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20/10/1978 | FRANCE | N°04423

France | France, Conseil d'État, 7/8/9 ssr, 20 octobre 1978, 04423


Vu la requête présentée pour le sieur X... , demeurant à ... , ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 avril 1976 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 26 mai 1976 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu des personnes physiques à laquelle il a été assujetti au titre des années 1963 à 1967, à raison de la plus-value réalisée par la dame Y... à l'occasion de la fusion de sociétés immobilières avec la soci

té Z.... Vu le Code général des impôts ; Vu la loi du 15 mars 19...

Vu la requête présentée pour le sieur X... , demeurant à ... , ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 avril 1976 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 26 mai 1976 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu des personnes physiques à laquelle il a été assujetti au titre des années 1963 à 1967, à raison de la plus-value réalisée par la dame Y... à l'occasion de la fusion de sociétés immobilières avec la société Z.... Vu le Code général des impôts ; Vu la loi du 15 mars 1963 ; Vu la loi du 12 juillet 1965 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ensemble le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que, selon les stipulations d'un acte sous seing privé du 12 décembre 1966, la société anonyme Z... a absorbé par voie de fusion trois sociétés anonymes, la A... ; la B... et la C... propriétaires des immeubles sis à ces adresses à ... ; que les actionnaires des sociétés absorbées, au nombre desquels figurait l'épouse du sieur X... , ont reçu 11236 actions d'une valeur nominale de 50 F créées par la société absorbante en rémunération de ces apports ; que la convention de fusion a été approuvée par des assemblées générales extraordinaires tenues respectivement le 30 décembre 1966 en ce qui concerne les sociétés absorbées et le 23 janvier 1967 en ce qui concerne la société absorbante, puis a été déposée au rang des minutes d'un notaire les 27 et 31 janvier 1967 ; qu'à cette dernière date, le cours des actions de la Société Z... , cotées à la Bourse de Paris, était de 620 F. Considérant que l'administration, constatant que l'actif des sociétés absorbées comprenait uniquement des immeubles et estimant que ceux-ci avaient le caractère de terrains à bâtir au sens de l'article 150 ter I-2 du code général des impôts, a regardé les plus-values réalisées, à l'occasion de l'opération ci-dessus décrite, par les actionnaires des sociétés absorbées comme entrant dans le champ d'application de l'article 150 quinquies I-1 du même code, aux termes duquel "les dispositions des articles 150 ter I à V et 150 quater sont applicables ... aux cessions à titre onéreux des actions ... émises par les sociétés dont l'actif est constitué principalement par des biens visés à l'article 150 ter I" ; qu'elle a en conséquence rattaché aux revenus de 1967 du sieur la quote-part de la plus-value réalisée par son épouse, qui a été fixée à 408600 F et a été comprise dans les bases d'imposition à concurrence de 60 % de son montant, soit 245160 F ; que des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques établies sur ces bases et étalées, à la demande de l'intéressé, sur les années 1963 à 1967, ont été assignées au sieur X... , qui en demande la décharge ou subsidiairement la réduction.
Sur les conclusions en décharge : Considérant, en premier lieu, qu'en cas de fusion de deux sociétés anonymes, l'échange auquel il est procédé des actions de la société absorbée contre des actions nouvellement émises par la société absorbante présente, contrairement à ce que soutient le requérant, le caractère d'une cession à titre onéreux des actions de la société absorbée. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 150 ter-I-2 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 1967, "sont également soumis aux dispositions du présent article les terrains qui supportent des constructions de faible importance ou pouvant être considérées comme destinées à être démolies eu égard, d'une part, à leur valeur et, d'autre part, au prix de cession ou à l'indemnité d'expropriation ... les bâtiments existant sur un terrain sont réputés destinés à être démolis lorsque leur valeur intrinsèque appréciée en fonction du coût de la construction au jour de l'aliénation et compte tenu de leur état d'ancienneté et d'entretien à la même date, est inférieure à un pourcentage du prix de cession ou de l'indemnité d'expropriation qui sera fixé par décret eu égard au rapport normal constaté entre le prix d'acquisition des terrains et le coût des constructions nouvelles. Le chiffre ne pourra excéder 30 % ; qu'en vertu de l'article 41 octodecies de l'annexe III au même code, "les terrains recouverts de bâtiments dont la valeur intrinsèque ... est inférieure à 30 % du prix de cession ... sont considérés comme des terrains non bâtis".
Considérant que le patrimoine immobilier des sociétés absorbées se composait uniquement de terrains supportant des constructions ; qu'il résulte de l'instruction que la valeur intrinsèque des bâtiments n'atteignait pas 30 % du prix de cession ; que d'ailleurs les parties ont fixé à 86111 F seulement la valeur d'apport de ces bâtiments, le requérant se bornant quant à lui, pour soutenir que la valeur des bâtiments était de l'ordre de 2200000 F, à des allégations de caractère général sur la valeur vénale de bâtiments aussi bien situés, sans fournir quelque précision que ce soit sur ce qu'aurait été leur coût de reconstitution, sur leur état de vétusté ou même sur le montant pour lequel ils étaient assurés ; qu'ainsi les constructions dont il s'agit ont été regardées à bon droit comme "destinées à être démolies" au sens de l'article 150 ter I-2 ; que, par suite, l'actif des sociétés absorbées étant constitué principalement par des biens visés à l'article 150 ter I, au sens de l'article 150 quinquies I-1, la cession des actions de ces sociétés entrait bien dans le champ d'application de ce dernier texte. Considérant, en