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29/01/2010 | FRANCE | N°314148

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 29 janvier 2010, 314148


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 11 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Micheline A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2005 de la Caisse des dépôts et consignations refusant de qualifier d'accident de service l'accident qui a provoqué le décès de son époux, M. Patrice B, le 26 décembre 2003, et a mis l'As

sistance Publique-Hôpitaux de Paris hors de cause ;

2°) réglant l'affa...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 11 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Micheline A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2005 de la Caisse des dépôts et consignations refusant de qualifier d'accident de service l'accident qui a provoqué le décès de son époux, M. Patrice B, le 26 décembre 2003, et a mis l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris hors de cause ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;

Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaitre, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A et de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A et à Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations.

Considérant qu'il résulte des articles 30, 31 et 35 du décret du 9 septembre 1965, dont les dispositions sur ce point ont été reprises par les articles 36, 37 et 40 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales que le conjoint d'un fonctionnaire dont le décès en activité, avant la limite d'âge, est imputable à des blessures ou à des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou l'occasion de l'exercice des fonctions, a droit, en sus de la moitié de la pension, au versement de la moitié de la rente viagère d'invalidité attribuable à la victime ; que Mme A se pourvoit contre un jugement du tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 9 novembre 2005 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, lui refusant, à la suite du décès de son mari, la réversion de la rente d'invalidité prévue par ces dispositions ;

Sur la mise hors de cause de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du décret précité du 26 décembre 2003, en matière de reconnaissance d'invalidité : " Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. / Les énonciations de cette décision ne peuvent préjuger ni de la reconnaissance effective du droit, ni des modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession " ;

Considérant qu'en mettant hors de cause, à sa demande, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, employeur de la victime, le tribunal administratif, qui était exclusivement saisi de la décision de la Caisse des dépôts et consignations refusant de reconnaître à Mme A un droit à une rente viagère d'invalidité suite au décès accidentel de son mari, n'a pas méconnu le sens et la portée des dispositions précitées du décret du 26 décembre 2003 ;

Sur le fond du litige :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B est décédé dans la gare de Laigneville au cours de la nuit du 25 au 26 décembre 2003, alors qu'il rentrait par le train à son domicile situé à Villiers-Saint-Paul (Oise), à l'issue de son service d'infirmier à l'hôpital Fernand Widal à Paris ;

Considérant que, pour décider que l'accident à l'origine du décès de M. B ne revêtait pas le caractère d'un accident de service, le tribunal administratif a relevé que la gare de Laigneville, située sur la ligne de chemin de fer en direction d'Amiens après celle de Creil où l'intéressé changeait habituellement de train pour en prendre un autre en direction de Compiègne jusqu'à la gare de Villiers-Saint-Paul, commune où il résidait, se trouvait en dehors de l'itinéraire normal de la victime, et qu'en tout état de cause ce détour, alors même que, comme le soutient la requérante, M. B se serait endormi dans le train et réveillé à Laigneville, n'était ni lié aux nécessités de la vie courante ni en relation avec l'exercice des fonctions de M. B ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'écart de trajet effectué par M. B avait, comme cela était soutenu, un caractère involontaire, le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, dès lors, l'article 2 de son jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la demande de Mme A, qui tend à l'annulation d'une décision du 9 novembre 2005 de la Caisse des dépôts et consignations, qui lui a été notifiée le 14 novembre 2005, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 16 janvier 2006 , alors que le délai de deux mois expirait le 15 janvier 2006 à minuit ; que, toutefois, le 15 janvier étant un dimanche, la demande introduite le premier jour ouvrable suivant, le 16 janvier, était encore recevable ; qu'ainsi le moyen tiré d'une prétendue forclusion de la demande de Mme A doit être écarté ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'accident est survenu sur la ligne de chemin de fer qu'empruntait habituellement M. B pour se rendre de son travail à son domicile, dans une gare située juste après celle où il devait prendre une correspondance ; qu'il résulte de l'instruction que cet écart par rapport au trajet habituel de l'intéressé est dû à l'assoupissement de ce dernier et ne traduit aucune intention de sa part de ne pas rejoindre directement son domicile dans un délai habituel ; qu'ainsi, et alors même que l'accident serait imputable à une faute de l'intéressé, M. B doit être regardé comme n'ayant pas quitté son itinéraire normal ; que l'accident dont il a été victime a, par suite, le caractère d'un accident de service ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a rejeté la demande de Mme A tendant à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité à titre de réversion ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tendant à ce que soit mise à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés tant en première instance que devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : La décision de la Caisse des dépôts et consignations refusant à Mme A de qualifier d'accident de service l'accident survenu à son époux est annulée.

