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18/06/2007 | FRANCE | N°279194

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 18 juin 2007, 279194


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Olivier G, demeurant ... ; M. G demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 31 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit aux appels interjetés par plusieurs pharmaciens titulaires d'officines, a, d'une part, annulé le jugement du 16 avril 2002 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté leur demande d'annulation d'une décision prise le 12 octobre 2001 par le ministre de la santé p

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Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Olivier G, demeurant ... ; M. G demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 31 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit aux appels interjetés par plusieurs pharmaciens titulaires d'officines, a, d'une part, annulé le jugement du 16 avril 2002 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté leur demande d'annulation d'une décision prise le 12 octobre 2001 par le ministre de la santé publique pour autoriser M. G à transférer son officine du centre de Mulhouse dans un autre quartier, d'autre part, prononcé l'annulation de cette décision et, enfin, annulé une autre décision ministérielle également du 12 octobre 2001 annulant, à la demande de M. G, une autorisation de transfert d'officine accordée le 30 mai 2001 par le préfet du Haut-Rhin à un concurrent, la Selarl Pharma 6 ;

2°) statuant au fond, de rejeter les appels dont la cour avait été saisie ;

3°) de mettre à la charge de la Selarl Pharma 6, de MM. Jean ;Baptiste A, Norbert B, Claude C, Francis D, François F et de Mme Marie ;Odile H, solidairement et conjointement le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. G, de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la Selarl Pharm 6 et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A et autres,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 14 mai 2001, le préfet du Haut ;Rhin a rejeté la demande de M. G tendant à être autorisé à transférer sa pharmacie du centre de Mulhouse vers le quartier des Côteaux puis, par arrêté du 30 mai 2001, a fait droit à celle de la Selarl Pharma 6 tendant au transfert de son officine à l'intérieur de ce même quartier ; que toutefois le ministre de la santé publique, saisi d'un recours hiérarchique de M. G contre ces deux décisions, a, par deux arrêtés en date du 12 octobre 2001, annulé les arrêtés du préfet, accordé à M. G l'autorisation qu'il sollicitait et rejeté la demande de la Selarl Pharma 6 ; que, par jugement en date du 16 avril 2002, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les quatre recours pour excès de pouvoir formés par la société Pharma 6, M. A et autres, le conseil régional d'Alsace de l'ordre national des pharmaciens et le syndicat des pharmaciens du Haut ;Rhin contre la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 12 octobre 2001 accordant l'autorisation de transfert à M. G ainsi que le recours pour excès de pouvoir formé par la Selarl Pharma 6 contre le refus qui lui a été opposé ; que, saisie de deux requêtes d'appel introduites l'une par M. A et autres, l'autre par la Selarl Pharma 6, la cour a fait droit à l'appel formé par M. A et autres et annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 avril 2002 en tant qu'il avait rejeté leur recours pour excès de pouvoir formé contre la décision du ministre autorisant M. G à procéder au transfert sollicité et évoqué, dans cette mesure, ces conclusions ; que la cour s'est fondée pour ce faire sur la circonstance que le tribunal avait insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas à un moyen ;

