La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/1993 | FRANCE | N°133429

France | France, Conseil d'État, 10/ 7 ssr, 19 mai 1993, 133429


Vu l'ordonnance, en date du 18 décembre 1991, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 avril 1992, par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article premier du décret du 30 septembre 1953 et de l'article R.68 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les demandes présentées à ce tribunal par la SOCIETE DISCOLEC, dont le siège est sis ... de la Réunion (97400) ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Ré

union le 12 septembre 1991 présentée par la SOCIETE DISCOLEC ;...

Vu l'ordonnance, en date du 18 décembre 1991, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 avril 1992, par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article premier du décret du 30 septembre 1953 et de l'article R.68 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les demandes présentées à ce tribunal par la SOCIETE DISCOLEC, dont le siège est sis ... de la Réunion (97400) ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion le 12 septembre 1991 présentée par la SOCIETE DISCOLEC ; la SOCIETE DISCOLEC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté, en date du 20 août 1991, par lequel le préfet de la Réunion a suspendu l'importation et la mise sur le marché de bouilloires électriques et ordonné leur retrait du marché et la décision du directeur départemental de la concurrence rendant cet arrêté immédiatement applicable ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution des deux décisions susmentionnées ;
3°) d'annuler l'arrêté, en date du 13 septembre 1991, du ministre de l'économie, des finances et du budget portant suspension, pour un an, de l'importation et de la mise sur le marché de ces bouilloires électriques et ordonnant leur reprise ;
4°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêté susmentionné ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs ;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 modifié, notamment par le décret n° 72-143 du 22 février 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 21 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stahl, Auditeur,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 sur la sécurité des consommateurs : "En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre, par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger" ;
Considérant que, par application de cette disposition, le préfet de la Réunion, par arrêté du 20 août 1991 et le ministre de l'économie, des finances et du budget, par arrêté du 13 septembre 1991, ont, respectivement dans le département et sur l'ensemble du territoire national, prononcé la suspension de l'importation et de la mise sur le marché de bouilloires importées de Chine par la SOCIETE DISCOLEC ; que celle-ci demande l'annulation et le sursis à exécution de ces arrêtés ;
Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient que les décisions attaquées sont illégales pour ne pas avoir été précédées d'une procédure contradictoire, la loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs, en vertu de ses article 3 et 6, a entendu exclure, à cette phase, une telle obligation ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut être accueilli ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi précitée : "Les agents mentionnés à l'article 4 ci-dessus peuvent pénétrer de jour dans les lieux désignés à l'article 4 de la loi du 1er août 1905 modifiée sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, y prélever des échantillons et recueillir auprès du professionnel concerné, qui est tenu de les fournir, tous les éléments d'information permettant d'apprécier le caractère dangereux ou non du produit ou du service (...) Lorsque ces lieux sont également à usage d'habitation, ces contrôles ne peuvent être effectués que le jour et avec l'autorisation du procureur de la République si l'occupant s'y oppose" ;

Considérant qu'il ressort de cette disposition que, contrairement à ce que soutient la société, l'administration n'était pas tenue de l'aviser de sa visite et pouvait procéder aux contrôles qu'elle jugeait nécessaires quand bien même le chef d'entreprise n'aurait pas été présent ; que, par ailleurs, il ressort du procès-verbal de la visite effectuée le 30 mai 1991 dans les locaux de la société qu'un membre de celle-ci a assisté au contrôle sans s'y opposer ; qu'ainsi l'administration a pu légalement procéder à ce contrôle sans avoir à solliciter l'autorisation du procureur de la République ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'intervention de l'arrêté préfectoral manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 21 juillet 1983 précitée, "en cas de danger grave ou immédiat, le représentant de l'Etat dans le département prend les mesures d'urgence qui s'imposent. Il en réfère aussitôt au ministre intéressé et au ministre chargé de la consommation qui se prononcent, par arrêté conjoint, dans un délai de 15 jours" ; qu'il résulte de cette disposition que le délai imparti aux ministres pour se prononcer sur les mesures à prendre n'est pas prescrit à peine de nullité ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté ministériel attaqué ait été pris après l'expiration du délai susmentionné n'est pas de nature à affecter sa régularité ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la consultation des professionnels concernés et celle des associations nationales de consommateurs agréés prévues à l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 n'auraient pas eu lieu dans les conditions de délai prévues audit article est sans conséquence sur la légalité de l'arrêté ministériel attaqué ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que plusieurs accidents se sont produits, à Saint-Denis de la Réunion, au domicile d'usagers de bouilloires importées de Chine et commercialisées par la SOCIETE DISCOLEC ; qu'à l'issue de deux essais pratiqués en juin et juillet 1991 sur ces appareils, le laboratoire central des industries électriques a conclu à l'insuffisance de l'isolement de la résistance chauffante, à l'apparition de flammes dans l'appareil, et à leur caractère dangereux ; que, par suite, le préfet de la Réunion et le ministre étaient fondés, compte-tenu du danger grave et immédiat que présentaient les bouilloires en cause, à prendre des mesures d'urgence pour assurer la protection des consommateurs ;
Considérant, en sixième lieu, que les auteurs des arrêtés attaqués n'ont pas adopté, en suspendant l'importation et la mise sur le marché des bouilloires incriminées et en ordonnant leur retrait, une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que présentait l'usage de ces appareils pour les consommateurs ;
Considérant, enfin, que le ministre n'était nullement tenu, en prenant la mesure de suspension attaquée, de prévoir les conditions dans lesquelles les produits pourraient être remis sur le marché ;
Considérant que, de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution devenues sans objet, il résulte que la SOCIETE DISCOLEC n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés susmentionnés du préfet de la Réunion, en date du 20 août 1991 et du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget en date du 13 septembre 1991 ;
Article 1er : La requête susvisée de la SOCIETE DISCOLEC est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DISCOLEC, au préfet de la Réunion et au ministre de l'économie.


Synthèse
Formation : 10/ 7 ssr
Numéro d'arrêt : 133429
Date de la décision : 19/05/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-03 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - REGLEMENTATION DE LA PROTECTION ET DE L'INFORMATION DES CONSOMMATEURS -Sécurité des consommateurs (loi n° 83-660 du 21 juillet 1983) - Pouvoirs de visite et de contrôle de l'administration (article 5 de la loi) - Conditions de régularité de la procédure - Régularité en l'espèce.

14-02-01-03 En vertu de l'article 5 de la loi du 21 juillet 1983, les agents chargés du contrôle peuvent pénétrer de jour dans les lieux désignés à l'article 4 de la loi du 1er août 1905, y prélever des échantillons et recueillir auprès du professionnel concerné, qui est tenu de les fournir, tous les éléments d'information permettant d'apprécier le caractère dangereux ou non du produit ou du service. Lorsque ces lieux sont également à usage d'habitation, ces contrôles ne peuvent être effectués que le jour et avec l'autorisation du procureur de la République si l'occupant s'y oppose. Il ressort de cette disposition que l'administration n'était pas tenue d'aviser la société de sa visite et pouvait procéder aux contrôles qu'elle jugeait nécessaires quand bien même le chef d'entreprise n'aurait pas été présent. Par ailleurs, la visite a été effectuée dans les locaux en présence d'un de ses membres qui ne s'est pas opposé au contrôle, rendant légale la procédure sans que l'administration ait à solliciter l'autorisation du procureur de la République.


Références :

Loi 83-660 du 21 juillet 1983 art. 3, art. 5, art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 1993, n° 133429
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Stahl
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:133429.19930519
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award