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16/11/2004 | FRANCE | N°04-85089

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2004, 04-85089


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE et les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Dominique,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 7 mai 2004, qui, dans l'informatio

n suivie contre lui du chef de tromperie, a prononcé sur sa demande d'annulation d'ac...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE et les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Dominique,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 7 mai 2004, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tromperie, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 septembre 2004, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 215, L. 215-1, L. 215-9, L. 215-11 et suivants, R. 215-1 et suivants du Code de la consommation, violation des droits de la défense, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces ;

"aux motifs qu'il convient de constater, à la lecture de la requête en annulation, que l'avocat de Dominique X... ne conteste pas la régularité du procès-verbal dressé le 30 août 2001 par les services de la DGCCRF qui ont constaté la non conformité à la consommation de bouteilles de jus de fruits mises en vente, non plus qu'il ne conteste la régularité du procès-verbal de première comparution du 7 février 2003 ; qu'il fait valoir qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier des dispositions de l'article L. 215-9 du Code de la consommation instaurant au profit du contrevenant le droit de solliciter une expertise contradictoire, et que cela constitue une atteinte à ses droits et au principe du caractère contradictoire de la procédure pénale ; que, comme l'a rappelé à juste raison le juge d'instruction en son ordonnance de refus d'expertise contradictoire en date du 13 août 2003, dont il n'a pas été interjeté appel, si l'expertise contradictoire prévue par les articles L. 215-9 et suivants du Code de la consommation est de droit si le mis en examen en fait la demande ce qu'il a fait en l'espèce, ce principe trouve cependant sa limite dans le cas où l'expertise n'est pas réalisable ou n'est pas susceptible d'apporter des résultats exploitables ; qu'en l'espèce, l'expertise sollicitée portait sur des denrées (saisies entre décembre 2000 et mars 2001) périssables et largement périmées lorsque la demande d'expertise contradictoire a été formée par l'avocat de Dominique X... le 14 mai 2003 ; qu'il apparaît ainsi que c'est pour des motifs de pure circonstance de fait que l'expertise contradictoire sollicitée par la défense du mis en examen n'a pu être diligentée ; que le principe de la contradiction a été respecté, le mis en examen ayant usé du droit qui lui a été offert par les dispositions du Code de la consommation susvisé de solliciter une expertise contradictoire ; qu'il n'y a donc eu violation d'aucune disposition de procédure pénale ; qu'il convient de dire n'y avoir lieu à annulation d'actes ou de pièces de la procédure ;

"alors, d'une part, que l'expertise contradictoire prévue à l'article L. 215-9 du Code de la consommation, élément indispensable à l'exercice des droits de la défense, est obligatoire dès lors qu'elle a été demandée à l'ouverture de l'information ou de l'enquête préliminaire dans le délai légal ; qu'il résulte du dossier et de l'arrêt que le demandeur a sollicité l'expertise contradictoire dès le 18 janvier 2002 auprès de la DGCCRF, laquelle avait reconnu que cette demande avait été faite dans le délai ; qu'en retenant que si l'expertise contradictoire est de droit si le mis en examen en fait la demande, ce qu'il a fait en l'espèce, ce principe trouve sa limite dans le cas où l'expertise n'est pas réalisable ou n'est pas susceptible d'apporter des résultats exploitables, que l'expertise sollicitée portait sur des denrées saisies entre décembre 2000 et mars 2001 périssables et largement périmées lorsque la demande d'expertise contradictoire a été formée par l'avocat de Dominique X... le 14 mai 2003, cependant que la demande avait été faite dès le 18 janvier 2002, la chambre de l'instruction qui n'a pas pris en considération cette demande pour statuer comme elle l'a fait, a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le demandeur rappelait que dès le 18 janvier 2002, il avait demandé l'expertise contradictoire auprès de la DGCCRF, laquelle avait reconnu que cette demande avait été faite dans le délai, qu'il a fallu attendre près d'un an avant qu'il ne soit mis en examen pour qu'il lui soit demandé s'il confirmait ou non sa demande d'expertise contradictoire, ce qu'il a fait le 14 mai 2003 ;

qu'en retenant que si l'expertise contradictoire est de droit si le mis en examen en fait la demande, ce qu'il a fait en l'espèce, ce principe trouve sa limite dans le cas où l'expertise n'est pas réalisable ou n'est pas susceptible d'apporter des résultats exploitables, qu'en l'espèce, l'expertise sollicitée portait sur des denrées saisies entre décembre 2000 et mars 2001 périssables et largement périmées lorsque la demande d'expertise contradictoire a été formée par l'avocat de Dominique X... le 14 mai 2003 cependant qu'à cette date, le demandeur n'a fait que confirmer en la réitérant, sa demande faite le 18 janvier 2002, la chambre de l'instruction ne pouvait décider que c'est pour des motifs de pure circonstance de fait que l'expertise contradictoire sollicitée par la défense du mis en examen n'a pu être diligentée sans rechercher si une telle expertise ne pouvait être faite dès la demande faite le 18 janvier 2002 et, partant, elle a violé les textes susvisés ;

