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07/10/2015 | FRANCE | N°13/09778

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 07 octobre 2015, 13/09778


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/09778





[L]

C/

LES MUTUELLES DE FRANCE RESEAU SANTE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 10 Décembre 2013

RG : F 12/00154



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2015









APPELANTE :



[S] [L]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 4]



[Adresse 7]

[Adresse 1]



non comparante, représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau de l'AIN





INTIMÉE :



LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Adresse 3]



représentée par Me Stéphane BOURQUELOT de la SE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/09778

[L]

C/

LES MUTUELLES DE FRANCE RESEAU SANTE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 10 Décembre 2013

RG : F 12/00154

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2015

APPELANTE :

[S] [L]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Adresse 7]

[Adresse 1]

non comparante, représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau de l'AIN

INTIMÉE :

LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

représentée par Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CAPSTAN RHONE- ALPES, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 11 février 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 SEPTEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christophe BOUCHET, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 16 septembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 4 septembre 2000 avec prise d'effet au 1er décembre 2000, [S] [L] a été embauchée par l'Union Départementale des Mutuelles de France (l'U.D.M.F.) en qualité de chirurgien-dentiste à temps partiel d'une durée hebdomadaire de 20 heures réparties sur 2,5 par semaine au sein du [Adresse 6], et au besoin dans les autres centres gérés par l'U.D.M.F. 01, moyennant une rémunération calculée en pourcentage de l'activité facturée sur les bases suivantes :

- activité soins : 25%,

- activité prothèses : 22%,

- activité prothèses hors nomenclature : 20%.

Par avenant du 28 décembre 2001, les pourcentages de rémunération ont été modifiés comme suit :

- activité soins : 27%,

- activité prothèses : 22%,

- activité prothèses hors nomenclature : 22%.

Le 1er janvier 2006, l'Union Départementale des Mutuelles de l'Ain a été reprise par la société mutualiste LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU SANTÉ dans le cadre d'une fusion absorption prévoyant le transfert des contrats de travail en l'état.

Selon avenants des 31 mars 2004 et 28 décembre 2009, la durée hebdomadaire de travail de [S] [L] a été portée à 24 heures pour être réduite à 10 heures à compter du 22 février 2010.

Au mois de janvier 2011, [S] [L] a été élue déléguée du personnel.

Par courrier en date du 1er février 2011 adressé à la Direction des Ressources Humaines de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU, [S] [L] a fait état de différences qu'elle avait constatées dans la rédaction des contrats de travail des chirurgiens-dentistes exerçant au sein du [Adresse 6], et en sollicitait les motifs.

En l'absence de réponse, [S] [L] a réitéré sa demande par courrier électronique du 14 février 2011 donnant lieu à un courrier électronique du 16 février 2011 indiquant qu'il serait répondu à cette question 'en DP'.

[S] [L] a renouvelé sa demande par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 février 2011.

Suivant convocation en date du 23 février 2011, les délégués du personnel de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU ont été conviés à participer à une réunion des délégués du personnel fixé au 25 février 2011.

Par courrier électronique du 12 juillet 2011, [S] [L] a informé son employeur qu'elle n'était pas en mesure de se rendre aux réunions des délégués du personnel en l'état de convocations reçues tardivement et qu'elle avait saisi son avocat faute d'éléments de réponse sur les contrats des autres chirurgiens-dentistes.