Article 3 : L'accident dont M. B a été victime dans la nuit du 25 au 26 décembre 2003 a le caractère d'un accident de service.

Article 4 : La Caisse des dépôts et consignations versera à Mme A une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de ses conclusions devant le tribunal administratif d'Amiens de Mme A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Micheline A, à la Caisse des dépôts et consignations et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Copie pour information en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 314148
Date de la décision : 29/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - GARANTIES ET AVANTAGES DIVERS - PROTECTION EN CAS D'ACCIDENT DE SERVICE - QUALIFICATION DE L'ACCIDENT DE SERVICE - TRAJET ENTRE LE DOMICILE ET LE LIEU DE TRAVAIL - DÉTOUR - 1) CRITÈRES - DÉTOUR LIÉ AUX NÉCESSITÉS DE LA VIE COURANTE OU EN RELATION AVEC L'EXERCICE DES FONCTIONS OU CARACTÈRE INVOLONTAIRE DE CE DÉTOUR [RJ1] - 2) EXISTENCE EN L'ESPÈCE - ACCIDENT SURVENU ALORS QUE L'INTÉRESSÉ S'ÉTAIT INVOLONTAIREMENT ÉCARTÉ DE SON TRAJET HABITUEL POUR SE RENDRE DE SON LIEU DE TRAVAIL À SON DOMICILE [RJ2] - ACCIDENT IMPUTABLE À UNE FAUTE PERSONNELLE - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE AU STADE DE LA QUALIFICATION D'ACCIDENT DE SERVICE.

36-07-10-01 Fonctionnaire victime d'un accident au cours du trajet entre son domicile et son lieu de travail. 1) Commet une erreur de droit une cour qui, pour rejeter la qualification d'accident de service, se borne à constater qu'au moment de l'accident, la victime se trouvait en dehors de son itinéraire normal et que le détour n'était ni lié aux nécessités de la vie courante ni en relation avec l'exercice de ses fonctions sans rechercher si l'écart de trajet avait un caractère involontaire. 2) En l'espèce, un infirmier se rendant de son lieu de travail à son domicile s'est assoupi dans le train et a raté sa gare de correspondance. L'accident est survenu à la gare située juste après cette gare. Dès lors qu'un tel écart par rapport au trajet habituel ne traduit aucune intention de ne pas rejoindre directement son domicile dans un délai habituel et alors même que l'accident serait imputable à une faute de l'intéressé, ce dernier doit être regardé comme n'ayant pas quitté son itinéraire normal. L'accident dont il a été victime a donc le caractère d'un accident de service.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE - RECOURS RELATIF À LA QUALIFICATION D'UN ACCIDENT SUBI PAR UN FONCTIONNAIRE EN ACCIDENT DE SERVICE ET À L'OCTROI EN CONSÉQUENCE D'UNE RENTE (SOL - IMPL - ).

54-02-02-01 Le recours d'un fonctionnaire contestant le refus de son administration de qualifier un accident qu'il a subi en accident de service et, par conséquence, de lui octroyer une rente est un recours de pleine juridiction.


Références :

[RJ1]

Ab. jur., quant à l'utilisation du critère du détour volontaire, 4 juillet 2001, Ministre de l'économie c/ Ferrand, n° 210667, inédite au Recueil.,,

[RJ2]

Rappr., pour un accident survenu alors que la victime sortait d'un bureau de tabac sur le chemin de son domicile, 5 mai 1983, Ministre de l'éducation nationale c/ Mme Deymonnaz, n° 38142, T. p. 767 ;

pour un accident survenu alors que la victime passait chercher son enfant chez la nourrice sur le chemin de chez elle, 27 octobre 1995, Ministre du budget c/ Mme Cloatre, n° 154629, p. 383.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jan. 2010, n° 314148
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Marie-françoise Lemaitre
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:314148.20100129
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