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12/04/2010 | FRANCE | N°09PA00322

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 12 avril 2010, 09PA00322


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2009, présentée pour M. Alain A, demeurant 7 rue Auguste Vacquerie à Paris (75116), par Me Saber ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0415696/3-2 du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait introduit à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine (8ème section) en da

te du 4 décembre 2003, ayant autorisé son licenciement par la société ...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2009, présentée pour M. Alain A, demeurant 7 rue Auguste Vacquerie à Paris (75116), par Me Saber ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0415696/3-2 du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique qu'il avait introduit à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine (8ème section) en date du 4 décembre 2003, ayant autorisé son licenciement par la société Marsh SA, ensemble la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) d'annuler la décision ministérielle en date du 7 mai 2004, et confirmer la nullité de la décision de l'inspecteur du travail du 4 décembre 2003 ;

3°) de mettre à la charge de la société Marsh SA le paiement d'une somme de 6 000 euros et au titre des frais irrépétibles au bénéfice du requérant ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2009 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Dunod pour M. A et de Me Bucheton pour la société Marsh SA ;

Considérant que, par une décision du 4 décembre 2003, l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine (8ème section), a autorisé la société Marsh SA à procéder au licenciement pour insuffisance professionnelle ne permettant pas la poursuite du contrat de travail de M. A, y exerçant des fonctions de gestionnaire de sinistres, affecté au département " construction " et qui était également délégué du personnel et délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise et dans plusieurs comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT) ; que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté le recours hiérarchique de l'intéressé, par une décision du 7 mai 2004 ; que M. A relève régulièrement appel du jugement susmentionné en date du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris, tout en annulant la décision prise par l'inspecteur du travail pour impossibilité d'identification de son signataire, a rejeté le recours de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision ministérielle confirmative ;

Sur le motif retenu par le tribunal administratif pour annuler la décision de l'inspecteur du travail :

Considérant d'une part, que l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dispose que : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que les premiers juges, après avoir constaté qu'au-dessus du timbre de l'auteur de la décision dont s'agit, à savoir M. " P. B ", dont la compétence territoriale dans le service n'est pas contestée, la signature manuscrite était partiellement illisible, ont estimé qu'un doute existait sur l'identité de l'auteur de cette décision, du 4 décembre 2003, autorisant la société Marsh SA à procéder au licenciement de M. A ; que par suite, le requérant présente des conclusions aux fins de réformation du susdit jugement en ce que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de la nullité de la décision initiale de l'inspecteur du travail, sur celle de la décision du ministre, tandis que la société Marsh SA employeur de l'intéressé demande, par des conclusions incidentes, l'annulation de l'article 1er du même jugement, en produisant d'autres courriers du même fonctionnaire comportant la même signature, ainsi qu'une attestation de M. Pierre B, datée du 30 mars 2009 confirmant être l'auteur de la décision litigieuse ;

Considérant qu'il résulte des pièces ainsi versées au dossier par l'intimée, que la décision du 4 décembre 2003 autorisant la société Marsh SA à licencier M. A a bien été signée, sans contestation possible par M. Pierre B, inspecteur du travail régulièrement compétent ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur un prétendu doute quant à l'identité du signataire pour annuler cette décision ; que dès lors, et en tout état de cause, M. A ne saurait reprocher au jugement attaqué de n'avoir pas tiré toutes les conséquences de ce prétendu vice affectant la décision initiale quant à la légalité de la décision du ministre du travail du 7 mai 2004 ;

Sur l'insuffisance de motivation des décisions contestées :

Considérant d'une part, que la décision du 4 décembre 2003 comporte l'exposé très circonstancié, en ce qui concerne notamment les manquements et insuffisances reprochés au salarié par l'employeur, des considérations de fait et de droit sur le fondement desquelles elle a été prise ;

Considérant d'autre part, que la décision ministérielle du 7 mai 2004 reprend de manière synthétique, dans le prolongement de la décision de l'inspecteur du travail qu'elle confirme, l'exposé des considérations de fait et de droit sur le fondement desquelles elle a été prise ; que le moyen tiré du défaut de motivation des décisions initiale et hiérarchique, qui manque en fait, doit par suite être écarté ;

