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15/02/2006 | FRANCE | N°288801

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 15 février 2006, 288801


Vu, 1°), sous le n°288801, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 19 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION BAN ASBESTOS FRANCE, représentée par M. Patrick A domicilié à Algues, à Nant (12230) et pour l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, dont le siège est 22, rue des Rasselins, à Paris (75020) ; les associations requérantes demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur dema

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Vu, 1°), sous le n°288801, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 19 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION BAN ASBESTOS FRANCE, représentée par M. Patrick A domicilié à Algues, à Nant (12230) et pour l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, dont le siège est 22, rue des Rasselins, à Paris (75020) ; les associations requérantes demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'autorisation d'exportation de matériels de guerre délivrée le 29 novembre 2005 en vue de l'exportation de la coque de l'ex-porte-avions Clemenceau ;

2°) statuant en référé en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision contestée et d'enjoindre à l'État de rapatrier le porte-avions Clemenceau jusqu'à son port d'attache, en vue de son désamiantage conformément à la réglementation française ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°, sous le n°288811, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 17 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU, case 7119 à l'Université Denis-Diderot Paris VII, 2, Place Jussieu, à Paris (75251 cedex 05), représentée par son président en exercice M. Michel B, et pour l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE (ANDEVA), dont le siège est 22, rue des Vignerons, à Vincennes (94686 cedex), représentée par son président en exercice M. François C; les associations requérantes demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance du 30 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la suspension, en premier lieu, de la décision implicite de rejet opposée par le Premier ministre à la demande présentée le 1er septembre 2005 tendant à ce que la coque de l'ex porte-avions Clemenceau ne soit pas transférée en Inde pour son désamiantage final et à ce que ce désamiantage soit réalisé en France, en second lieu, de la décision, révélée par une déclaration du 22 décembre 2005 du porte-parole du ministre de la défense, de transférer le Clemenceau en Inde en vue de son désamiantage ;

2°) statuant en référé en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, d'accorder les mesures de suspension et d'injonction demandées en première instance et d'enjoindre en outre à l'État de rapatrier la coque de l'ex porte-avion Clemenceau sur le territoire national en vue d'y procéder à son désamiantage ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à chacune des associations de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 février 2006, présentée par le ministre de la défense ;

Vu la deuxième note en délibéré, enregistrée le 14 février 2006, présentée par le ministre de la défense ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 février 2006, présentée pour le COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE ;

Vu la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets ;

Vu la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux ;

Vu le règlement (CEE) n°259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne ;

Vu la décision 2000/532/CE de la Commission du 3 mai 2000 ;

Vu la décision du Conseil de l'OCDE, du 30 mars 1992, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation ;

Vu la loi n°90-1078 du 5 décembre 1990 autorisant l'approbation d'une convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (ensemble six annexes), ensemble le décret n°92-883 du 27 août 1992 portant publication de la convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (ensemble six annexes), faite à Bâle le 22 mars 1989 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n°96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation ;

Vu le décret n°2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'ASSOCIATION BAN ASBESTOS FRANCE et l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, de Me Balat, avocat du COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et de l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société Ship decommissionning industry corporation,

- les conclusions de M. Yann Aguila, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°288801 et n°288811 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense et la société Ship decommissionning industry corporation, tirées de ce que les décisions contestées ont été entièrement exécutées :

