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19/12/2012 | FRANCE | N°361271

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 19 décembre 2012, 361271


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juillet, 7 août et 24 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe, dont le siège est situé à "Petit Pérou" aux Abymes (97139) ; la requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance n° 1200489-1200558 du 6 juillet 2012, rectifiée par une ordonnance du 10 juillet 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre, statuant sur le fondement de

l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécuti...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juillet, 7 août et 24 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe, dont le siège est situé à "Petit Pérou" aux Abymes (97139) ; la requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance n° 1200489-1200558 du 6 juillet 2012, rectifiée par une ordonnance du 10 juillet 2012, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2012 annulant le refus du 21 octobre 2011 de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement pour faute de M. A... B... et lui accordant l'autorisation demandée ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension de M. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe et de la SCP Boutet, avocat de M. B...,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe et à la SCP Boutet, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; que ces dispositions ne permettent au justiciable de demander la suspension d'une décision administrative qu'à la condition qu'une telle décision soit encore susceptible d'exécution ;

2. Considérant que la rupture du contrat de travail prend effet à compter de l'envoi du courrier recommandé avec accusé de réception notifiant cette rupture au salarié ; que, par suite, la décision administrative qui autorise le licenciement d'un salarié protégé doit être regardée comme entièrement exécutée à compter de cet envoi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre qu'à la suite de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2012 autorisant la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à licencier M. B..., cette dernière a envoyé le 15 mai 2012 à l'intéressé une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant son licenciement, mettant ainsi fin au contrat de travail à compter de cette date ; que, par l'envoi de cette lettre prononçant le licenciement de M. B..., la décision administrative autorisant ce licenciement a été entièrement exécutée à cette date ; que si le juge des référés du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a, par une ordonnance du 25 juin 2012, prescrit la réintégration de l'intéressé avec effet rétroactif à compter du 14 mai 2012, cette mesure du juge des référés des prud'hommes, qui ne pouvait qu'être provisoire et qui ne se prononçait pas sur la validité du licenciement lui-même, est restée sans conséquence sur l'entière exécution de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2012 autorisant le licenciement de ce salarié ; que, dès lors, en se fondant, pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la caisse régionale, sur cette ordonnance du juge des référés du conseil de prud'hommes, le juge des référés du tribunal a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance attaquée suspendant l'exécution de cette décision du ministre l'autorisant à licencier M. B... ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, dans la mesure de la cassation prononcée, sur la demande de suspension en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que la décision du 20 avril 2012 autorisant le licenciement de M. B...et dont ce dernier demande la suspension avait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, déjà été entièrement exécutée à la date de la présentation par le requérant de sa demande ; que, dès lors, nonobstant l'ordonnance de référé du 25 juin 2012 du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre ordonnant sa réintégration provisoire, laquelle a d'ailleurs été annulée par un arrêt du 20 août 2012 de la cour d'appel de Basse-Terre, la demande de référé-suspension présentée par M. B...sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est irrecevable ;

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Guadeloupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en outre, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette dernière qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre du 6 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...tendant à la suspension de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 20 avril 2012 autorisant son licenciement est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe et de M. B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe et à M. A... B....

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 361271
Date de la décision : 19/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - RECEVABILITÉ - DEMANDE TENDANT À LA SUSPENSION DE L'EXÉCUTION D'UNE AUTORISATION DE LICENCIEMENT - LICENCIEMENT INTERVENU AVANT L'INTRODUCTION DU RÉFÉRÉ - IRRECEVABILITÉ [RJ1] - CIRCONSTANCE QUE POSTÉRIEUREMENT AU LICENCIEMENT - LE JUGE DES RÉFÉRÉS DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES A PRESCRIT LA RÉINTÉGRATION DE L'INTÉRESSÉ AVEC EFFET RÉTROACTIF - INCIDENCE - ABSENCE.

54-035-02-02 Par l'envoi d'une lettre prononçant le licenciement d'un salarié protégé, la décision administrative autorisant ce licenciement est entièrement exécutée à cette date. Si, postérieurement au licenciement, le juge des référés du conseil de prud'hommes a prescrit la réintégration de l'intéressé avec effet rétroactif, cette mesure, qui ne pouvait qu'être provisoire et qui ne se prononçait pas sur la validité du licenciement lui-même, est restée sans conséquence sur l'entière exécution de la décision autorisant le licenciement de ce salarié. Dès lors, irrecevabilité de la demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision d'autorisation formée postérieurement au licenciement.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEMANDE TENDANT À LA SUSPENSION DE L'EXÉCUTION D'UNE AUTORISATION DE LICENCIEMENT - LICENCIEMENT INTERVENU AVANT L'INTRODUCTION DU RÉFÉRÉ - IRRECEVABILITÉ [RJ1] - CIRCONSTANCE QUE POSTÉRIEUREMENT AU LICENCIEMENT - LE JUGE DES RÉFÉRÉS DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES A PRESCRIT LA RÉINTÉGRATION DE L'INTÉRESSÉ AVEC EFFET RÉTROACTIF - INCIDENCE - ABSENCE.

66-07-01-05 Par l'envoi d'une lettre prononçant le licenciement d'un salarié protégé, la décision administrative autorisant ce licenciement est entièrement exécutée à cette date. Si, postérieurement au licenciement, le juge des référés du conseil de prud'hommes a prescrit la réintégration de l'intéressé avec effet rétroactif, cette mesure, qui ne pouvait qu'être provisoire et qui ne se prononçait pas sur la validité du licenciement lui-même, est restée sans conséquence sur l'entière exécution de la décision autorisant le licenciement de ce salarié. Dès lors, irrecevabilité de la demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision d'autorisation formée postérieurement au licenciement.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 16 décembre 1977, Lehodey et autres, n° 04895, p. 508.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2012, n° 361271
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:361271.20121219
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