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12/05/1989 | FRANCE | N°85852

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 12 mai 1989, 85852


Vu le recours du MINISTRE DES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER enregistré le 16 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 24 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a annulé la décision du délégué du gouvernement, Haut-Commissaire de la République du 4 mars 1986, prononçant l'interdiction d'entrée sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances de Mme Dorothée X... ;
2° rejette la demande de Mme X... devant le tribunal administratif de Nouméa,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et...

Vu le recours du MINISTRE DES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER enregistré le 16 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 24 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a annulé la décision du délégué du gouvernement, Haut-Commissaire de la République du 4 mars 1986, prononçant l'interdiction d'entrée sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances de Mme Dorothée X... ;
2° rejette la demande de Mme X... devant le tribunal administratif de Nouméa,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son article 55 ;
Vu la loi du 3 décembre 1849 ;
Vu la loi du 29 mai 1874 ;
Vu le traité de Rome, notamment son article 131 et son annexe IV, ensemble la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 ;
Vu la loi n° 85-892 du 23 août 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions la rendant applicable au territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration est sans application dans ce territoire ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose la motivation d'une mesure de police ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nouméa s'est fondé sur ce que l'arrêté du 4 mars 1986 du Haut-Commissaire de la République prononçant l'interdiction d'entrée de Mme Piermont sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie n'était pas motivé pour en prononcer l'annulation ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme X... devant le tribunal administratif de Nouméa ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849 sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France, maintenue en vigueur dans les territoires d'outre-mer et applicable dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances : "Le ministre de l'intérieur pourra par mesure de police enjoindre à un étranger voyageant ou résidant en France de sortir immédiatement du territoire français et le faire reconduire à la frontière" ; qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 29 mai 1874, les droits conférés au ministre de l'intérieur par l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849 précitée, sont exercés par le représentant du gouvernement dans le territoire ; que compte tenu tant des agissements de Mme X... au cours des jours précédents que des troubles provoqués par l'annonce de son arrivée sur le territoire, le Haut-Commissaire, en estimant que la présence de Mme X... constituerait une menace pour l'ordre public et en interdisant par ce motif l'accès du territoire de la Nouvelle-Calédonie à l'intéressée, n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que si Mme X... invoque les stipulations du traité de Rome sur la libre circulation sur le territoire des Etats membres, les articles 135 et 227 du traité renvoient la mise en euvre de cette liberté dans les pays associés dont font partie les territoires d'outre-mer français à des conventions ultérieures qui requièrent l'unanimité des Etats membres ; qu'en l'absence de telles conventions, le moyen ne saurait, en tout état de cause, être accueilli ;
Considérant que les privilèges et immunités reconnus aux membres du parlement européen par les articles 6 à 11 du protocole du 8 avril 1965 assurent à ceux-ci le libre déplacement pour se rendre au parlement et les protègent contre toute mesure de poursuite ou de détention durant ses réunions mais ne sauraient faire obstacle à l'édiction d'une mesure de police de la nature de celle qui a été prise à l'encontre de Mme X... ;
Considérant, enfin, que la mesure attaquée ne porte pas atteinte à la liberté d'expression définie aux articles 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève de l'article 2 alinéa 3 du protocole n° 4 annexé à ladite convention qui autorise les restrictions à la libre circulation fondées sur les impératifs de sécurité nationale, de sûreté publique et d'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 24 décembre 1986 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nouméa est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au ministre des départements et territoires d'outre-mer et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 85852
Date de la décision : 12/05/1989
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979 - Champ d'application de la loi du 11 juillet 1979 - Applicabilité dans les territoires d'outre-mer - Nouvelle-Calédonie - Absence (1).

01-03-01-02-01-01, 46-01-01-02 En l'absence de dispositions la rendant applicable au territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration est sans application dans ce territoire.

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - ABSENCE - Nouvelle Calédonie - Mesure de police (1).

01-03-01-02-01-03 En l'absence de dispositions la rendant applicable au territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration est sans application dans ce territoire. Aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposant la motivation d'une mesure de police, les arrêtés du Haut-Commissaire de la République prononçant en application des dispositions combinées de l'article 7 de la loi du 3 décembre 1849 sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France, maintenue en vigueur dans les territoires d'outre-mer et applicable dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie, et de l'article 2 de la loi du 29 mai 1874, l'interdiction d'entrée d'étrangers sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie n'ont pas à être motivés.

- RJ1 OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - APPLICABILITE DANS LES D - O - M - -T - O - M - DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES - TERRITOIRES D'OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Applicabilité de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration - Absence (1).


Références :

. Loi du 03 décembre 1849 art. 7
. Loi du 29 mai 1874 art. 2
Convention européenne du 03 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 10, art. 14
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Traité du 25 mars 1957 art. 135, art. 227

1.

Cf. Décision du même jour, Ministre des départements et des territoires d'outre-mer c/ Mme Piermont, n° 85851, en ce qui concerne la Polynésie française et dépendances


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 1989, n° 85852
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Dubos
Rapporteur public ?: M. Vigouroux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:85852.19890512
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