Considérant que la coque de l'ex-porte-avions Clemenceau a quitté le territoire national antérieurement à l'introduction de la requête par laquelle les associations BAN ASBESTOS FRANCE et GREENPEACE FRANCE demandent au Conseil d'État d'annuler l'ordonnance du 30 décembre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a refusé de suspendre l'autorisation d'exportation de matériel de guerre, accordée le 29 novembre 2005 en vue de son transfert vers l'Inde ; que, toutefois, cette autorisation continue de produire des effets postérieurement à la sortie de la coque des eaux territoriales françaises, dès lors notamment que sa date de validité est fixée à un an et qu'elle a été délivrée en vue de l'exécution du contrat aux fins de désamiantage et de démolition, passé le 23 juin 2004 entre l'État et la société Ship decommissionning industry corporation, qui doit s'achever en Inde et à l'issue de laquelle interviendra le transfert de propriété de la coque au bénéfice de la société co-contractante ; qu'il en va de même des décisions dont le COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE demandent la suspension, qui tendent au transfert de l'ex porte-avions en Inde en vue de son désamiantage résiduel et de sa démolition, dès lors que la coque n'est pas parvenue à destination et que ces opérations n'ont pas commencé ; que les fins de non-recevoir tirées de l'entière exécution des décisions contestées doivent ainsi être écartées ;

Sur la recevabilité de l'intervention présentée pour la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme au soutien de la requête n°288801 :

Considérant que l'autorisation contestée a été prise dans un domaine étranger à celui de l'objet social de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme ; que, par suite, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme est sans intérêt et, dès lors, sans qualité, pour intervenir dans l'instance ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation des ordonnances attaquées et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que le juge des référés a rejeté les demandes présentées par les associations requérantes au motif qu'aucun des moyens des requêtes n'était de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

Considérant que l'article 2 du règlement (CEE) n°259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, directement applicable depuis le 6 mai 1994, renvoie, pour la définition des déchets, aux substances ou objets définis à l'article 1er point a) de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, qui vise « toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire » ; que, d'une part, l'annexe I de la directive identifie notamment une catégorie « Q 13 Toute matière, substance ou produit dont l'utilisation est interdite par la loi » et que l'utilisation de toutes variétés de fibres d'amiante et de tout produit en contenant est interdite par l'article 1er du décret du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante ; que, d'autre part, le lancement d'un appel d'offre et la conclusion d'un contrat de cession aux fins de désamiantage et de démolition manifeste l'intention de l'État de se défaire de la coque de l'ex porte-avions Clemenceau ;

Considérant que le règlement interdit, d'une part, au point 1. de son article 14, toutes les exportations de déchets « destinés à être éliminés », sauf si elles sont effectuées vers les pays de l'Association européenne de libre échange qui sont également parties à la convention de Bâle, d'autre part, au point 1 de son article 16, les exportations des déchets qui figurent à son annexe V « destinés à être valorisés », à la seule exception, depuis le 1er janvier 1998 de celles qui sont effectuées vers les pays auxquels s'applique la décision du Conseil de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du 30 mars 1992, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets destinés à des opérations de valorisation ; que figure en partie 1 A de l'annexe V au règlement une catégorie « A 2050 Déchets d'amiante » et en partie 2 de la même annexe une rubrique « 1706 matériaux d'isolation et matériaux de construction contenant de l'amiante/ 17 06 01* matériaux d'isolation contenant de l'amiante (...)/ 17 06 05* matériaux de construction contenant de l'amiante » ;

Considérant que l'Inde n'est partie ni à l'Association européenne de libre échange, ni à l'OCDE ; qu'il en résulte qu'en jugeant qu'aucun des moyens soulevés n'était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions dont la suspension était demandée, alors qu'il résulte des dispositions mêmes des textes cités plus haut, et quelle que soit la qualification, d'élimination ou de valorisation de déchets, retenue pour l'opération tendant au désamiantage et à la démolition de la coque de l'ex porte-avions Clemenceau, que le moyen tiré de la méconnaissance du règlement du 1er février 1993 est de nature à créer un tel doute, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, dès lors, les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation des ordonnances attaquées ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement :

