La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/1967 | FRANCE | N°61835;61836;62827

France | France, Conseil d'État, Section, 07 avril 1967, 61835, 61836 et 62827


1° REQUETE de l'Entreprise Charles Bouhana, tendant à la réformation d'un jugement du 12 juillet 1963, par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée partiellement responsable des désordres constatés sur les terrains de sport du stade municipal de la ville de Barentin qu'elle avait aménagés en exécution d'un marché conclu et exécuté pour le compte de cette ville ;
2° REQUETE de la ville de Barentin Seine-Maritime représentée par son maire en exercice contre le même jugement en tant que par ledit jugement le Tribunal administratif de Rouen a retenu une part de r

esponsabilité à sa charge dans les désordres constatés sur les terr...

1° REQUETE de l'Entreprise Charles Bouhana, tendant à la réformation d'un jugement du 12 juillet 1963, par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a déclarée partiellement responsable des désordres constatés sur les terrains de sport du stade municipal de la ville de Barentin qu'elle avait aménagés en exécution d'un marché conclu et exécuté pour le compte de cette ville ;
2° REQUETE de la ville de Barentin Seine-Maritime représentée par son maire en exercice contre le même jugement en tant que par ledit jugement le Tribunal administratif de Rouen a retenu une part de responsabilité à sa charge dans les désordres constatés sur les terrains de sport dont elle avait confié la conception et l'exécution aux sieurs Y... et X... et à l'Entreprise Bouhana ;
3° REQUETE des sieurs Y... André et X... Paul , tendant à la réformation du même jugement en tant que par ledit jugement, le Tribunal administratif de Rouen les a déclarés partiellement responsables des désordres constatés sur les terrains de sport de la ville de Barentin ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ; le Code de procédure civile et notamment l'article 445 ; la loi du 22 juillet 1889 modifiée ; l'ordonnance du 31 juillet 1945, ensemble le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts ;

CONSIDERANT que les requêtes susvisées concernent un même litige ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que, saisi par la ville de Barentin de conclusions tendant à ce que l'Entreprise Bouhana et les sieurs Y... et X..., architectes, soient condamnés à réparer, au titre de la garantie décennale des hommes de l'art, les conséquences dommageables des désordres apparus sur les terrains de sport qu'elle a fait aménager, le Tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, décidé le principe d'un partage de responsabilité entre la ville, maître de l'ouvrage, l'entrepreneur et les architectes et nommé un expert avec mission de lui apporter des éléments d'information de nature à lui permettre de fixer la part de responsabilité à supporter par chacune des parties et l'étendue du préjudice subi ; que la réformation de ce jugement est demandée par chacune des parties en tant qu'il l'a déclarée partiellement responsable des désordres apparus sur lesdits terrains ;
Sur le principe de la responsabilité de chacune des parties :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres constatés sur les terrains de sport litigieux et qui consistent en la présence de flaques d'eau persistantes après les chutes de pluie rendent ces terrains impraticables pendant un laps de temps anormal après l'arrêt des pluies ;
Considérant, d'une part, que la ville de Barentin, qui a pris la décision de faire exécuter des travaux d'aménagement sur l'ancien terrain de sport, alors que, tant par sa situation géographique que par la nature de son sous-sol, ledit terrain convenait mal à cet usage, doit supporter les conséquences du choix de l'emplacement ; qu'elle ne conteste pas non plus avoir, par mesure d'économie, écarté les propositions initiales des architectes qui prévoyaient un système de drainage des eaux de surface ;

Considérant, d'autre part, que les architectes n'ont fait aucune réserve expresse écrite sur le choix du terrain ; qu'ils n'ont pas non plus formellement attiré l'attention de la ville sur les risques qu'elle courait en renonçant au dispositif de drainage qu'ils avaient prévu à l'origine ; qu'ils ont enfin accepté de pratiquer une tranchée de drainage après la réception provisoire, sans spécifier à la ville que ce nouveau dispositif était moins efficace que celui primitivement prévu ;
Considérant enfin que l'Entreprise Bouhana, spécialisée dans la construction et l'aménagement des stades et terrains de sport, n'a pas fait de réserves écrites sur l'emplacement du terrain, ni sur la suppression du système de drainage du projet primitif ; qu'elle ne peut non plus être regardée, compte tenu de sa qualification technique, comme ayant, lors de l'exécution, des travaux, pris toutes les précautions utiles pour pallier les inconvénients dus aux conditions géographiques et climatiques ; que la circonstance que le projet a été soumis au contrôle technique du secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux sports n'est pas de nature à la décharger de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard de la ville en sa qualité d'entreprise chargée de l'exécution des travaux ;
Considérant que de ce qui précède, il résulte que ni la ville de Barentin, ni l'Entreprise Bouhana, ni les sieurs Y... et X... par voie de recours incident, ne sont fondés à soutenir que le Tribunal administratif a inexactement apprécié les circonstances de l'espèce en décidant que chacune des parties devrait supporter une part de responsabilité dans les désordres survenus ;