Considérant toutefois qu'il ressort des énonciations de ce jugement que le tribunal a expressément écarté ce moyen au motif que, M. G bénéficiant du droit d'antériorité, il était inopérant ; que si, ce faisant, le tribunal a - ainsi qu'il sera dit ci-après - fait une inexacte application des règles relatives au droit d'antériorité, cette erreur justifiait uniquement la censure de ce motif de son jugement et l'examen par la cour, statuant comme juge d'appel dans le cadre de l'effet dévolutif, des autres moyens soulevés en première instance, mais non l'annulation partielle du jugement pour irrégularité puis l'examen des conclusions de première instance de M. A et autres par voie d'évocation ; qu'ainsi, la cour s'est méprise sur la portée de l'erreur commise par le tribunal et a, ce faisant, méconnu l'office du juge d'appel en tant qu'elle a statué sur les conclusions de M. A et autres ; qu'eu égard, d'une part, au caractère indissociable de l'ensemble des conclusions et moyens dont la cour était saisie contre cette décision et, d'autre part, de la nécessaire prise en compte du sort réservé à ces conclusions dans l'examen des conclusions et moyens dirigés contre le refus opposé par le ministre à la demande présentée par la Selarl Pharma 6, son arrêt doit, pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5125 ;3 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige : « Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines » ; qu'aux termes de l'article L. 5125 ;4 du même code : « Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département selon les critères prévus aux articles L. 5125 ;11, L. 5125 ;13, L. 5125 ;14 et L. 5125 ;15 (…) » ; qu'aux termes de l'article L.5125-14 du même code : « A l'exception des cas de force majeure constatés par le représentant de l'Etat dans le département (…), peuvent obtenir un transfert : / - les officines situées dans une commune d'au moins 30 000 habitants où le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou inférieur à 3 000 ; (…). ce transfert peut être effectué (…) au sein de la même commune ; (…)/ Par dérogation, le transfert d'une officine implantée dans une zone franche urbaine, une zone urbaine sensible ou une zone de redynamisation urbaine mentionnées dans la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ne peut être accordé lorsqu'il aurait pour effet de compromettre l'approvisionnement normal en médicaments de la population de ladite zone » ; que le quota de population pour le transfert d'une officine est toutefois fixé par l'article L. 5125 ;13 du même code à 3 500 habitants dans le département de la Guyane, ainsi que dans ceux de la Moselle, du Bas ;Rhin et du Haut ;Rhin ; qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 5125 ;5 de ce code : « Toute demande ayant fait l'objet du dépôt d'un dossier complet bénéficie d'un droit d'antériorité par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, dans des conditions fixées par le décret mentionné à l'article L. 5125 ;32 » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le droit d'antériorité énoncé au dernier alinéa de l'article L. 5125 ;5 conduit, en présence de demandes concurrentes de transfert au sein de la même commune, à examiner en premier celle qui bénéficie de ce droit ; que ce transfert ne peut cependant être autorisé que si, non seulement, le nombre d'habitants de la commune par pharmacie existante dans cette commune est inférieur ou égal à 3 000, seuil porté à 3 500 habitants dans le Haut-Rhin, mais aussi si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil et en outre si, lorsque l'officine était implantée dans une zone franche urbaine, ce transfert ne compromet pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population de cette zone ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les deux implantations envisagées respectivement par M. G et par la société Pharma 6, distantes de moins de 500 m et situées à moins de dix ;neuf numéros dans la même rue sans que la configuration des lieux puisse conduire à estimer qu'il s'agirait de deux quartiers différents, sont concurrentes ; qu'il n'est pas contesté que M. G avait présenté en premier sa demande ; qu'ainsi et nonobstant la circonstance que le transfert sollicité par la société Pharma 6 se faisait à l'intérieur du même quartier, c'est à bon droit que le ministre a décidé que la demande de M. G devait être examinée en premier ; que toutefois, contrairement à ce que les motifs de la décision ministérielle font apparaître, cette seule circonstance ne suffisait pas, en l'absence de l'examen, prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 5125 ;3 du code de la santé publique, de la manière optimale de satisfaire les besoins de la population du quartier d'accueil, à accorder l'autorisation sollicitée ; que, par suite et faute pour le ministre d'avoir procédé à cet examen, sa décision en date du 12 octobre 2001 retirant la décision préfectorale en date du 14 mai 2001 qui avait refusé de délivrer à M. G l'autorisation de transfert qu'il sollicitait et accordant à ce dernier cette autorisation doit être annulée ;

Considérant, d'autre part, que si, ainsi qu'il a été dit, le projet de transfert de M. G bénéficiait de l'antériorité par rapport à celui de la société Pharma 6, cette circonstance ne pouvait suffire à justifier le rejet de la demande de cette société, dès lors qu'il appartenait au ministre, après avoir statué sur la demande de M. G et le cas échéant fait droit à celle ;ci, d'examiner si les conditions posées par les dispositions des articles L. 5125 ;14 et L. 5125 ;3 du code de la santé publique au transfert de la pharmacie exploitée par la société Pharma 6 pouvaient néanmoins être regardées comme réunies ; que, par suite, sa décision retirant l'autorisation préfectorale délivrée à la société Pharma 6 et rejetant la demande de transfert présentée par celle ;ci doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Pharma 6 ainsi que M. A et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. G tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Pharma 6 de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de cet article ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. A et autres, le conseil régional d'Alsace de l'ordre national des pharmaciens ainsi que le syndicat des pharmaciens du Haut ;Rhin ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 31 janvier 2005, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 avril 2002 et les décisions du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 12 octobre 2001 délivrant à M. G une autorisation de transfert et retirant l'autorisation délivrée le 30 mai 2001 à la société Pharma 6 par le préfet du Haut ;Rhin sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Pharma 6 la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G et les conclusions au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative présentées par le conseil régional d'Alsace de l'ordre national des pharmaciens, le syndicat des pharmaciens du Haut ;Rhin ainsi que M. A et autres sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Olivier G, à la société Pharma 6, au conseil régional d'Alsace de l'ordre national des pharmaciens, au syndicat des pharmaciens du Haut ;Rhin, à MM. Jean-Baptiste A, Norbert B, Claude C, Francis D, François F, à Mme Marie ;Odile H et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 279194
Date de la décision : 18/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2007, n° 279194
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:279194.20070618
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