Par courrier électronique du 21 juillet 2012, la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU rappelait les règles de convocation des réunions des délégués du personnel et indiquait à [S] [L] qu'il avait été répondu à son interrogation à l'occasion d'une réunion des délégués du personnel qui s'était tenue au mois de février et dont le compte-rendu lui avait été transmis, aucune demande complémentaire n'ayant par la suite été présentée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 août 2011 adressée à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU, [S] [L] a pris acte de l'absence de réponse de son employeur sur les disparités salariales. En outre, elle a demandé à être informée de la date des réunions de délégués du personnel dans un délai raisonnable et a souhaité connaître le motif du refus de la formation prévue le 16 juin 2011 qu'elle avait sollicitée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 septembre 2011, la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU a informé [S] [L] que toutes les interrogations soulevées avaient précédemment reçu une réponse, la question de la formation refusée étant en cours de règlement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception 29 septembre 2011, [S] [L] a notifié à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU sa 'décision de démissionner' avec un préavis effectué jusqu'au 31 décembre 2011 en expliquant à son employeur que cette décision était 'la conséquence de la violation réitérée de vos obligations à mon égard, m'interdisant de pouvoir continuer à travailler sereinement et dans les conditions permettant d'assurer mes fonctions dans les règles de l'art'. [S] [L] poursuivait en indiquant qu'elle avait été victime d'une discrimination salariale, qu'elle n'avait participé à aucune réunion des délégués du personnel faute de convocation en temps utile pour exercer son activité à temps partiel dans le [Adresse 6], qu'une formation lui avait été injustement refusée et que ses conditions de travail avaient été volontairement dégradées.

Après un échange de courrier avec la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU, [S] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE le 26 avril 2012, aux fins :

- de voir juger que sa démission devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- d'obtenir en conséquence la condamnation de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à lui payer les sommes suivantes :

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 65 204.35 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

* 3 922.86 euros au titre de l'indemnité de licenciement ,

* 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011,

* 681.59 au titre des congés payés afférents,

* 13 802.17 euros au titre du rappel de salaires,

* 1 380.21 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de voir ordonner la rectification de ses bulletins de paie de juin 2007 à décembre 2011,

le tout assorti de l'exécution provisoire.

Par jugement rendu le 10 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE, section encadrement, a :

- dit qu'il n'y a pas lieu à requalifier la démission de [S] [L],

- condamné la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à payer à [S] [L] les sommes suivantes :

* 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011,

* 681.59 au titre des congés payés afférents,

* 13 802.17 euros au titre du rappel de salaires,

* 1 380.21 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté [S] [L] du surplus de ses demandes.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 17 décembre 2013 par [S] [L].

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 3 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [S] [L] demande à la cour à titre principal et avant-dire-droit d'ordonner à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU de communiquer sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir :

- les contrats de travail et bulletins de salaire des chirurgiens-dentistes exerçant de 2000 à 2013 au sein des établissements de la Mutuelle outre les registres du personnel de l'établissement de [Adresse 6],

- les documents relatifs aux délégué du personnel (copie du registre des réunions de 2010 à 2013 et procès-verbal des élections en 2011),

- le traité de fusion entre la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU et l'U.D.M.F,

- la facture de l'achat du fauteuil postérieur au départ de [S] [L].

A titre subsidiaire, [S] [L] demande à la cour:

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE en ce qu'il a jugé qu'elle avait été victime d'une inégalité de traitement en matière de salaires et qu'il lui a alloué la somme de 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011 outre celle de 681.59 euros au titre des congés payés afférents,

- de réformer le jugement pour le surplus et :

- sur le rappel de salaires : de condamner la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à lui payer à titre principal en référence à la rémunération du docteur [F] la somme de 32 005.97 euros outre celle de 3 200.59 euros au titre des congés payés afférents, à titre subsidiaire en référence à la rémunération du docteur [Y] la somme de 13 802.17 euros outre celle de 1 380.21 euros au titre des congés payés afférents,

- sur la rupture du contrat de travail : de dire que la démission de [S] [L] est imputable aux manquements de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU et doit produire les effets d'un licenciement nul s'agissant d'un salarié protégé, et condamner en conséquence la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à lui payer les sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour licenciement nul : 30 000 euros,

* indemnité de licenciement : 3 845.71 euros en référence à la rémunération du docteur [F] à titre principal et 2 375.57 euros en référence à la rémunération du docteur [Y] à titre subsidiaire,

* dommages et intérêts pour violation du statut protecteur : 73 418.13 euros en référence à la rémunération du docteur [F] à titre principal et 69 915.72 euros en référence à la rémunération du docteur [Y] à titre subsidiaire,

- de condamner la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU sera tenue d'établir des bulletins de paie de juin 2007 à décembre 2011 visant à régulariser la situation de [S] [L] et une attestation POLE EMPLOI conforme.

