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23/10/2009 | FRANCE | N°321553

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 23 octobre 2009, 321553


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2008 et 13 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mickaël A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 5 juin 2008 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de course camarguaise ;

2°) de mettre à la charge

de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros sur le f...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2008 et 13 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mickaël A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 5 juin 2008 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de course camarguaise ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale contre le dopage dans le sport ;

Vu le code du sport ;

Vu le décret n° 2007-41 du 11 janvier 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur,

- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. A et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant qu'un contrôle antidopage a été organisé le 15 juillet 2007 à l'issue d'une compétition de course camarguaise organisée à Beaucaire, dans le Gard ; que l'analyse effectuée a fait ressortir chez M. A, titulaire d'une licence de la fédération française de la course camarguaise, la présence d'un métabolite du tétrahydrocannabinol (principe actif du cannabis) ainsi que la présence d'un métabolite de la cocaïne ; que, par décision du 15 novembre 2007, la commission disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française de course camarguaise lui a infligé la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération ; que M. A a fait appel de cette décision le 24 novembre 2007 ; que l'Agence française de lutte contre le dopage, après transmission de son dossier par la fédération a, par décision du 5 juin 2008, confirmé la décision du 15 novembre 2007 de la commission de discipline antidopage de la Fédération française de course camarguaise ; que M. A demande l'annulation de la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-21 du code du sport relatif aux sanctions disciplinaires prises par les fédérations sportives : Les fédérations adoptent dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat et relatives aux contrôles organisés en application du présent titre, ainsi qu'aux procédures disciplinaires et aux sanctions applicables, dans le respect des droits de la défense. / Ce règlement dispose que l'organe disciplinaire de première instance de ces fédérations se prononce, après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée. Il prévoit également que, faute d'avoir statué dans ce délai, l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi de l'ensemble du dossier. Le dossier est alors transmis à l'instance disciplinaire d'appel qui rend, dans tous les cas, sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter de la même date. ; qu'aux termes de l'article L. 232-22 du même code : En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-10 et L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction disciplinaire dans les conditions suivantes : (...) 2° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans les délais prévus à l'article L. 232-21. Dans ce cas, elle est saisie d'office dès l'expiration de ces délais ; ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les délais fixés à l'article L. 232-21 précité sont ceux aux termes desquels l'agence est saisie d'office ; que ces mêmes dispositions n'interdisent pas à une fédération de saisir l'agence avant leur expiration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Fédération française de course camarguaise, s'estimant dans l'incapacité de constituer une commission d'appel dans un délai de quatre mois, a transmis à l'Agence française de lutte contre le dopage le dossier de M. A alors que les délais impartis par l'article L. 232-21 du code du sport à l'instance d'appel pour rendre sa décision n'étaient pas expirés, et qu'elle en a d'ailleurs simultanément avisé l'intéressé ; que les instances sportives étant régulièrement dessaisies, l'Agence française de lutte contre le dopage, qui n'a nullement dénaturé les faits en relevant qu'à la date de sa décision l'organe d'appel de la fédération n'avait pas statué dans les délais légaux, était, par suite, compétente pour statuer sur la sanction infligée à M. A par l'organe disciplinaire de première instance de la Fédération française de course camarguaise ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette convention, et notamment ceux reconnus par son article 6§1, ont été violés, a droit à un recours effectif devant une instance nationale ; que si la loi prévoit que les sanctions prononcées par l'organe disciplinaire de première instance d'une fédération peuvent faire l'objet d'un appel, elle prévoit aussi un délai de quatre mois au terme duquel la fédération est dessaisie au profit de l'agence pour éviter que les délais de jugement ne soient excessivement allongés ; qu'en outre, les décisions de l'Agence française de lutte contre le dopage peuvent être déférées au juge du plein contentieux ; que M. A, qui a d'ailleurs exercé cette voie de recours, n'est donc pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations des articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la régularité des conditions du contrôle et sur l'allégation de confusion des prélèvements :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-11 du code du sport : Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant dans le cadre des dispositions du code de procédure pénale, sont habilités à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les fédérations à l'agence pour les entraînements, manifestations et compétitions mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-5 du présent code et à rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues aux articles L. 232-9 et L. 232-10 les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréés par l'agence et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Ces agents et personnes sont tenus au secret professionnel, dans les conditions prévues à l'article 226-13 du code pénal. ; qu'aux termes de