troisième lieu, que, si l'article 159-2 du code général des impôts, dont la rédaction applicable à l'année d'imposition 1967 est issue de l'article 15-3 de la loi du 12 juillet 1965, dispose que "l'attribution gratuite d'actions soit dans les conditions prévues à l'article 115, soit en conséquence de l'incorporation de réserves au capital, est également exonérée de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Il en est de même des plus-values résultant de cette attribution", ces dispositions sont relatives, d'après leurs termes mêmes, au seul cas où une opération de fusion impliquerait une distribution de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'elles ne peuvent par suite faire échec à l'application des dispositions de l'article 150 quinquies prescrivant d'imposer, dans une autre catégorie de revenus définie depuis 1963 à l'article 150 ter, les plus-values provenant de la cession de certains titres réputés représentatifs de terrains non bâtis.
Considérant, il est vrai, que, sur ce point, le requérant, se référant aux prescriptions de l'article 1649 quinquies E du code, prétend que l'administration aurait, antérieurement à un "revirement doctrinal" de 1970, donné des articles 159-2 et 115 une interprétation conduisant dans la présente espèce à une exonération des plus-values litigieuses. Considérant que, si le ministre a effectivement, à l'occasion de diverses réponses faites à des questions de membres du Parlement, exposé sa doctrine quant à l'exonération à accorder en cas de fusion en matière d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ou plus généralement en matière d'impôt sur le revenu, cette interprétation de la loi fiscale, exprimée avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 1963 de laquelle sont issues les dispositions précitées des articles 150 ter et 150 quinquies du code, concerne uniquement l'application des articles 159-2 et 115 et non la question, qui seule importe dans le présent litige, de savoir si les dispositions de l'article 150 quinquies sont applicables nonobstant celles de l'article 159-2 ; qu'ainsi il n'existait pas avant 1970 de doctrine administrative dont le requérant pût se prévaloir dans le présent litige et que l'interprétation donnée pour la première fois par l'administration en 1970 ne peut dès lors être regardée comme un revirement doctrinal.
Sur les conclusions en réduction : Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 150 ter II-1 du code la plus-value imposable est constituée par la différence entre le prix de cession du bien et une somme égale au prix pour lequel le bien a été acquis à titre onéreux par le contribuable ou le prix pour lequel le bien a été acquis à titre onéreux par ses auteurs s'il est entré dans le patrimoine du cédant par voie de mutation à titre gratuit ; que, pour les biens entrés dans le patrimoine du cédant soit par voie de donation ayant acquis date certaine avant le 1er septembre 1963, soit par voie de donation partage remontant à plus de trois ans, soit par voie de succesion, la valeur vénale au jour de la mutation à titre gratuit est substituée au prix d'acquisition. Considérant que, s'agissant de cessions d'actions de sociétés absorbées moyennant la remise d'actions nouvellement émises par la société absorbante, le prix de cession à retenir est la valeur réelle des actions nouvelles reçues par le cédant à la date où ces dernières lui ont été définitivement acquises, c'est-à-dire à la date à laquelle la fusion a été juridiquement parfaite, sans qu'il y ait lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, de se référer aux estimations auxquelles se sont livrées les parties pour arrêter, au terme de leurs négociations la parité d'échange entre actions de chaque société absorbée et actions nouvelles de la société absorbante ; que, les actions de la société absorbante étant en l'espèce cotées à la Bourse de Paris, c'est à juste titre que, pour déterminer la valeur des actions reçues par les actionnaires des sociétés absorbées, l'administration s'est fondée sur le cours coté le 31 janvier 1967, soit 620 F par action ; que le requérant n'invoque aucune circonstance particulière, touchant notamment aux difficultés qu'aurait pu rencontrer une aliénation rapide de ces titres, pour soutenir que la valeur réelle des actions nouvelles aurait été en fait, le 31 janvier 1967, inférieure au cours coté à la même date pour les actions anciennes ; que, dans ces conditions, le prix de cession retenu pour le calcul des plus-values litigieuses, soit 620 F par action remise au cédant, ne peut être regardé comme exagéré.
Considérant, en ce qui concerne la détermination du prix d'acquisition des actions cédées, qu'il y a lieu de se référer à la date à laquelle ces actions sont entrées dans le patrimoine du cédant et aux conditions auxquelles le cédant les a acquises à cette date ; qu'au présent cas les actions cédées n'avaient pas été achetées à un tiers moyennant un prix déterminé, mais ont été créées lors de la constitution en 1960 des trois sociétés précitées auxquelles la société anonyme A... a fait apport d'immeubles lui appartenant, par la voie d'une scission comportant l'attribution des actions des trois sociétés nouvelles aux actionnaires de la société scindée, au nombre desquels figuraient la dame Y... ou ses auteurs ; que, dans ces circonstances, la date d'acquisition des actions d'une société ne pouvant être antérieure à la création de celle-ci, il y a lieu de se référer non, comme le soutient le requérant, à la date et aux conditions d'acquisition des actions de la société A... , mais, comme l'a fait l'administration, à la date et aux conditions d'acquisition des actions des trois sociétés nouvelles issues de la scission. Considérant, enfin, que si le requérant allègue qu'une partie des actions cédées aurait été acquise par voie de succession, il ne fournit aucune précision à l'appui de cette allégation, qui n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le sieur X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Décide : ARTICLE 1ER : La requête susvisée du sieur X... est rejetée.