"alors, de troisième part, que le demandeur faisait valoir avoir fait sa demande d'expertise contradictoire conformément à l'article L. 215-9 du Code de la consommation dès le 18 janvier 2002 auprès de la DGCCRF, laquelle avait reconnu que cette demande avait été faite dans le délai, qu'il a fallu attendre près d'un an avant qu'il ne soit mis en examen et qu'il lui soit demandé s'il confirmait ou non sa demande d'expertise contradictoire alors qu'il devait être fait droit à sa demande faite le 18 janvier 2002 ; qu'ayant constaté que le demandeur avait fait une demande d'expertise contradictoire, laquelle est de droit, puis retenu que ce principe trouve sa limite dans le cas où l'expertise n'est pas réalisable ou n'est pas susceptible d'apporter des résultats exploitables, qu'en l'espèce, l'expertise sollicitée portait sur des denrées saisies entre décembre 2000 et mars 2001 périssables et largement périmées lorsque la demande d'expertise contradictoire a été formée par l'avocat de Dominique X... le 14 mai 2003, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il s'évinçait qu'il n'avait pas été fait droit à la demande d'expertise et a violé les textes susvisés ;

"alors, de quatrième part, que le demandeur faisait valoir avoir fait sa demande d'expertise contradictoire conformément à l'article L.215-9 du Code de la consommation dès le 18 janvier 2002 auprès de la DGCCRF, laquelle avait reconnu que cette demande avait été faite dans le délai, qu'il a fallu attendre près d'un an avant qu'il ne soit mis en examen et qu'il lui soit demandé s'il confirmait ou non sa demande d'expertise contradictoire alors qu'il devait être fait droit à sa demande faite le 18 janvier 2002 ;

qu'ayant constaté que le demandeur avait fait une demande d'expertise contradictoire, laquelle est de droit, puis retenu que ce principe trouve sa limite dans le cas où l'expertise n'est pas réalisable ou n'est pas susceptible d'apporter des résultats exploitables, qu'en l'espèce, l'expertise sollicitée portait sur des denrées saisies entre décembre 2000 et mars 2001 périssables et largement périmées lorsque la demande d'expertise contradictoire a été formée par l'avocat de Dominique X... le 14 mai 2003, la chambre de l'instruction qui fait peser sur le demandeur les carences et lenteurs de l'instruction, s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'ayant constaté que le demandeur avait régulièrement sollicité l'expertise contradictoire qu'il confirmait le 14 mai 2003, la chambre de l'instruction qui affirme que le principe de la contradiction a été respecté, le mis en examen ayant usé du droit qui lui était offert par les dispositions du Code de la consommation de solliciter l'expertise contradictoire pour en déduire à l'absence de violation d'une disposition du Code de procédure pénale tout en constatant qu'il n'a pas été fait droit à cette demande, se prononce par motif contradictoire et a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'entre le 14 décembre 2000 et le 7 mars 2001, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont effectué, dans des entrepôts et des points de vente du groupe Auchan, des prélèvements à partir de bouteilles vendues comme contenant du pur jus d'orange ; qu'au vu des analyses réalisées par leur laboratoire, les agents de la DGCCRF ont dressé un procès-verbal pour inobservation des exigences réglementaires prévues par le décret du 23 novembre 1978 ; que, le 17 janvier 2002, en application des articles L. 215-9 et suivants du Code de la consommation, le procureur de la République a notifié les résultats de ces analyses à Dominique X..., directeur d'Auchan Production pour le secteur de l'alimentation et titulaire d'une délégation de pouvoirs et que, le 18 janvier, ce dernier a formé une demande d'expertise contradictoire ;

qu'une information ayant été ouverte pour tromperie, le 25 juin 2002, le juge d'instruction a imparti à Dominique X..., le 7 février 2003, un délai expirant au 15 mai 2003, pour demander une expertise, mesure que l'intéressé a sollicitée, le 14 mai, en faisant choix d'un expert ; que, par ordonnance du 13 août, le juge d'instruction a rejeté la demande au motif que l'altération des produits analysés rendait l'expertise impossible ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de Dominique X..., qui soutenait, afin d'obtenir l'annulation des bulletins d'analyse et des actes subséquents, avoir été privé de l'expertise contradictoire prévue par l'article L. 215-9 du Code de la consommation, l'arrêt relève que le demandeur ne conteste pas la régularité des analyses effectuées par la DGCCRF, que le principe du contradictoire a été respecté, dès lors qu'une expertise a été sollicitée, et que seules des circonstances de pur fait en ont empêché la mise en oeuvre ;

Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel retient que le principe de la contradiction a été respecté du seul fait que la personne mise en examen a usé du droit de solliciter une expertise, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que l'impossibilité de mettre en oeuvre une telle mesure a eu pour seule conséquence de priver les analyses effectuées de valeur probante ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85089
Date de la décision : 16/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Preuve - Expertise - Expertise contradictoire - Impossibilité - Effet.

EXPERTISE - Fraudes et falsifications - Expertise contradictoire - Impossibilité - Effet

PREUVE - Expertise - Fraudes et falsifications - Expertise contradictoire - Impossibilité - Effet

INSTRUCTION - Expertise - Fraudes et falsifications - Expertise contradictoire - Impossibilité - Effet

L'impossibilité de mettre en oeuvre l'expertise contradictoire exigée par l'article L. 215-9 du Code de la consommation n'est pas une cause de nullité. Elle a pour seule conséquence de priver de valeur probante la première analyse effectuée par le laboratoire.


Références :

Code de la consommation L215-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre de l'instruction), 07 mai 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 1957-10-15, Bulletin criminel, n° 632, p. 1133 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1964-07-22, Bulletin criminel, n° 245 (1), p. 524 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1996-01-17, Bulletin criminel, n° 30 (1), p. 70 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2004, pourvoi n°04-85089, Bull. crim. criminel 2004 N° 287 p. 1070
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 287 p. 1070

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Palisse.
Avocat(s) : la SCP Bouzidi et Bouhanna.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.85089
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