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24/09/2012 | FRANCE | N°340576

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 24 septembre 2012, 340576


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 15 juin et 16 juillet 2010, présentés pour le Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands (SNELM), dont le siège est 4, rue de Jarente à Paris (75004), représenté par son président ; le SNELM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 avril 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique portant extension de l'avenant n° 37 bis du 6 novembre 2009 à la convention collective nation

ale du sport ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la som...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 15 juin et 16 juillet 2010, présentés pour le Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands (SNELM), dont le siège est 4, rue de Jarente à Paris (75004), représenté par son président ; le SNELM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 avril 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique portant extension de l'avenant n° 37 bis du 6 novembre 2009 à la convention collective nationale du sport ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands ;

1. Considérant que, par l'arrêté du 7 avril 2010 dont le Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands (SNELM) demande l'annulation, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a procédé à l'extension de l'avenant n° 37 bis du 6 novembre 2009 à la " convention collective nationale du sport ", qui modifie le champ d'application de cette convention pour y intégrer les entreprises de droit privé à but lucratif exerçant à titre principal des activités récréatives ou de loisirs sportifs, lesquelles relevaient jusque-là de la " convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-19 du code du travail : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. / Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré " ;

3. Considérant que le SNELM a été convié et a participé à la réunion de la commission mixte paritaire du 6 novembre 2009 au cours de laquelle ont été négociés les termes du futur avenant à la " convention collective nationale du sport " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette négociation se serait poursuivie au cours de la réunion du 16 novembre 2009 consacrée à la signature de l'avenant ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le défaut de convocation du SNELM à cette seconde réunion serait constitutif d'une violation des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2261-19 du code du travail doit, en tout état de cause, être écarté ;

4. Considérant que, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'ensemble des organisations représentatives d'employeurs et de salariés avaient été conviées à la réunion de négociation du 6 novembre 2009, ni la présence à cette réunion d'une représentante du ministre chargé des sports, ni la circonstance que le Conseil social du mouvement sportif, dont des représentants ont également participé à la réunion, ne pourrait être regardé comme représentatif en raison d'un manque allégué d'indépendance à l'égard du comité national olympique et sportif français ou de plusieurs fédérations sportives, ne sont susceptibles, par elles-mêmes, d'entacher d'irrégularité l'arrêté d'extension litigieux ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective ", et qu'aux termes de l'article L. 2261-24 du même code : " La procédure d'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel est engagée (...) après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la sous-commission des conventions et accords de la commission nationale de la négociation collective a rendu un avis favorable à l'extension de l'accord litigieux le 4 mars 2010 ; que cet avis, qui retrace le contenu des principales remarques formulées en séance par les participants, est suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions des articles L. 2261-15 et L. 2261-24 du code du travail citées ci-dessus ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-27 du code du travail : " Quand l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective a été émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre chargé du travail peut étendre par arrêté une convention ou un accord (...) / En cas d'opposition dans les conditions prévues au premier alinéa, le ministre chargé du travail peut consulter à nouveau la commission sur la base d'un rapport précisant la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences d'une éventuelle extension. / Le ministre chargé du travail peut décider l'extension, au vu du nouvel avis émis par la commission " ;

8. Considérant que si le syndicat requérant fait valoir que la Commission nationale de la négociation collective aurait dû être consultée une seconde fois par le ministre en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2261-27 du code du travail, il ressort des pièces du dossier qu'une seule organisation d'employeurs représentée à la Commission nationale de la négociation collective avait émis une opposition ; que, dans ces conditions, alors même que d'autres organisations, qui ne sont pas membres de cette commission, auraient fait connaître publiquement leur opposition à l'extension de l'accord, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 2261-27 du code du travail ont été méconnues ;

9. Considérant que le ministre chargé du travail, saisi d'une demande d'extension, doit notamment rechercher si le champ d'application professionnel pour lequel l'extension est envisagée n'est pas compris dans le champ professionnel d'une autre convention ou d'un autre accord collectif précédemment étendu ; que, lorsqu'il apparaît que les champs d'application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il lui appartient, préalablement à l'extension projetée, soit d'exclure du champ de l'extension envisagée les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l'accord collectif précédemment étendu, soit d'abroger l'arrêté d'extension de cette convention ou de cet accord collectif, en tant qu'il s'applique à ces activités ;

10. Considérant que le syndicat requérant soutient que les activités économiques concernées par l'avenant n° 37 bis à la " convention collective nationale du sport ", étendu par l'arrêté attaqué, sont également comprises dans le champ professionnel de la " convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels ", précédemment étendue par un arrêté du 25 juillet 1994 ; que, toutefois, par un arrêté du même jour que l'arrêté litigieux, le ministre chargé du travail a procédé à l'extension d'un avenant à cette même " convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels " ayant notamment pour objet d'exclure du champ d'application de celle-ci les activités économiques en question ; que le SNELM n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il attaque serait illégal en ce qu'il procéderait à une extension dans un champ professionnel déjà couvert par une autre convention étendue ;

