, deux autres techniciens, MM [H] et [V] n'ont perçu respectivement que 1 451,52 € et 1 390,50 € ; que l'acompte sur prime perçu par [K] [O] représente 66% d'un mois de salaire alors que pour 4 autres techniciens, il représentait entre 50 et 57 % seulement.

Il en résulte que l'inégalité de traitement alléguée n'est pas caractérisée et le salarié sera débouté de ses demandes de ce chef.

Sur le licenciement

La faute grave est la faute qui résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié :

- un abandon de poste le 15 mars 2008

- un incident du 26 mars 2008 au cours duquel il a manifesté de l'exaspération lors d'une démonstration chez un client et d'avoir menacé celui-ci de partir en laissant 'tout en plan'

- le dénigrement de l'employeur auprès d'un client lors d'une formation à [Localité 6] siège de la société le 8 avril 2008

- des propos diffamatoires dans un courrier du 8 avril 2008

1) sur l'incident du 26 mars 2008 et le dénigrement de l'employeur auprès de la société BAPTISTA

Le 26 mars 2008, [K] [O] s'est rendu sur le site de la société SETIN où il devait faire une démonstration sur une machine à bois. Il lui est reproché d'avoir manifesté de l'exaspération et des signes d'énervement en constatant que l'installation de la machine n'était pas finie, qu'il y avait une panne d'alimentation et que des outils manquaient et d'avoir menacé de partir en laissant le client 'en plan'.

Le salarié fait valoir que le 26 mars 2008, il avait dû composer avec les moyens mis à sa disposition pour remédier aux pannes et mettre en route la machine pour la démonstration du lendemain ; qu'il avait sollicité l'assistance de la société par l'intermédiaire de M [F] qui la lui avait refusée ; que la société SETIN est un revendeur exclusif et permanent de la société SCM GROUP France avec laquelle il a une communauté d'intérêts et que les attestations du commercial de la Société SETIN, M [T], versées aux débats par l'employeur, sont postérieures à la réception par celui-ci de son courrier du 8 avril 2008. Il souligne qu'il a travaillé chez ce client 27 heures en 2 jours sans compter 10 heures de trajet et que la fiche d'intervention a été régulièrement signée par M [T].

Dans son courrier du 8 avril 2008, [K] [O] reconnaît avoir été exaspéré par la situation et avoir manifesté son mécontentement au téléphone à M [F], ce devant le client. Le courrier de la Société SETIN du 10 avril 2008 fait état de ce que M [O] était arrivé en retard, qu'il avait causé de grandes difficultés pour réaliser le travail, qu'il avait téléphoné sans arrêt à M [F] allant même jusqu'à menacer de quitter le chantier. Il est ainsi démontré que [K] [O] a fait le choix, plutôt que de s'attaquer immédiatement aux problèmes techniques qui se présentaient à lui, seule façon de le rassurer sur le fait que les prestations attendues seraient fournies dans les délais, a choisi de donner la priorité au règlement de son litige avec le commercial de l'entreprise et de l'exposer devant le client. Ce comportement, outre qu'il était irrespectueux du client, était à l'évidence préjudiciable à la Société SCM GROUP France comme donnant d'elle l'image d'une entreprise manquant de sérieux et de fiabilité.

Il constitue un manquement à l'obligation de loyauté qui impose au salarié de s'abstenir de propos ou de comportements préjudiciables à l'employeur auprès de tiers. Il importe peu à cet égard que la société SETIN ait été un revendeur exclusif, l'intérêt de la société SCM GROUP France étant en tout état de cause de préserver sa relation avec un client lui permettant la réalisation d'un chiffre d'affaires nécessaire à sa pérennité. De même, le fait que le commercial de la société SETIN ait signé la fiche d'intervention démontre simplement que la mission a été au final exécutée mais ne fait pas disparaître le caractère préjudiciable du comportement du salarié stigmatisé par le client dans son courrier du 10 avril dans les termes suivants : 'toutes ces histoires et beaucoup de temps perdu pour finalement s'exécuter, ceci tient du ridicule et ne donne pas une image rassurante de votre société'.

L'employeur reproche également au salarié d'avoir à nouveau donné une mauvaise image de l'entreprise par des propos tenu le 8 avril 2008 lors d'une formation du personnel de la société BAPTISTA, cliente de la société SETIN, en présence du représentant de cette dernière.