Considérant qu'il ressort des statuts de BAN ASBESTOS FRANCE, de GREENPEACE FRANCE, du COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et de l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE, que ces associations ont pour objet social, pour la première, « d'oeuvrer dans le domaine de la santé et de l'environnement afin de parvenir à l'interdiction définitive de toutes les utilisations de l'amiante (extraction, transport, transformation ...) » et d'intervenir « pour obtenir le démantèlement des équipements amiantés (...) », pour la deuxième, « la protection de l'environnement et la préservation des équilibres fondamentaux de la planète » ainsi que « la lutte contre toutes les formes de pollution et de nuisances », pour la troisième, de « faire progresser la prévention et la réparation du risque amiante au niveau national et international », enfin, d'agir « pour la mise en oeuvre d'une politique de prévention, de santé publique et de réparation des risques liés à l'amiante » ; qu'ainsi les décisions dont la suspension est demandée qui, contrairement à ce que soutient le ministre, se rapportent à une opération de transfert de déchets au sens du règlement du 1er février 1993, n'ont pas été prises dans un domaine étranger à celui de l'objet social des associations requérantes ; que celles-ci ont donc intérêt à en demander l'annulation ;

Considérant, en second lieu, que si les statuts de BAN ASBESTOS FRANCE ne mentionnent pas la possibilité d'ester en justice pour défendre l'intérêt collectif de ses membres, cette circonstance ne saurait, par elle-même, contrairement à ce que soutient le ministre, avoir pour effet de priver l'association de la capacité d'engager à cette fin une action en justice ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense et la société SDI :

Considérant que les décisions dont le COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE demandent la suspension, qui tendent au transfert de l'ex-porte-avions en Inde en vue de son désamiantage résiduel et de sa démolition, ne constituent pas des mesures d'exécution du contrat aux fins de désamiantage et de démolition de la coque l'ex porte-avions Clemenceau, passé entre l'État et la société Ship decommissionning industry corporation ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir, tirée de ce que la demande des associations requérantes tendant à l'annulation de ces décisions serait irrecevable comme portant sur un acte non détachable d'un contrat, doit être écartée ;

Sur les conclusions aux fins de suspension :

- Sur l'urgence :

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant, d'une part, que si le ministre soutient que l'urgence n'est pas constituée, dès lors que les associations auraient pu saisir de longue date le juge administratif, notamment, d'un recours dirigé contre la décision de conclure le contrat avec la société Ship decommissionning industry corporation, et que le prononcé des mesures de suspension demandées entraînerait un bouleversement de l'économie de ce contrat, susceptible de mettre en cause la responsabilité de l'État, il ressort toutefois des pièces du dossier que les associations requérantes ont engagé, depuis le mois de février 2005, plusieurs actions, tant devant les juridictions administratives que judiciaires, destinées à s'opposer à l'exportation vers l'Inde de la coque de l'ex porte-avions Clemenceau et qu'elles ont par ailleurs saisi les autorités compétentes de divers recours gracieux tendant à cette fin ; que, d'autre part, les risques en matière de protection de l'environnement et de la santé publique découlant de ce qu'après la délivrance de l'accord des autorités de l'Union indienne, susceptible d'intervenir à brève échéance, la coque du Clemenceau pourrait pénétrer dans les eaux placées sous la souveraineté de ce pays en vue de l'exécution d'opérations de démantèlement dont l'engagement présenterait un caractère irréversible, sont de nature à porter une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts défendus par les associations requérantes ; qu'ainsi il est satisfait à la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

- Sur la condition relative au doute sérieux :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement (CEE) n°259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension des décisions contestées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que, toutefois, la présente décision n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'État, comme le demandent les associations requérantes, que la coque de l'ex porte-avions Clemenceau soit rapatriée jusqu'à son port d'attache ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à cette fin ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la société Ship decommissionning industry corporation et le ministre de la défense, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros chacune au bénéfice des associations BAN ASBESTOS FRANCE et GREENPEACE FRANCE et d'une somme de 3 000 euros chacune au COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et à l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme n'est pas admise.

Article 2 : Les ordonnances du 30 décembre 2005 du tribunal administratif de Paris sont annulées.

Article 3 : L'autorisation d'exportation de matériels de guerre délivrée le 29 novembre 2005 en vue de l'exportation de la coque de l'ex-porte-avions Clemenceau, la décision implicite de rejet opposée à la demande tendant à ce que la coque du Clemenceau ne soit pas transférée en Inde pour son désamiantage final et à ce que ce désamiantage soit réalisé en France, enfin la décision, révélée par une déclaration du 22 décembre 2005 du porte-parole du ministre de la défense, de transférer le Clemenceau en Inde en vue de son désamiantage, sont suspendues.