[S] [L] soutient qu'elle est victime d'une inégalité de traitement avec les salariés de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU et qu'elle justifie d'une discrimination par rapport aux rémunérations perçues par les docteurs [F] et [Y] sous forme de pourcentage appliqué aux actes facturés.

[S] [L] ajoute que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU a manqué à son égard à ses obligations d'employeur par le non-respect de son obligation d'égalité de traitement entre les salariés, par l'entrave aux fonctions de délégué du personnel, par le refus injustifié à une formation et par la dégradation des conditions de travail.

Suivant écritures régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 3 septembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU conclut à la réformation du jugement entrepris et au rejet de l'ensemble des demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail en soutenant que l'inégalité de traitement invoquée n'est pas établie faute de conditions contractuelles d'embauche et d'engagement professionnel identiques.

La société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU fait en outre valoir que la prise d'acte de [S] [L] produit les effets d'une démission, les faits invoqués n'étant pas justifiés.

A titre reconventionnel, la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU sollicite le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Attendu qu'à l'occasion du présent litige, [S] [L] agit en réparation de la violation de la règle d'égalité de rémunération des chirurgiens-dentistes au sein de l'établissement de BOURG-EN-BRESSE et de divers autres manquements qu'elle impute à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU, et sollicite avant-dire-droit la communication de divers documents.

- sur la demande de communication de pièces

Attendu que s'agissant des contrats de travail et des bulletins de salaire des chirurgiens-dentistes exerçant de 2000 à 2013 au sein des établissements de la Mutuelle et des registres du personnel de l'établissement de BOURG-EN-BRESSE, la cour considère, au vu des pièces produites notamment par [S] [L] à l'appui de ses demandes, qu'elle dispose d'éléments suffisants pour statuer, étant précisé que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU a régulièrement communiqué les contrats de travail dont elle fait état pour contester les demandes de [S] [L].

Et attendu qu'en ce qui concerne les autres documents dont la communication est sollicitée (copie du registre des réunions des délégués du personnel de 2010 à 2013 et procès-verbal des élections en 2011 ; traité de fusion entre la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU et l'U.D.M.F ; facture de l'achat du fauteuil postérieur au départ de [S] [L]), la cour estime que ces pièces ne présentent pas un lien suffisant avec la solution du litige.

Attendu qu'il s'ensuit que les demandes de communication de pièces présentées par [S] [L] seront intégralement rejetées.

- sur les rappels de salaires et de primes d'ancienneté

Attendu qu'il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal' dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Attendu que sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Attendu qu'aux termes de l'article L.3123-11 du code du travail, le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet.

Attendu que l'article L.1224-1 du code du travail dispose que 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'.

Attendu qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

Attendu qu'en l'espèce, [S] [L] a exercé son activité au sein de l'établissement de BOURG-EN-BRESSE du 1er décembre 2000 au 1er décembre 2011 sur la base d'une rémunération calculée en pourcentage de l'activité facturée comme suit à compter du 28 décembre 2001 :

- activité soins : 27%,

- activité prothèses : 22%,

- activité prothèses hors nomenclature : 22%.

Attendu que [S] [L] sollicite un rappel de salaires pour les activités soins et prothèses portant sur la période comprise entre le mois de juillet 2007 et le mois de décembre 2011 en invoquant une inégalité de traitement avec le docteur [F] à titre principal et avec le docteur [Y] à titre subsidiaire, dont elle souhaite obtenir le pourcentage pour le calcul de sa rémunération.

Attendu qu'il est constant que les docteurs [F] et [Y] ont exercé tous les deux la profession de chirurgien-dentiste au sein de l'établissement de BOURG-EN-BRESSE alors que [S] [L] était elle-même salariée.

