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09/12/2008 | FRANCE | N°08DA01025

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 décembre 2008, 08DA01025


Vu, la requête, enregistrée le 4 juillet 2008 par télécopie et confirmée par courrier original le 10 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Sasa X, demeurant ..., par le Cabinet Taelman, Roques ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0803281, en date du 21 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2008 du préfet du Pas-de-Calais prononçant à son égard une m

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Vu, la requête, enregistrée le 4 juillet 2008 par télécopie et confirmée par courrier original le 10 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Sasa X, demeurant ..., par le Cabinet Taelman, Roques ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0803281, en date du 21 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2008 du préfet du Pas-de-Calais prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour désignant la Serbie comme pays de destination de cette mesure, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté de reconduite à la frontière ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, qui ne fait aucune mention de son entrée régulière sur le territoire français, ni de son mariage avec une ressortissante française, mais se borne à reproduire des formules stéréotypées, est insuffisamment motivé au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, modifiée ; que cette motivation lacunaire révèle que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen suffisant avant le prononcé de la mesure contestée ;

- que le premier juge a accueilli à tort la demande de substitution de base légale présentée par le préfet et a, dès lors, écarté à tort les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit ;

- que, marié depuis plus d'un an avec une ressortissante française avec laquelle il vivait en France depuis plus de six mois, il était en situation, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris et alors même qu'il n'a pas formé de demande de titre de séjour, de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors qu'il justifie vivre avec son épouse depuis plus de six mois, il était, en outre, en situation de bénéficier des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant des conditions de délivrance du visa de long séjour requis ;

- qu'alors qu'il vit en France depuis 2001 et est marié depuis un an et demi avec une ressortissante française, il établit être suivi régulièrement avec son épouse dans le cadre d'une procédure de procréation médicalement assistée depuis décembre 2007, ce qui suppose une présence des deux époux tous les mois ; que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la communauté de vie est suffisamment établie par ces circonstances particulières et par les pièces produites ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît ainsi tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'avère, en outre, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 15 juillet 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 29 août 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2008, présenté par le préfet du

Pas-de-Calais ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- que l'arrêté attaqué s'avère suffisamment motivé, tant en droit qu'en fait, au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979, alors même qu'il ne fait pas mention de l'entrée régulière de M. X, laquelle n'avait pas alors été portée à la connaissance de l'administration, ni de la situation matrimoniale de l'intéressé ;

- que le premier juge a procédé à bon droit à la substitution de base légale demandée et écarté à juste titre, par voie de conséquence, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit ;

- que l'intéressé n'était pas, contrairement à ce qu'il soutient, dans la situation prévue au 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant de prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, dès lors que cette délivrance est subordonnée à la production d'un visa de long séjour et qu'il est constant que l'intéressé en est démuni ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait fait des démarches en France en vue notamment de l'obtention de ce visa ; qu'il est surprenant que M. X soit revenu en France sous couvert d'un visa de court séjour alors qu'il était informé de la nécessité de fournir un visa d'une durée supérieure à trois mois pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

- que M. X n'est pas en situation de se prévaloir de ses conditions d'existence, ni de son insertion dans la société française ; qu'il a été interpellé en possession de faux documents d'identité et que son rapport dactyloscopique a révélé qu'il était connu des services de police pour avoir commis précédemment deux délits sous des fausses identités ; que, dans ces conditions, nonobstant les circonstances que l'intéressé est marié depuis 2006 avec une ressortissante française avec laquelle il a entrepris des démarches en vue de mettre en oeuvre un processus de procréation médicalement assistée, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni qu'elle ait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 août 2008 par télécopie et confirmé le

28 août 2008 par la production de l'original, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; M. X soutient, en outre, que, contrairement à ce que prétend le préfet, l'exposant a effectué des démarches auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis dans le but d'obtenir la régularisation de sa situation, lesquelles démarches ont d'ailleurs abouti à la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance d'un titre ;

Vu l'ordonnance en date du 28 août 2008 par laquelle le président de la Cour décide la réouverture de l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2008, présentée par le préfet du

Pas-de-Calais ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêté attaqué en date du 14 mai 2008, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant serbe, et, par une décision distincte du même jour, a décidé que l'intéressé devait être reconduit vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait admissible, en se fondant sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que si M. X n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité à la date de son entrée sur le territoire national, il est cependant apparu en cours d'instruction devant le tribunal administratif que l'intéressé était entré en France muni d'un visa de court séjour ; que, dans ces conditions, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Lille a estimé que les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvaient légalement fonder l'arrêté attaqué mais a, toutefois, fait droit, pour rejeter, par son jugement du 21 mai 2008, la demande de M. X tendant à l'annulation de cet arrêté, à la demande de substitution de base légale présentée par le préfet du Pas-de-Calais en jugeant que cet arrêté pouvait légalement être fondé sur les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du même code, qui visent le cas de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; que M. X forme appel de ce jugement ; que la circonstance que l'intéressé s'est vu délivrer par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 21 août 2008, à la suite des démarches qu'il a entreprises en vue de voir régulariser sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour, dont la validité expire le 16 janvier 2009, ne rend pas sans objet sa requête ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est né le 31 juillet 1977, a épousé le 16 décembre 2006 une ressortissante française née en 1971, avec laquelle il indique vouloir fonder une famille et avoir engagé dans ce but des démarches en vue d'obtenir la mise en place d'un processus de procréation médicalement assistée ; qu'il verse au dossier pour justifier de la réalité de cette situation plusieurs pièces médicales qui confirment que son épouse et lui-même ont effectivement formulé le 19 février 2008, à la suite d'une première consultation le 28 janvier 2008 au sein du service de médecine de la reproduction de l'hôpital Tenon à Paris, une demande d'assistance médicale à la procréation et que la mise en oeuvre d'une fécondation in vitro a alors été prévue ; que M. X fait valoir, sans être contredit sur ce point par le préfet, que son épouse et lui-même sont astreints, dans le cadre du protocole ainsi mis en place, à des visites médicales mensuelles ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors qu'un éloignement de M. X compromettrait gravement les chances de succès de cette procédure de procréation médicalement assistée et eu égard à l'âge des époux, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué doit être regardé comme entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du

Pas-de-Calais en date du 14 mai 2008 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et de la décision du même jour désignant la Serbie comme pays de destination de cette mesure ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (...) » ;

Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet des Yvelines à l'égard de M. X, au motif que cet arrêté est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé, n'implique pas, par elle-même, qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » lui soit délivrée ; qu'elle implique nécessairement, en revanche, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire au réexamen de sa situation en coordination avec le préfet de la Seine-Saint-Denis soit délivrée par le préfet du Pas-de-Calais à M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction ainsi prescrite ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par

M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0803281 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 21 mai 2008 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 14 mai 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.

Article 3 : Il est prescrit au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. X, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire au réexamen de sa situation.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. X est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Sasa X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

N°08DA01025 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA01025
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET TAELMAN ROQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-09;08da01025 ?
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