l'article R. 232-49 du même code : Chaque contrôle comprend : / 1° Un entretien avec le sportif, qui porte notamment sur la prise, l'administration ou l'utilisation de produits de santé définis à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, en particulier de médicaments, qu'ils aient fait ou non l'objet d'une prescription ; cet entretien ne peut être réalisé que si la personne chargée du contrôle est médecin ; / 2° Un examen médical auquel la personne chargée du contrôle procède si elle est médecin et si elle l'estime nécessaire ; (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que si l'entretien et l'examen médical ne peuvent être effectués que par un médecin, la présence d'un médecin lors du contrôle n'est pas imposée par la loi ; que dès lors, ni l'entretien ni l'examen médical ne sauraient être regardés comme des formalités substantielles, dont l'absence entacherait d'irrégularité la procédure de contrôle ; qu'il résulte au demeurant de l'instruction, et notamment du procès-verbal de contrôle, que M. A a bénéficié de l'entretien avec un médecin prévu par ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-46 du code du sport : La décision prescrivant un contrôle mentionné à l'article R. 232-45 est prise par le directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage et désigne, parmi les personnes agréées dans les conditions prévues à l'article R. 232-68 et dans le respect de la règle énoncée à l'article R. 232-53, celle qui est chargée du contrôle. ; qu'aux termes de l'article R. 232-54 du même code : La personne chargée du contrôle peut être assistée, dans les opérations énumérées aux articles R. 232-49 et R. 232-50, soit par une autre personne agréée, soit par une personne qui suit la formation préalable à la délivrance de l'agrément. ; qu'il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient le requérant, le recours à un second préleveur, médecin agréé, pour réaliser les contrôles ne constitue pas une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les opérations de contrôle ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 232-51 du code du sport : Les prélèvements et opérations de dépistage énumérés à l'article R. 232-50 se font sous la surveillance directe de la personne chargée du contrôle. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 232-52 du même code : La personne chargée du contrôle vérifie l'identité du sportif contrôlé, au besoin avec l'assistance du délégué fédéral mentionné à l'article R. 232-60. ; que si M. A produit des témoignages mentionnant la confusion dans laquelle se seraient réalisées les opérations de contrôle, il résulte de l'instruction, et en particulier des attestations produites par les médecins chargés du contrôle indiquant que chacun des sportifs contrôlés a effectué le prélèvement sous leur contrôle constant ainsi que des procès-verbaux signés par tous les raseteurs, sans qu'aucun d'entre eux ait souhaité y porter des observations sur le déroulement du contrôle, que les déficiences alléguées dans l'organisation du contrôle, à les supposer établies, n'ont en tout état de cause pu avoir pour conséquence des erreurs dans l'attribution à des prélèvements effectués sur M. A des échantillons dont l'analyse a fait apparaître deux catégories de substances prohibées ; que la circonstance que le premier rapport d'analyse du 11 septembre 2007 ait, à la suite d'une erreur de transcription, mentionné un dosage de métabolite de cannabis de 101 nanogrammes par millilitre, alors que les dosages ultérieurs effectués les 8 et 11 octobre 2007 ont abouti à une concentration inférieure, estimée respectivement à 65 nanogrammes et 80,7 nanogrammes par millilitre, mais très supérieure au seuil de détection fixé à 15 nanogrammes par millilitre, ne saurait, compte tenu des variations maximales admises par l'Agence mondiale antidopage, suffire à introduire un doute sur l'origine du flacon portant le numéro qui lui était attribué, et dont il a été mis à même de vérifier la correspondance avec celui porté sous son nom sur le procès-verbal de contrôle ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de prescrire l'expertise génétique demandée en réplique par M. A, le moyen tiré de ce que les dosages effectués ne porteraient pas sur le prélèvement émanant de lui ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de ce contrôle antidopage, l'analyse a fait ressortir dans les échantillons correspondant aux prélèvements effectués sur M. A la présence non seulement d'un métabolite du tétrahydrocannabinol, principe actif du cannabis, mais aussi de la benzoylecgonine, métabolite de la cocaïne ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, et notamment aux concentrations de substances interdites constatées lors du contrôle, la sanction prononcée par l'agence, dans le cadre du pouvoir de sanction que lui confèrent les dispositions de l'article L. 232-23 du code du sport, n'est pas entachée d'erreur de droit et n'est pas disproportionnée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 juin 2008 de l'Agence française de lutte contre le dopage ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mickaël A, à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la ministre de la santé et des sports.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 321553
Date de la décision : 23/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05-01-02 SPECTACLES, SPORTS ET JEUX. SPORTS. FÉDÉRATIONS SPORTIVES. EXERCICE DU POUVOIR DISCIPLINAIRE. - 1) POUVOIR DISCIPLINAIRE EXERCÉ EN CAS DE CONTRAVENTION AUX DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE ANTI-DOPAGE - A) DÉLAIS LAISSÉS AUX INSTANCES DISCIPLINAIRES DE PREMIÈRE INSTANCE ET D'APPEL POUR SE PRONONCER AVANT DESSAISISSEMENT D'OFFICE AU PROFIT DE L'AGENCE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE - DÉLAIS N'INTERDISANT PAS À UNE FÉDÉRATION DE SAISIR L'AGENCE VOLONTAIREMENT AVANT LEUR EXPIRATION [RJ1] - B) ARTICLES 6§1 ET 13 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES - CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - 2) DÉROULEMENT DES CONTRÔLES ANTI-DOPAGE (ART. R. 232-49 DU CODE DU SPORT) - A) PRÉSENCE D'UN MÉDECIN À TOUS LES STADES DU CONTRÔLE - OBLIGATION - ABSENCE - B) POSSIBILITÉ DE RECOURS À UN SECOND PRÉLEVEUR, MÉDECIN AGRÉÉ - EXISTENCE.