Sur l'absence d'enquête contradictoire :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / L'inspecteur du travail statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article R. 436-3 ; il ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés au troisième alinéa du présent article. / La décision de l'inspecteur est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. " ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, que l'administration a procédé à deux enquêtes contradictoires, la première dans le cadre de la procédure conduisant à la décision de l'inspecteur du travail, celui-ci ayant entendu personnellement et individuellement le salarié concerné et son employeur le vendredi 7 novembre 2003, successivement et séparément, et la seconde menée par la directrice adjointe de la direction du travail et de l'emploi des Hauts-de-Seine dans le cadre du recours hiérarchique, le mardi 10 février 2004, l'intéressé ayant été reçu avec la personne qui l'assistait, ainsi que les représentants de la direction des ressources humaines de l'entreprise ; que dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'aucune enquête contradictoire n'aurait été réalisée par l'inspection du travail ou par le ministre, aucune disposition réglementaire ou législative n'imposant à ce dernier de mener lui-même l'enquête dont s'agit, hors la compétence des services départementaux du travail et de l'emploi ;

Considérant enfin, qu'à supposer même que les témoins de M. A n'auraient pas tous été entendus par l'inspecteur du travail, selon ses allégations dépourvues de toutes précisions, et qu'aucun de ses témoins ne l'auraient été dans le cadre de l'enquête relative à son recours hiérarchique, ces circonstances ne sont pas de nature à vicier la procédure d'autorisation de licenciement, dès lors que l'administration n'était pas tenue d'entendre tous les témoins ; que la procédure préalable à la décision n'est donc pas entachée d'illégalité pour ces motifs ainsi que les premiers juges ont pu en décider, sans entacher leur jugement d'insuffisance de motivation ;

Sur les motifs de licenciement :

Considérant qu'en vertu des articles L. 412-18 et L. 436-1 du code du travail, alors en vigueur, tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement, et ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; et qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article R. 436-3 ; il ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés au troisième alinéa du présent article. La décision de l'inspecteur est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ; que, d'autre part, en vertu du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ;

Considérant en premier lieu, que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; que si M. A fait valoir qu'une modification substantielle de son contrat travail serait intervenue en février 1992 pour l'affecter sur des activités de nature plus commerciale, et qu'une autre à l'inverse l'aurait rétabli en 2002 sur son affectation initiale de gestionnaire de sinistres multirisques, jusqu'à la rupture de son contrat travail, il ressort des pièces du dossier ainsi que des témoignages produits, que par reconnaissance à l'introduction d'un nouveau client dans la société, celle-ci lui a permis d'accéder à une activité de " chargé de clientèle ", à laquelle elle a dû mettre fin en 1994 en l'absence de résultats de sa part, le titre y relatif lui ayant été cependant maintenu à titre honorifique jusqu'en septembre 2002, date à laquelle la société a dû mettre en conformité les missions de ses salariés dont le coefficient de rémunération n'a pas été modifié au 1er octobre 2002 ; qu'en tout état de cause, ce changement n'a pu avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ; qu'ainsi, M. A n'établit pas avoir été l'objet d'une modification réelle de son contrat de travail, compte tenu du changement intervenu en 2002, non plus qu'il n'aurait jamais eu d'autre qualification que celle d'attaché de clientèle, et pas davantage qu'il aurait poursuivi cette activité après 1994 comme ne tend pas à l'indiquer le courrier cité du 28 septembre 1994 ; qu'enfin, le moyen selon lequel la société aurait pu procéder au licenciement dès 1994 est inopérant ;

Considérant en deuxième lieu, que si M. A fait valoir qu'il souffrait de problèmes ophtalmologiques, rendant difficile son travail sur écran et l'obligeant donc à s'orienter vers une activité d'attaché de clientèle, plutôt que de gestionnaire de sinistres, il n'établit pas que son inaptitude au travail sur écran de plus de trois heures par jour était incompatible avec cette seconde activité, que d'ailleurs il assumait en réalité depuis 1994, c'est-à-dire bien avant le certificat médical produit en juin 2002 ; qu'ainsi, le moyen selon lequel son employeur aurait chercher à modifier son activité pour la rendre incompatible avec son état physique, eu égard à ses fonctions syndicales, manque en fait, et doit être écarté ;

