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15/05/2018 | FRANCE | N°16LY00878

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16LY00878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du 7 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de Messimy-sur-Saône a attribué la protection fonctionnelle à M. E... A..., alors maire de la commune, et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1308269 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregist

rée le 11 mars 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 avril 2018, M. D..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du 7 juin 2013 par laquelle le conseil municipal de Messimy-sur-Saône a attribué la protection fonctionnelle à M. E... A..., alors maire de la commune, et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1308269 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 avril 2018, M. D..., représenté par Me Bapceres (DBKM Avocats), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la délibération du 7 juin 2013 susmentionnée du conseil municipal de Messimy-sur-Saône ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Messimy-sur-Saône une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé recevables les écritures en défense et écarté l'application des dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales ; l'avocat de la commune, qui est également l'avocat personnel de M. A..., ne pouvait recevoir un mandat pour représenter la commune ; il ne justifiait pas disposer d'une autorisation pour agir en justice au nom de la commune ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les moyens d'illégalité externe de la délibération en litige ;

- la demande de protection fonctionnelle aurait dû être formalisée par écrit ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la protection fonctionnelle de la commune était " de droit " ; il appartient à M. A... de produire des éléments pour combattre le commencement de preuve de l'illégalité de la délibération ;

- M. A... n'établit ni qu'il a fait l'objet de poursuites pénales, ni que ses fautes ne sont pas détachables du service alors qu'il faisait l'objet d'une action en responsabilité civile et qu'il a commis, en prenant à son égard des mesures discriminatoires, une faute détachable du service ;

- la protection accordée ne vise que la prise en charge a posteriori des éventuelles condamnations civiles liées à des fautes non détachables des fonctions ;

- M. A... n'a produit aucun élément permettant de combattre la présomption de discrimination, au sens de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il appartenait à M. A..., représentant de la commune, et non à cette dernière, de solliciter l'intervention contractuelle de l'assurance de la commune pour la prise en charge du coût de la protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2016, la commune de Messimy-sur-Saône, représentée par Me B..., de la SELARL Philippe B... et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour M. D..., et celles de Me G... pour la commune de Messimy-sur-Saône ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mai 2018, présentée par Me F...pour M. D... ;

1. Considérant que M. C... D... a assigné M. E... A..., maire de la commune de Messimy-sur-Saône entre mars 2008 et mars 2014, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse le 29 mai 2013 ; que le conseil municipal de Messimy-sur-Saône, considérant que les faits reprochés à M. A... n'étaient pas détachables de l'exercice de son mandat, lui a, par délibération du 7 juin 2013, accordé la protection fonctionnelle et a décidé de prendre en charge les honoraires de son avocat ; que M. D... relève appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération ;

Sur la recevabilité des écritures de première instance de la commune de Messimy-sur-Saône :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas où les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour représenter la commune, soit en justice, soit dans les contrats. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 4 juin 2010, le conseil municipal de Messimy-sur-Saône a, en application du 16° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, habilité son maire à défendre la commune dans les instances intentées contre elle et précisé que cette délégation était consentie tant en demande qu'en défense et devant toutes les juridictions ; que, si M. D... soutient que cette délégation ne valait que sous réserve de l'application de l'article L. 2122-26 précité du code général des collectivités territoriales, aucune opposition n'est établie, au sens de ces dispositions, entre les intérêts de la commune et les intérêts personnels du maire, alors que les faits qui lui sont reprochés sont relatifs à l'exercice de son mandat et qu'il s'est abstenu de se prononcer sur la délibération en litige par laquelle le conseil municipal lui a accordé la protection fonctionnelle ;

4. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article R. 431-5 du code de justice administrative : " Les parties peuvent également se faire représenter : 1° Par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 (...) " ; que l'article R. 431-2 du même code vise notamment les avocats et précise que " La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions et de l'ensemble des textes les régissant que les avocats à la cour, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués ont qualité, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client ;

6. Considérant, enfin, que si le requérant soutient que la situation du mandataire de la commune contrevient aux exigences du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, cette circonstance n'affecte pas, en tout état de cause, la validité des écritures produites par ce mandataire pour sa cliente ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas écarté des débats les écritures en défense produites par la commune ;

Sur la légalité de la délibération du 7 juin 2013 :

En ce qui concerne la légalité externe :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-10 dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. "

9. Considérant que, comme en ont jugé à bon droit les premiers juges, par des motifs qui ne sont pas pertinemment contestés en appel par M. D... et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter, que les convocations ont été notifiées et affichées selon les formes prescrites par les dispositions précitées de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales : " Le vote a lieu au scrutin public à la demande du quart des membres présents. Le registre des délibérations comporte le nom des votants et l'indication du sens de leur vote. Il est voté au scrutin secret : 1° Soit lorsqu'un tiers des membres présents le réclame ; 2° Soit lorsqu'il y a lieu de procéder à une nomination ou à une présentation. (...) " ;

11. Considérant qu'il n'est ni allégué ni démontré par M. D... que la délibération en litige a été votée au scrutin public ; que, par suite, et alors qu'il ressort des termes de la délibération en litige qu'elle a été adoptée à l'unanimité, le moyen tiré de ce que le registre des délibérations ne comporterait pas le nom des votants et l'indication du sens du vote de chacun des conseillers doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

12. Considérant que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet ; que ce principe général du droit a d'ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales, par l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel : " (...) La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) " ;

13. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'attribution de la protection fonctionnelle nécessiterait une demande écrite de son bénéficiaire doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et non utilement contestés en appel ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 2123-34 précité du code général des collectivités territoriales que l'attribution de sa protection par une collectivité publique, laquelle n'est pas subordonnée à la production d'un jugement par l'agent ou l'élu intéressé et comprend la prise en charge des frais de justice exposés par l'élu, constitue une obligation dès lors que les faits pour lesquels un agent fait l'objet de poursuites pénales ou d'une action civile ne constituent pas des fautes détachables de ses fonctions ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient à M. D..., auteur de l'assignation de M. A... devant le tribunal de grande instance et requérant dans le présent litige, de faire état d'allégations suffisamment étayées pour démontrer que les fautes pour lesquelles a été assigné M. A... seraient détachables du service ; qu'en se bornant à se référer, sans, d'ailleurs, la produire, à l'assignation devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse signifiée à M. A... le 29 mai 2013 et à affirmer qu'il aurait été victime de discrimination sans faire état de faits précis ni apporter d'élément permettant de considérer que la discrimination en cause serait détachable de l'exercice de son mandat de maire par M. A..., M. D... ne met pas ce dernier à même de se défendre ni ne permet au juge de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales auraient été méconnues ;

16. Considérant, en cinquième lieu, qu'en affirmant qu'il appartenait à M. A..., représentant de la commune, et non à cette dernière, de solliciter l'intervention contractuelle de l'assurance de la commune pour la prise en charge du coût de la protection fonctionnelle, M. D... ne conteste pas pertinemment les motifs retenus à bon droit par les premiers juges pour écarter ce moyen et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Messimy-sur-Saône, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande M. D... au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Messimy-sur-Saône une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la commune de Messimy-sur-Saône.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 16LY00878

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00878
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Maire et adjoints - Statut du maire.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DBKM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;16ly00878 ?
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