63-05-01-02 Répression disciplinaire des infractions à la réglementation anti-dopage. 1) a) S'il résulte des dispositions des articles L. 232-21 et L. 232-22 du code du sport que lorsque l'instance disciplinaire d'appel d'une fédération sportive n'a pas statué dans les délais impartis par l'article L. 232-21, l'Agence française de lutte contre le dopage est saisie d'office, ces dispositions n'interdisent pas à la fédération de saisir l'Agence avant leur expiration. Cette dernière est alors compétente pour statuer sur la décision en cause. b) Si la loi prévoit que les sanctions prononcées par l'organe disciplinaire de première instance d'une fédération peuvent faire l'objet d'un appel, elle prévoit aussi un délai de quatre mois au terme duquel la fédération est dessaisie au profit de l'Agence française de lutte contre le dopage pour éviter que les délais de jugement ne soient excessivement allongés. En outre, les décisions de l'Agence peuvent être déférées au juge du plein contentieux. Cette procédure ne méconnaît donc pas les stipulations des articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2) a) Il résulte des dispositions de l'article R. 232-49 du code du sport relatif au déroulement des contrôles anti-dopage que si l'entretien et l'examen médical qu'elles prévoient ne peuvent être effectués que par un médecin, la présence d'un médecin lors du contrôle n'est pas imposée par la loi. Dès lors, ni l'entretien ni l'examen médical ne sauraient être regardés comme des formalités substantielles, dont l'absence entacherait d'irrégularité la procédure de contrôle. b) Il résulte des dispositions des articles R. 232-46 et R. 232-54 du code du sport que le recours à un second préleveur, médecin agréé, pour réaliser les contrôles, ne constitue pas une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les opérations de contrôle.


Références :

[RJ1]

Cf. 13 octobre 2006, Ferriol, n° 291073, T. p. 1080.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2009, n° 321553
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:321553.20091023
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