Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 octobre 1984 et 11 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Bernard X..., demeurant ... à Perpignan 66000 , agissant tant en son nom personnel qu'en tant que président de l'association de sauvegarde de l'environnement de l'ancien chemin départemental 1, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 28 mars 1984 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées Orientales en date du 16 décembre 1977 autorisant M. Jean Y... à créer une décharge de matières de vidange de fosses d'aisance sur les parcelles n°s 1 et 9 section CS du plan cadastral du territoire de la ville de Perpignan ;
2° déclare illégal cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. X... et de l'association de sauvegarde de l'ancien C.D.1 et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de la SARL Jean Y...,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée au tribunal administratif de Montpellier :
Considérant que l'article 14 de la loi 76-663 du 19 juillet 1976 dispose : "Les décisions prises en application des articles 3, 6, 11, 12, 16, 23, 24 et 26 de la présente loi peuvent être déférées à la juridiction administrative : 1° par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où lesdits actes leur ont été notifiés, 2° par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article 1°, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes, ce délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en activité de l'installation ..." ;
Considérant que M. X... et l'association de sauvegarde de l'environnement de l'ancien C.D.1 de Perpignan ont la qualité de tiers vis-à-vis de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 16 décembre 1977 autorisant M. Jean Y... à créer une décharge de matière de vidange des fosses d'aisance sur le territoire de la commune de Perpignan ; qu'eu égard à ce que la loi elle-même a fixé à quatre années le délai pendant lequel les tiers sont recevables à déférer au juge administratif, notamment les arrêtés autorisant l'ouverture des installations classées pour la protection de l'environnement, la circonstance que le demandeurs ont pendant ce délai introduit des recours gracieux dont l'un a fait l'objet d'une décision explicite de rejet, n'a pas été de nature à les priver de la possibilité d'attaquer, devant le tribunal administratif de Montpellier dans le délai de quatre ans ouvert par la disposition législative précitée l'arrêté du 16 décembre 1977 ; qu'il suit de là que leur demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 29 octobre 1981 n'était pas tardive ;
Sur la recevabilité de la requête devant le Conseil d'Etat :
Considérant que si la requête introductive d'instance a été signée par un avocat mandaté par M. X... pour le représenter, elle a été régularisée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; qu'ainsi elle est recevable ;
Au fond :
Considérant que les décharges de matières de vidange des fosses d'aisance sont soumises à des procédures d'autorisation prévues par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ; que cette loi dispose, en son article 9, que dans les communes comportant une aire de production de vins d'appellation d'origine, l'avis du ministre de l'agriculture doit être demandé ; que la décharge créée par la société Jean Y... est située sur le territoire de la commune de Perpignan ; que cette commune comporte des aires de production de vins d'appellation d'origine, grand Roussillon et muscat de Rivesaltes ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'avis du ministre de l'agriculture n'a pas été sollicité ; qu'ainsi l'arrêté précité du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 16 décembre 1977 est entaché d'illégalité, et que M. X... est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a refusé d'en prononcer l'annulation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 28 mars 1984 et l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales, en date du 16 décembre 1977, autorisant M. Jean Y... à créer une décharge de matières de vidange sur le territoire de la commune de Perpignan sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X..., à la société Jean Y..., au ministre de l'intérieur, au ministre de l'agriculture et au ministre délégué auprès du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports chargé de l'environnement.