11. Considérant que le ministre chargé du travail, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru tenu d'étendre l'avenant litigieux, n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2261-15 du code du travail en procédant à cette extension pour le motif d'intérêt général tendant, d'une part, à éviter que, à la suite de la modification du champ d'application de la " convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels ", les salariés des entreprises exerçant des activités physiques récréatives de loisirs perdent toute couverture conventionnelle, d'autre part, à assurer une telle couverture par la convention collective dont le champ d'application inclut désormais ces activités ;

12. Considérant, enfin, que le syndicat requérant soutient que l'arrêté litigieux méconnaît le principe de sécurité juridique, faute de comporter les mesures transitoires permettant à l'ensemble des entreprises concernées de former leurs salariés aux qualifications requises par le nouvel intitulé de leur activité ; que, toutefois, l'obligation de qualification des personnes enseignant, animant ou encadrant une activité physique ou sportive résulte, en vertu de l'article L. 212-1 du code du sport, de la nature même de l'activité exercée et de l'environnement dans lequel elle se déroule, et non des effets de l'extension en litige ; que le moyen doit ainsi, en tout état de cause, être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SNELM n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque ; qu'en conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du SNELM est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des entreprises exploitant les activités physiques récréatives des loisirs marchands (SNELM), à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement-CGC, à la Confédération générale du travail-Force ouvrière, à la Commission nationale des experts en automobile, au Fonds national d'action sanitaire et sociale, à l'Union nationale des syndicats autonomes, au Conseil social du mouvement sportif, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail, à la Confédération nationale des éducateurs sportifs et salariés du sport et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 340576
Date de la décision : 24/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

SPECTACLES - SPORTS ET JEUX - SPORTS - CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DU SPORT - AVENANT - EXTENSION AUX ACTIVITÉS PHYSIQUES RÉCRÉATIVES DE LOISIRS - MOTIF - VOLONTÉ D'ÉVITER QUE DES SALARIÉS DES ENTREPRISES EXERÇANT DES ACTIVITÉS PHYSIQUES RÉCRÉATIVES DE LOISIRS PERDENT TOUTE COUVERTURE CONVENTIONNELLE ET D'ASSURER LEUR COUVERTURE PAR LA CONVENTION COLLECTIVE DONT LE CHAMP D'APPLICATION INCLUT DÉSORMAIS CES ACTIVITÉS - MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DE NATURE À JUSTIFIER L'EXTENSION - EXISTENCE.

63-05 Pas d'inexacte application de l'article L. 2261-15 du code du travail à étendre un avenant à la convention collective nationale du sport au motif d'intérêt général tendant, d'une part, à éviter que, à la suite de la modification du champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, les salariés des entreprises exerçant des activités physiques récréatives de loisirs perdent toute couverture conventionnelle et, d'autre part, à assurer une telle couverture par la convention collective dont le champ d'application inclut désormais ces activités.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION D'AVENANTS À UNE CONVENTION COLLECTIVE - MOTIFS - 1) CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - CONTRÔLE NORMAL [RJ1] - 2) ESPÈCE - VOLONTÉ D'ÉVITER QUE DES SALARIÉS DES ENTREPRISES EXERÇANT DES ACTIVITÉS PHYSIQUES RÉCRÉATIVES DE LOISIRS PERDENT TOUTE COUVERTURE CONVENTIONNELLE ET D'ASSURER LEUR COUVERTURE PAR LA CONVENTION COLLECTIVE DONT LE CHAMP D'APPLICATION INCLUT DÉSORMAIS CES ACTIVITÉS - MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DE NATURE À JUSTIFIER L'EXTENSION - INCLUSION.

66-02-02-04 1) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation à laquelle se livre le ministre lorsqu'il procède à l'extension d'une convention collective. 2) Pas d'inexacte application de l'article L. 2261-15 du code du travail à étendre un avenant à la convention collective nationale du sport au motif d'intérêt général tendant, d'une part, à éviter que, à la suite de la modification du champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, les salariés des entreprises exerçant des activités physiques récréatives de loisirs perdent toute couverture conventionnelle et, d'autre part, à assurer une telle couverture par la convention collective dont le champ d'application inclut désormais ces activités.


Références :

[RJ1]

Ab. jur. CE, 9 novembre 1979, Syndicat national des grossistes en confiserie, n° 97718, p. 412 ;

CE, 5 juin 1996, Fédération française des pompes funèbres, n° 157399, T. pp. 1123-1184 ;

CE, 19 mars 1997, Société autocars Blanc et autres, n° 146619, T. pp. 642-645-1098 sur un autre point.

Rappr., s'agissant du contrôle exercé sur les décisions de refus d'extension, CE, 21 novembre 2008, Syndicat national des cabinets de recouvrement de créances et de renseignements commerciaux et autres, n° 300135, p. 437.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 sep. 2012, n° 340576
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:340576.20120924
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