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail du docteur [F] signé avec la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU le 3 février 2006 fixe la rémunération de ce praticien comme suit :

- activité soins : 26%,

- activité prothèses : 26%;

que ces taux ont chacun été portés à 29% ainsi que cela résulte des fiches de paie du docteur [F] pour les mois de décembre 2010, janvier 2011 et février 2011 ;

que la rémunération du docteur [Y] s'établit au vu de son contrat de travail signé avec l'U.D.M.F. le 7 janvier 1991 et de ses fiches de paie ainsi :

- activité soins : 28%,

- activité prothèses : 25%,

- activité prothèses hors nomenclature : 25%.

Attendu qu'il n'est donc pas contestable que les bases de rémunérations des docteurs [F] et [Y] sont supérieures à celles de [S] [L] alors que ceux-ci exercent un même travail.

Mais attendu que s'agissant du docteur [F], il convient de relever à la lecture de son contrat de travail que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU a embauché ce praticien moyennant une rémunération calculée en pourcentage de l'activité réalisée 'après déduction du montant des achats de la prothèse effectués auprès des laboratoires agréés par l'employeur';

que cette déduction pour le calcul de la rémunération de [S] [L] n'a pas été prévue par l'U.D.M.F. au moment de son embauche ;

qu'il s'ensuit que les différences de calcul des rémunérations sont justifiées par des éléments objectifs tenant à l'assiette de calcul de la rémunération du praticien.

Attendu que la cour déboutera donc [S] [L] de sa demande au titre des rappels de salaire et des congés payés afférents en référence à la rémunération du docteur [F].

Attendu qu'en ce qui concerne la rémunération du docteur [Y], [S] [L] justifie que ce praticien a été embauché à compter du 7 janvier 1991 moyennant une base de rémunération supérieure à la sienne pour exercer une activité de chirurgien-dentiste exclusivement au [Adresse 6] initialement à temps plein (article 5 du contrat de travail) puis à temps partiel (fiches de paie des mois de septembre et octobre 2010 et du mois de septembre 2011) ;

qu'aucune stipulation de ce contrat de travail ne prévoit que le docteur [Y] a pris un engagement spécifique ni même qu'il a accepté une mission particulière pour la prise en charge du cabinet dentaire d'OYONNAX comme l'allègue la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU ;

qu'en outre, la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU ne justifie aucunement que la fixation des taux de rémunération résulterait de la négociation avec le praticien au moment de son embauche ; qu'il est au contraire établi par un message électronique émanant d'un responsable de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU dans le cadre d'une discussion portant sur la signature d'un contrat de travail d'un praticien et versé aux débats que cet employeur refuse la négociation individuelle des pourcentages appliqués.

Attendu qu'il s'ensuit que [S] [L] et le docteur [Y] n'ont pas bénéficié des mêmes calculs pour leurs rémunérations alors qu'ils ont exercé la même activité professionnelle au sens des principes précités ; que ces différences de rémunération, que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU était tenue de corriger en vertu des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail précitées en sa qualité d'employeur résultant de la fusion absorption intervenue en 2006, ne sont justifiées par aucun élément objectif ; que [S] [L] est donc fondée au vu du décompte produit en sa demande de rappel de salaire à hauteur de 13 802.17 euros, outre celle de 1 380.21 euros au titre des congés payés afférents.

Attendu en outre que [S] [L] justifie qu'elle n'a pas perçu la prime d'ancienneté versée au docteur [Y] suivant les stipulations du contrat de travail signé par ce dernier le 7 janvier 1991 ; que la circonstance que le docteur [Y] a précédemment été employé par l'U.D.M.F. au [Adresse 6] du 5 novembre 1984 au 16 juin 1989 puis au centre dentaire d'OYONNAX à compter du 1er septembre 1984 ne saurait justifier cette différence ; que [S] [L] est donc fondée, au vu du décompte produit, en sa demande en paiement de la somme de 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011 outre celle de 681.59 au titre des congés payés afférents.