Synthèse
Formation : 7/8/9 ssr
Numéro d'arrêt : 04423
Date de la décision : 20/10/1978
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE - Régime des fusions-absorptions - Cession des titres de la société absorbée contre des actions émises par la société absorbante.

19-04-01-04-03 En cas de fusion de deux société anonymes, l'échange des actions de la société absorbée contre des actions nouvellement émises par la société absorbante présente le caractère d'une cession à titre onéreux des actions de la société absorbée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS FONCIERS ET PLUS-VALUES ASSIMILABLES - PLUS-VALUES ASSIMILABLES [ART - 150 TER DU C - G - I - ] - [1] Champ d'application : application dans le cas d'apport à une société absorbante de titres de sociétés absorbées représentatifs de terrains non bâtis - [2] Calcul de la plus-value - [21] Prix de cession - Evaluation de ce prix dans le cas de remise au cédant d'actions nouvellement émises par une société absorbante - [22] Valeur d'entrée dans lepatrimoine du vendeur - Cas de titres représentatifs de terrains à bâtir.

19-04-02-02-02[1], 19-04-02-03-01-03 L'exonération édictée à l'article 159-2 du C.G.I., qui fait référence à l'article 115, n'est applicable qu'aux opérations de fusion qui impliqueraient une distribution de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Elle ne fait donc pas obstacle à l'imposition, en application de l'article 150 quinquies, des plus-values provenant de la cession par les membres de la société absorbée à la société absorbante de titres représentatifs de terrains non bâtis.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - DIVERS - Régime des fusions et scissions [art - 159-2 et 115 du Code] - L'exonération ne s'applique pas si les plus-values proviennent de la cession de titres représentatifs de terrains non bâtis [art - 150 quinquies du Code].

19-04-02-02-02[21] En cas de cession d'actions de sociétés absorbées, représentatives de terrains à bâtir, contre remise d'actions nouvellement émises par la société absorbante, le prix de cession à retenir est la valeur réelle de ces actions nouvelles, appréciée à la date à laquelle la fusion a été juridiquement parfaite.

19-04-02-02-02[22] En cas de cession d'actions représentatives de terrains à bâtir, le prix d'acquisition des titres cédés doit être évalué à la date à laquelle ces actions sont entrées dans le patrimoine du cédant.


Références :

CGI 115
CGI 150 quinquies I 1
CGI 150 ter I 2 [1967]
CGI 150 ter II 1
CGI 159-2 [1967]
CGIAN3 41 octodecies
LOI du 19 décembre 1963
LOI du 12 juillet 1965 Art. 15 3


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 1978, n° 04423
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rain
Rapporteur ?: Mme Jurgensen
Rapporteur public ?: M. Rivière

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1978:04423.19781020
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