Article 4 : L'État versera une somme de 1 500 euros chacune aux associations BAN ASBESTOS FRANCE et GREENPEACE FRANCE et une somme de 3 000 euros chacune au COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU et à l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par le ministre de la défense et pour la société Ship decommissionning industry corporation aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION BAN ASBESTOS France, à l'association GREENPEACE FRANCE, au COMITE ANTI-AMIANTE JUSSIEU, à l'ASSOCIATION NATIONALE DE DEFENSE DES VICTIMES DE L'AMIANTE, à la société Ship decommissionning industry corporation, au ministre de la défense, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 288801
Date de la décision : 15/02/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - RECEVABILITÉ - CONCLUSIONS TENDANT À LA SUSPENSION DES DÉCISIONS D'AUTORISATION D'EXPORTATION ET DE TRANSFERT VERS L'INDE DE LA COQUE DE L'EX-PORTE-AVIONS CLEMENCEAU - CONCLUSIONS RECEVABLES - CES DÉCISIONS N'AYANT PAS ÉTÉ ENTIÈREMENT EXÉCUTÉES À LA DATE À LAQUELLE LE JUGE STATUE DÈS LORS QUE LA COQUE N'EST PAS PARVENUE À DESTINATION.

54-035-02-02 La coque de l'ex-porte-avions Clemenceau a quitté le territoire national antérieurement à l'introduction de la requête demandant au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a refusé de suspendre l'autorisation d'exportation de matériel de guerre, accordée le 29 novembre 2005 en vue de son transfert vers l'Inde. Toutefois, cette autorisation continue de produire des effets postérieurement à la sortie de la coque des eaux territoriales françaises, dès lors notamment que sa date de validité est fixée à un an et qu'elle a été délivrée en vue de l'exécution d'un contrat aux fins de désamiantage et de démolition, qui doit s'achever en Inde, et à l'issue de laquelle interviendra le transfert de propriété de la coque au bénéfice de la société co-contractante. Il en va de même des décisions qui tendent au transfert de l'ex porte-avions en Inde en vue de son désamiantage résiduel et de sa démolition, dès lors que la coque n'est pas parvenue à destination et que ces opérations n'ont pas commencé. Les fins de non-recevoir tirées de l'entière exécution des décisions contestées doivent ainsi être écartées.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CENSURE D'UNE ERREUR DE DROIT - JUGE DES RÉFÉRÉS DE PREMIÈRE INSTANCE AYANT ÉCARTÉ COMME NE CRÉANT PAS DE DOUTE SÉRIEUX LE MOYEN TIRÉ DE CE QUE LES DÉCISIONS D'EXPORTATION DE LA COQUE DE L'EX-PORTE-AVIONS CLEMENCEAU VERS L'INDE MÉCONNAISSAIENT LE DROIT COMMUNAUTAIRE RELATIF AUX DÉCHETS.

54-035-02-05 En jugeant qu'aucun des moyens soulevés n'était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions d'exportation vers l'Inde de la coque de l'ex porte-avions Clemenceau dont la suspension était demandée, alors qu'il résulte des dispositions mêmes du règlement n°259/93 du Conseil du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne, directement applicable depuis le 6 mai 1994, et de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, et quelle que soit la qualification, d'élimination ou de valorisation de déchets, retenue pour l'opération tendant au désamiantage et à la démolition de la coque de l'ex porte-avions Clemenceau, que, dès lors que l'Inde n'est ni partie à l'Association européenne de libre échange ni à l'OCDE, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement du 1er février 1993 était de nature à créer un tel doute, le juge des référés a commis une erreur de droit.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2006, n° 288801
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP ROGER, SEVAUX ; SCP BARADUC, DUHAMEL ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:288801.20060215
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