[K] [O] soutient que ces affirmations sont purement gratuites et que la société BAPTISTA n'a formulé aucune plainte suite à la formation reçue.

Il résulte néanmoins des courriers de la société SETIN en date des 10 avril et 3 juillet 2008 que [K] [O] avait, à l'occasion de la formation du 8 avril, déclaré en présence des personnes dont il devait assurer la formation 'qu'il ne savait pas ce qu'il faisait là et que c'était habituel' et que son client avait gardé 'une mauvaise image de la formation et de la société SCM GROUP France à travers la prestation de M [O]'.

Ainsi est suffisamment démontré un second manquement du salarié à son obligation de loyauté.

2) Sur les propos diffamatoires tenus dans la lettre du 8 avril 2008

La Société SCM GROUP France reproche au salarié d'avoir mis en cause la probité et l'intégrité de ses salariés et de ses dirigeants.

[K] [O] soutient qu'il s'est contenté de dénoncer les pressions dont il se sentait victime et qu'à réception de sa lettre, l'employeur aurait dû ouvrir une enquête en exécution de ses obligations en matière de santé et de sécurité des salariés évoluant sous sa responsabilité. Il produit des attestations de M [X] et de Mesdames [Z], [S] et [L] démontrant selon lui les propos humiliants et méprisants dont il était victime au sein de l'entreprise. Il soutient qu'en tout état de cause, ses propos n'ont pas excédé les limites de la liberté d'expression.

Il a néanmoins tenu les propos suivants dans sa lettre du 8 avril : 'Mrs [Y] et [H] m'ont souvent répété 'on peut faire dire ce que l'on veut aux clients' . Je suppose qu'il doit s'agir d'une simple négociation avec les clients de manière à obtenir une plainte écrite en échange d'un rabais sur matériel ou intervention. Il convient de rappeler ici une première plainte de la Sté INOVMAG par lettre RAR du 20.07.2005 (lettre non signée) à laquelle j'ai répondu le 22 août 2005. J'imagine que d'ici le 14 avril, vous aurez accumulé d'autres plaintes bien négociées, façon astucieuse d'amplifier cette catégorie de reproches...'

Le conseil de prud'hommes a fait une exacte analyse de ces propos en retenant qu'il excédaient les limites de la liberté d'expression comme sous entendant, sans preuve, que l'employeur pratiquait la subornation de témoin et qu'il revêtaient un caractère diffamatoire.

3) sur l'absence injustifiée du 15 mars 2008

Il est acquis que [K] [O] s'est présenté à la foire de [Localité 5] pour le démontage du stand de la société le dimanche 15 mars à 20 heures soit avec plus d'une heure de retard sur l'heure de convocation par l'employeur. Il a expliqué dans son courrier du 8 avril qu'il s'était rendu au chevet de sa soeur hospitalisée et qu'il s'était contenté de prendre la route de façon à n'assurer que la demi-journée de travail pour laquelle il était payé c'est à dire en comptabilisant dans son temps de travail son temps de trajet pour [Localité 5] soit 5 heures.

Les dispositions de l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement n'étant pas applicables aux ingénieurs et cadres couverts par la convention collective de la métallurgie, le conseil de prud'hommes a justement retenu que le temps de trajet du salarié ne constituait pas un temps de travail et qu'en tout état de cause celui-ci aurait dû aviser l'employeur de son retard.

L'attitude pour le moins désinvolte du salarié en la circonstance est donc fautive.

Les griefs retenus sont révélateurs d'un désengagement du salarié vis à vis de l'employeur de nature à faire disparaître la confiance nécessaire à la poursuite de la relation contractuelle. Le conseil de prud'hommes a justement retenu que l'ensemble des griefs retenus était constitutif d'une faute grave et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de [K] [O] était fondé sur une faute grave et en ce qu'il a débouté le demandeur de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de rappel de salaire sur mis à pied et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation du principe d'égalité de traitement.

LE REFORME pour le surplus.

Statuant à nouveau,

DEBOUTE [K] [O] de sa demande de rappel de salaires sur repositonnement.

Le DEBOUTE de sa demande de rappel d'heures supplémentaires.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE [K] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/05577
Date de la décision : 11/05/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/05577 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-11;10.05577 ?
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