Sur la régularité de l'expertise :
Considérant qu'en vertu de l'alinéa 1er de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1889, modifiée par le décret du 30 octobre 1935, l'expertise sera faite par trois experts, à moins que les parties ne consentent à ce qu'il y soit procédé par un seul ; qu'il appartient, en outre, au Tribunal administratif de décider qu'il y sera procédé par un seul expert, en raison de la nature ou du peu d'importance du litige ; qu'il s'ensuit que, dans cette dernière hypothèse, le Tribunal administratif né peut ordonner une expertise par un expert unique qu'après avoir constaté que la nature ou le peu d'importance du litige justifient le recours à un seul expert ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a confié à un expert unique la mission définie ci-dessus ; qu'il ne résulte pas des termes de ce jugement, qu'avant de poser ainsi le principe de l'expertise par un expert unique, le Tribunal administratif ait recherché si la nature ou le peu d'importance du litige permettait de recourir à cette procédure ; qu'ainsi le Tribunal administratif a méconnu les dispositions susrappelées de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1889, et commis une erreur de droit ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que c'est à bon droit qu'en raison de la nature du litige qui lui était soumis, le Tribunal administratif de Rouen n'a désigné qu'un seul expert ;
Considérant que de ce qui précède il résulte que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Barentin à la requête présentée par les sieurs Y... et X..., enregistrée sous le n° 62.627, laquelle tend aux mêmes fins que leurs recours incidents sous les requêtes introduites par l'Entreprise Bouhana et la ville de Barentin, enregistrées sous les n° 61.835 et 61.836, les trois requêtes susvisées doivent être rejetées ; ... Rejet des requêtes susvisées de l'Entreprise Bouhana, de la ville de Barentin et des sieurs Y... et X... ainsi que des recours incidents de ces derniers ; dépens mis à leur charge .


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 61835;61836;62827
Date de la décision : 07/04/1967
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE - Partage de responsabilités - Questions communes - Responsabilité décennale des hommes de l'art.

39-06-01-04-03-02 Partage de responsabilité entre le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur et les architectes - Désordres apparus dans des terrains de sport. Partage de responsabilités entre la ville, maître de l'ouvrage, l'entrepreneur et les architectes.

PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - Expertise ordonnée par expert unique en raison de la nature ou du peu d'importance du litige.

54-04-02-02 En vertu de l'alinéa 1er de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1889 modifié par le décret du 30 octobre 1935, l'expertise doit être faite par trois experts à moins que les parties ne consentent à ce qu'il y soit procédé par un seul. Il appartient en outre au tribunal administratif de décider qu'il y sera procédé par un seul expert, en raison de la nature et du peu d'importance du litige. Dans cette dernière hypothèse, le tribunal administratif ne peut ordonner une expertise par un expert unique qu'après avoir constaté que la nature ou le peu d'importance du litige justifie le recours à un seul expert. En l'espèce, il ne résulte pas des termes du jugement qu'avant de poser le principe de l'expertise par un expert unique, le tribunal administratif ait procédé à cette recherche. Il a ainsi commis une erreur de droit. Toutefois, il résulte de l'instruction que c'est à bon droit qu'en raison de la nature du litige qui lui était soumis, le tribunal n'a désigné qu'un seul expert. Maintien de son jugement.


Références :

Décret du 30 octobre 1935
Loi du 22 juillet 1889 art. 14


Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 1967, n° 61835;61836;62827
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cadoux
Rapporteur public ?: M. Baudouin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1967:61835.19670407
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award