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13/11/2014 | FRANCE | N°12BX01784

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 12BX01784


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour la SCI SAH dont le siège social est 16, rue Roger Lejard à Bègles (33130), par Me Ferrant ;

La SCI SAH demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1101116-1101554 du 12 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant, pour la première à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2011 du préfet de la Gironde déclarant d'utilité publique les travaux d'extension du parking du centre technique communautaire de Bègles et autorisant la communauté urbaine de Bo

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Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour la SCI SAH dont le siège social est 16, rue Roger Lejard à Bègles (33130), par Me Ferrant ;

La SCI SAH demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1101116-1101554 du 12 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant, pour la première à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2011 du préfet de la Gironde déclarant d'utilité publique les travaux d'extension du parking du centre technique communautaire de Bègles et autorisant la communauté urbaine de Bordeaux à acquérir les parcelles et immeubles nécessaires, pour la seconde à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2011 du préfet de la Gironde déclarant cessible pour cause d'utilité publique, au profit de la communauté urbaine de Bordeaux, le terrain cadastré BL n° 18 situé 18, rue Gustave Eiffel ;

2°) d'annuler ces deux arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la communauté urbaine de Bordeaux la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ferrant, avocat de la SCI SAH et celles de Me Heitzmann, avocat de la communauté urbaine de Bordeaux ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour la communauté urbaine de Bordeaux, par le cabinet Coudray ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 23 octobre 2014, présentée pour la SCI SAH par le cabinet Ferrant ;

1. Considérant que par un arrêté en date du 19 janvier 2011, le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique les travaux d'extension du parking du centre technique communautaire de Bègles et a autorisé la communauté urbaine de Bordeaux à acquérir la parcelle nécessaire à la réalisation d'un parc de stationnement d'une superficie de 2 000 m², comportant 83 places ; que par un arrêté en date du 16 février 2011, le préfet de la Gironde a déclaré cessible, pour cause d'utilité publique, au profit de la communauté urbaine de Bordeaux, la parcelle cadastrée BL n°18 appartenant à la SCI SAH ; que, par deux requêtes datées respectivement du 18 mars 2011 et du 14 avril 2011, la SCI SAH a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'un et l'autre de ces arrêtés ; que l'intéressée relève appel du jugement n° 1101116,1101554 du 12 avril 2012 ayant rejeté ses requêtes ;

Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : (...) I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages (...) : 5° L'appréciation sommaire des dépenses (...) " ; que l'article 6 du décret n° 86-455 du 14 mars 1986, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoyait que : " Dans le cas des acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les collectivités et services expropriants sont tenus de demander l'avis du service des domaines : 1° Pour produire, au dossier de l'enquête visée à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation, l'estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues à l'article R. 11-3 (I, II, et III) du même code " ;

3. Considérant que l'appréciation sommaire des dépenses a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique ; que l'enquête publique s'est déroulée du 8 septembre au 14 septembre 2010 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le poste " acquisition de la parcelle BL 18 " inscrit au tableau constituant l'appréciation sommaire des dépenses de l'opération, tel qu'il figurait au dossier d'enquête, a été chiffré à une somme de 120 000 euros, sur la base d'un avis du service des domaines émis le 28 septembre 2007 ; qu'il n'est pas justifié, à l'appui du tableau, des raisons pour lesquelles la communauté urbaine de Bordeaux a estimé que l'évaluation ainsi faite par le service des domaines, dont l'avis précisait qu'elle correspondait à la " valeur vénale actuelle " de l'immeuble, demeurait pertinente trois ans plus tard, lors de l'ouverture de l'enquête publique ; que si la communauté urbaine de Bordeaux fait valoir que le marché de l'immobilier s'est déprécié entre 2007 et 2010, et que l'avis du service des domaines demeurait dès lors pertinent à la date de l'enquête publique, il ressort du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le juge de l'expropriation a fixé la valeur du terrain à 350 000 euros que le secteur dans lequel il est situé est " en pleine mutation ces dernières années " et que son prix doit prendre en compte l'extension du centre commercial Carrefour situé à proximité immédiate, la création d'une nouvelle bretelle d'accès depuis la rocade et l'aménagement d'un nouveau giratoire à peu de distance, sur la rue des Frères Lumière, de tels éléments étant de nature à générer une plus-value importante pour le terrain ; qu'ainsi, eu égard à l'évolution du marché de l'immobilier dans le secteur entre le 28 septembre 2007, date de l'avis du service des domaines, et la date de l'ouverture de l'enquête publique, la communauté urbaine de Bordeaux aurait dû, pour l'application des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 14 mars 1986, fixer l'estimation sommaire et globale de la parcelle BL n°18, dont l'acquisition était nécessaire à la réalisation de son projet, au vu d'un nouvel avis du service des domaines ; que le dossier d'enquête ne permettait dès lors pas de connaître le coût total de l'opération tel qu'il pouvait être raisonnablement estimé à la date de l'enquête publique et, par suite, n'était pas conforme aux dispositions précitées de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation ; que cette irrégularité n'a pas été, en l'espèce, sans influence sur le sens de la décision finalement adoptée, dès lors que la déclaration d'utilité publique n'est prise qu'à l'issue d'un bilan des coûts et avantages de l'opération, et a privé le public d'une garantie dans la mesure où l'estimation des dépenses portée au dossier d'enquête ne reflétait pas le coût réel de l'opération ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

5. Considérant que les travaux déclarés d'utilité publique par l'arrêté du 19 janvier 2011 portent sur la création d'un parc de stationnement de 83 places ; que si la notice explicative figurant au dossier d'enquête indique que ce parc de stationnement sera destiné à l'accueil des véhicules des agents et des véhicules de collecte, elle ne donne aucune précision sur le nombre des emplacements qui seront dédiés aux bennes d'enlèvement et autres véhicules de service ; que le document intitulé " caractéristiques des aménagements projetés ", également joint au dossier d'enquête, matérialise les 83 emplacements projetés, lesquels, compte tenu de leurs dimensions, ne peuvent accueillir que des véhicules légers ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation d'un parc de stationnement destiné aux véhicules personnels des agents du centre de tri répondrait à un besoin d'intérêt général, dès lors notamment qu'il n'est pas établi que les possibilités de stationnement existant à proximité ne seraient pas suffisantes pour répondre aux besoins des agents sans gêner la circulation dans ce secteur, ou constituerait un aménagement indispensable au fonctionnement dudit centre ; que par ailleurs, la communauté urbaine de Bordeaux n'établit ni même n'allègue que le stationnement des véhicules de service et de collecte nouvellement affectés au centre de tri ne pourrait être assuré par d'autres moyens, notamment par la réalisation de nouveaux aménagements sur les parcelles cadastrées BL n° 2, 3, 4 et 23, qui lui appartiennent, et sur lesquelles est implanté le centre technique communautaire ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le projet de création de parc de stationnement en litige ne présente pas un caractère d'utilité publique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 19 janvier 2011 déclarant d'utilité publique le projet en cause est illégal ; que cette illégalité entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêté de cessibilité du 16 février 2011 pris sur son fondement ; que la SCI SAH est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde en date des 19 janvier 2011 et 16 février 2011 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions d'aucune des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1101116-1101554 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Gironde en date des 19 janvier 2011 et 16 février 2011 sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 12BX01784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX01784
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Absence.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Dossier d'enquête - Appréciation sommaire des dépenses.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CABINET COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-13;12bx01784 ?
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