Attendu qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à payer à [S] [L] la somme de 13 802.17 euros au titre du rappel de salaire et celle de 1 380.21 euros au titre des congés payés afférents, et la somme de 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011 outre celle de 681.59 au titre des congés payés afférents.

Attendu qu'il y a lieu de condamner la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à remettre à [S] [L] des bulletins de salaire et une attestation destinée à Pôle emploi conformes.

- sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Attendu que des manquements anciens de l'employeur n'empêchent pas la poursuite du contrat de travail (Cassation Sociale, 26 mars 2014, n°12-23634).

Attendu que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission (Cassation Sociale 05.07.2006 Bull. N°°237 - Dr. Soc. 2006-1069).

Attendu qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Attendu qu'en l'espèce, [S] [L] sollicite diverses indemnités en soutenant que sa démission est imputable aux manquements de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU et doit produire les effets d'un licenciement nul.

Attendu qu'en réalité, la démission de [S] [L] telle que donnée par courrier du 29 septembre 2011 correspond à une rupture du contrat de travail par la salariée qui s'analyse en une prise d'acte dont il appartient à la cour de dire si elle produit les effets d'une démission ou d'un licenciement nul s'agissant d'une salariée élue aux fonctions de délégué du personnel.

Attendu qu'à l'appui de ses demandes indemnitaires, [S] [L] invoque pour justifier la rupture à l'encontre de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU divers griefs qu'il convient d'examiner successivement :

1. sur l'inégalité de traitement

Attendu que [S] [L] fait grief à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU de ne pas avoir répondu à ses interrogations en matière de différence de traitement entre les chirurgiens-dentistes exerçant en son sein et de ne pas avoir de ce fait exécuté loyalement le contrat de travail.

Mais attendu qu'il convient de relever que [S] [L] s'est prévalue de ce manquement en premier lieu dans un courrier adressé à son employeur le 1er février 2011 et que sa prise d'acte est intervenue par courrier en date du 29 septembre 2011 ; que pendant cette période, [S] [L] a poursuivi normalement son activité professionnelle en se limitant à réitérer par plusieurs courriers sa demande d'explications quant aux différences de rémunérations qu'elle a relevées.

Attendu que le délai ainsi écoulé fait obstacle à l'existence d'un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail qui conditionne la prise d'acte ; que le moyen n'est donc pas fondé.

2. sur l'entrave aux fonctions de délégué du personnel

Attendu que [S] [L] invoque un défaut de convocation en temps utile aux réunions des délégués du personnel outre une absence d'informations sur le fonctionnement des réunions des délégués du personnel, ces faits relevant selon l'appelante d'une entrave aux fonctions de représentant du personnel.

Mais attendu que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU verse aux débats la convocation des délégués du personnel pour une réunion d'information sur le fonctionnement de l'instance des délégués du personnel fixée au 3 février 2011 qu'elle a envoyée sur la messagerie électronique de [S] [L] le 28 janvier 2011.

Attendu que [S] [L] a donc été mise en mesure de bénéficier des informations nécessaires à l'exercice de son mandat et n'a subi aucune entrave du fait de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU ; que la circonstance qu'elle n'a pas pu assister à ladite réunion du 3 février 2011, pour travailler au [Établissement 1] ce jour-là, ne saurait établir une faute imputable à l'employeur qui n'est pas tenu de s'adapter au planning de [S] [L], laquelle a fait le choix de se faire élire aux fonctions de délégué du personnel avec toutes les contraintes que ce mandat représente alors qu'elle exerce son activité au sein d'autres structures ;

que dès lors, les convocations adressées à [S] [L], sur la messagerie dont elle dispose au centre de BOURG-EN-BRESSE, pour les réunions des délégués du personnel en application des règles rappelées ci-dessus n'ont pas été tardives ; que l'absence de [S] [L] à chacune des réunions des délégués du personnel prévues durant son mandat n'est donc pas le fait de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU ; qu'il appartenait à [S] [L] de prendre ses dispositions pour se rendre disponible au moins à l'une de ces réunions.