Considérant en troisième lieu, que si M. A soutient encore que son employeur a déployé des manoeuvres de nature à l'écarter de ses fonctions syndicales, une telle attitude ne peut être regardée comme établie du seul fait qu'à l'occasion des élections professionnelles s'étant tenues dans l'entreprise le 15 mars 2001, un jugement du tribunal d'instance du 30 avril 2001 a seulement relevé, à la suite de l'erreur commise par l'employeur quant à l'application du bénéfice de l'âge en cas d'égalité parfaite du nombre de voix obtenu par deux candidats à ces élections, qu'il ne pouvait être écartée une suspicion de manoeuvre de l'employeur ; qu'en outre, en l'absence de dissimulation de la qualification réelle de l'intéressé, comme cela résulte de ce qui précède, celui-ci ne peut en inférer utilement le caractère discriminatoire de son licenciement ;

Considérant en quatrième lieu, que s'agissant du motif du licenciement prononcé tiré de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, de sa charge de travail incluant ses activités syndicales et du respect des horaires de travail et de leur comptabilisation, la requête de M. A se borne à reproduire les moyens invoqués en première instance, sans apporter de justifications ou d'éléments de nature à remettre en cause la motivation des premiers juges que la cour adopte ; qu'en outre, la conclusion à laquelle se livre l'intéressé selon laquelle il aurait dû accomplir en 25 heures le travail accompli par ses collègues en 140 heures, ne repose que sur des données brutes, qui plus est manuscrites, internes à l'entreprise, exemptes de synthèses, et au demeurant contestées par l'employeur selon lequel l'intéressé ne bénéficiait que de 60 heures de délégation syndicale pour mois, correspondant à 30% du temps de travail normal et non de 115 heures qui aurait représenté 80% dudit temps de travail, dès lors qu'il ne pouvait ni reprendre les heures de délégation du second délégué de son syndicat non encore désigné, ni revendiquer de manière permanente le bénéfice d'un dépassement de dix heures de délégation accordé à titre exceptionnel par la direction des ressources humaines pour le dernier trimestre 2002 ; que par ailleurs, il résulte du dossier que l'intéressé ne traitait en moyenne que moins de la moitié des dossiers traités par ses collègues ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la mesure de licenciement dont il a fait l'objet serait sans cause réelle et sérieuse et présenterait un lien direct avec les fonctions syndicales et électives dont il était investi ; qu'enfin, l'intéressé accumulait régulièrement des retards importants dans le traitement des dossiers qui lui étaient confiés et a notamment laissé survenir à plusieurs reprises une prescription au bénéfice de l'assureur de nature à préjudicier aux intérêts des assurés dont il gérait les sinistres ;

Considérant en cinquième lieu, qu'il résulte également des pièces du dossier tel que complété à hauteur d'appel, que M. A a remis à son supérieur hiérarchique des comptes rendus d'activité entachés d'erreurs importantes, qu'il a par ailleurs produit des documents, dont des courriels échangés entre membres de la direction et fiches de notification d'augmentations individuelles de salaires concernant plusieurs de ses collègues, frauduleusement soustraits à la société, et qu'enfin, il violait de façon permanente le règlement des heures de présence et les procédures de contrôle du temps de travail ;

Considérant en dernier lieu, que M. A n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que la procédure de licenciement introduite à son encontre compte tenu de l'ensemble de ces manquements et insuffisances, serait entachée de discrimination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 7 mai 2004 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre de la décision prise le 4 décembre 2003 par l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine pour autoriser son licenciement ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative susvisé font obstacle à ce soit mise à la charge de la société défenderesse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 4 000 euros que M. A réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement susmentionné du Tribunal administratif de Paris en date du 12 novembre 2008, est annulé.

Article 2 : La demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.

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N° 09PA00322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 09PA00322
Date de la décision : 12/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : SABER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-04-12;09pa00322 ?
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