Attendu qu'au surplus, il n'est pas inintéressant de relever que [S] [L], élue depuis le mois de janvier 2011, a fait état de ses doléances sur l'exercice de son mandat de délégué du personnel pour la première fois par message électronique du 12 juillet 2011, auquel il lui a été répondu le 21 juillet 2011 par un message rappelant les règles de convocation aux réunions des délégués du personnel (pour l'examen des points mis à l'ordre du jour dans le cahier prévu à cet effet avec un délai fixé à deux jours) et informant [S] [L] qu'elle allait être destinataire du calendrier établi jusqu'au mois de décembre 2011 ; que [S] [L] a cru bon de renouveler ses critiques par courrier du 16 août 2011 malgré ces éléments portés à sa connaissance.

Attendu que le moyen n'est donc pas fondé.

3. sur le refus de formation

Attendu que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU a rejeté la demande de [S] [L] tendant à suivre une action de formation professionnelle.

Attendu que [S] [L] soutient que ce refus constitue une discrimination en ce qu'il est justifié seulement par la circonstance qu'elle exerce son activité à temps partiel au sein du centre de BOURG-EN-BRESSE.

Mais attendu que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU verse aux débats la fiche individuelle de formation au nom de [S] [L] de laquelle il ressort qu'entre 2002 et 2010, l'intéressée a suivi 13 actions de formation dont 2 au cours de l'année 2009 et une dans l'année 2010.

Attendu que la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU n'a donc commis aucun manquement au sens des principes précités en refusant d'inscrire [S] [L] à une action de formation prévue le 16 juin 2011.

Attendu que le moyen n'est pas fondé.

4. sur la dégradation des conditions de travail

Attendu que [S] [L] invoque le mauvais état du matériel et notamment du fauteuil qu'elle a utilisé pour l'exercice de son activité au sein de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU.

Mais attendu qu'en versant aux débats des clichés photographiques qui ne permettent pas d'établir qu'ils correspondent au matériel litigieux, [S] [L] ne rapporte pas la preuve du manquement invoqué ; qu'au surplus, il n'est fait état d'aucun écrit émanant de [S] [L] pour dénoncer la dégradation des conditions de travail avant son courrier du 29 septembre 2011, jour de sa prise d'acte.

Attendu que [S] [L] est donc mal fondée en son moyen.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que [S] [L] ne justifie d'aucun manquement de la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU qui empêcherait la poursuite du contrat de travail ; qu'en conséquence, les faits imputés ne justifiant pas la rupture, la prise d'acte produit les effets d'une démission ; qu'il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté [S] [L] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

- sur l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que l'équité commande de condamner [S] [L] à payer à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU en cause d'appel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

REJETTE l'intégralité des demandes de communication de pièces présentées par [S] [L],

DEBOUTE [S] [L] de ses demandes au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents en référence à la rémunération du docteur [F],

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à payer à [S] [L] la somme de 13 802.17 euros au titre du rappel de salaire et celle de1 380.21 euros au titre des congés payés afférents en référence à la rémunération du docteur [Y],

- condamné la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à payer à [S] [L] la somme de 6 815.95 euros au titre du rappel de primes d'ancienneté de mai 2007 à décembre 2011 outre celle de 681.59 au titre des congés payés afférents,

- débouté [S] [L] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU à remettre à [S] [L] des bulletins de salaire et une attestation destinée à Pôle emploi conformes,

CONDAMNE [S] [L] à payer à la société LES MUTUELLES DE FRANCE RÉSEAU en cause d'appel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [S] [L] aux dépens d'appel.

La minute a été signée le 07 octobre 2015 par Michel SORNAY, Président, et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 16 septembre 2015.

Le Greffier, le President,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/09778
Date de la décision : 07/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/09778 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-07;13.09778 ?
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