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16/02/1994 | FRANCE | N°129857

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 16 février 1994, 129857


Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE demande au conseil d'Etat :
1° d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 1991 déclarant d'utilité publique les travaux construction de la section Strasbourg-Sélestat de l'autoroute A 35 dite voie rapide du Piémont des Vosges classant cette liaison dans

la catégorie des autoroutes et portant mise en compatibilité des p...

Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE demande au conseil d'Etat :
1° d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 juillet 1991 déclarant d'utilité publique les travaux construction de la section Strasbourg-Sélestat de l'autoroute A 35 dite voie rapide du Piémont des Vosges classant cette liaison dans la catégorie des autoroutes et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes d'Entzheim, de Blaesheim, d'Innenheim, d'Obernai, de Gertwiller, de Barr, de Goxwiller, de Saint-Pierre, d'Epfig, d'Ebersheim, de Dambach la Ville, dans le département du Bas-Rhin ;
2° de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu la directive n° 79-409 du 2 avril 1979 de conseil des communautés européennes ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 77-1441 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Aprés avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Austry, Auditeur,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles relatives à la publicité de l'avis d'ouverture d'enquêtes publiques :
Considérant que, par arrêté du 29 novembre 1989, le préfet du Bas-Rhin a prescrit l'ouverture des enquêtes publiques préalables à la déclaration d'utilité publique des travaux de construction de la section Strasbourg-Sélestat de l'autoroute A 35, à l'attribution du caractère autoroutier à cette voie et à la mise en compatibilité des plans d'occupations des sols des communes concernées par la réalisation de ce projet ; qu'il ressort de l'attestation, produite par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace, dont les termes ne sont pas utilement contestés par l'association requérante, que l'avis d'ouverture de ces enquêtes effectuées conjointement a été affiché en bordure de la RN 422 le 15 décembre 1989 soit plus de quinze jours avant leur début fixé au 2 janvier 1990 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du dernier alinéa de l'article R.11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique manque en fait ;
Sur les moyens relatifs à l'organisation de l'enquête publique :
Considérant, d'une part, que l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE (section du Bas-Rhin) soutient que l'enquête publique serait irrégulière aux motifs, d'une part, que le dossier soumis à l'enquête ne donnait pas au public une information suffisante pour lui permettre de formuler ses observations en connaissance de cause et des refus, d'autre part, qui ont été opposés à ses demandes tendant, eu égard à la complexité du projet, à proroger la durée de l'enquête publique et à organiser une réunion publique ; qu'en vertu, toutefois, des dispositions des articles R.11-14-12 et R.11-14-15 du code de l'expropriation, l'utilité des mesures demandées par l'association étant laissé à l'appréciation discrétionnaire de la commission d'enquête et de son président, ceux-ci ont pu, par suite, légalement ne pas les prescrire ; qu'en outre, la commission d'enquête n'était pas tenue d'assister à une réunion publique organisée par l'association requérante ;

Considérant, d'autre part, que l'association requérante n'établit pas que le nombre des permanences pendant lesquelles les membres de la commission d'enquête se sont tenus à la disposition du public pour recevoir ses observations aurait été insuffisant ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact présente une analyse de l'état initial du site et de son environnement et répond aux exigences de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 susvisé ; que la circonstance qu'elle ne procède pas à l'inventaire des "zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique" présentes sur le site ne suffit pas, à elle seule, à démontrer l'insuffisance de l'analyse de l'état initial du site, dès lors qu'elle fait par ailleurs mention de l'existence de zones naturelles sensibles au regard de la faune et de la flore ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'étude d'impact comporte une analyse précise et complète des effets sur l'environnement de la réalisation de la voie rapide dont il s'agit, notamment en ce qui concerne l'impact sur le paysage et sur les terres agricoles, les risques de pollution de l'eau et les effets de coupures biologiques ; qu'elle énumère les mesures envisagées pour réduire les conséquences dommageables du projet ; que si l'association allègue qu'aucune étude n'a été faite de l'impact du trafic autoroutier sur la pollution atmosphérique, le ministre fait valoir sans être utilement contredit que le trafic prévu n'induira pas de nuisances supplémentaires mesurables ; qu'au surplus, il résulte de l'étude d'évaluation économique et sociale que, contrairement à ce que soutient l'association, l'augmentation prévisible du trafic international consécutif à l'ouverture au réseau international du chemin départemental n° 300 a été prise en considération dans l'étude d'impact ;

Considérant enfin que la circonstance que le représentant d'une administration aurait demandé un complément d'étude d'impact n'est pas de nature à établir l'insuffisance de l'étude jointe au dossier d'enquête ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'évaluation économique et sociale :
Considérant que l'évaluation économique et sociale du projet, réalisée en application de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982, comprend l'ensemble des analyses prévues par l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ; que la circonstance qu'elle ne procède pas à la comparaison économique du projet avec d'autres projets possibles relevant de modes de transport différents ne permet pas de la regarder comme insuffisante au regard des exigences de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 ;
Sur les moyens relatifs aux rapports de la commission d'enquête :
Considérant que, s'il n'est pas contesté que les trois avis motivés de la commission d'enquête correspondant aux différentes enquêtes publiques prescrites par le préfet et datés du 6 mars 1990 ont été déposés à la préfecture postérieurement à l'expiration du délai d'un mois à compter de la clôture des enquêtes, délai prévu à l'article R 11-14-14 du code de l'expropriation, cette circonstance est, toutefois, sans influence sur la légalité de l'acte attaqué dès lors, en effet, que ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ;
Sur les moyens tirés du défaut de consultation du ministre de l'agriculture ainsi que des collectivités territoriales et des établissements publics locaux :

Considérant, d'une part, qu'il ressort du dossier que l'avis du ministre de l'agriculture a été demandé par le directeur départemental de l'équipement du Bas-Rhin ainsi que l'exigeait en l'espèce l'article R.11-16 du code de l'expropriation ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article R.123-35-3 du code de l'urbanisme, dans le cas où la mise en compatibilité d'un plan d'occupation des sols avec une opération déclarée d'utilité publique est effectuée selon les modalités prévues à l'article L.123-8 de ce code, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale auquel le préfet a préalablement communiqué les documents mentionnés à l'alinéa 5 de l'article R.123-35-3 dudit code, doit se prononcer dans un délai de deux mois ; que s'il n'est pas intervenu dans ce délai, l'avis est réputé donné ;
Considérant qu'il est constant que ni la communauté urbaine de Strasbourg ni les conseils municipaux des communes d'Obernai et de Goxwiller n'ont émis d'avis dans le délai qui leur était imparti ; que par suite ces avis doivent, en vertu des dispositions précitées, être réputés avoir été donnés ; que dès lors le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris sans que ces avis aient été recueillis n'est pas fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation des objectifs définis par la directive n° 79-409 du 2 avril 1979 du conseil des communautés européennes :
Considérant qu'il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si les directives lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ; et si, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire des effets en droit interne ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la directive du 2 avril 1979 susvisée du conseil des communautés européennes : "Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver, maintenir ou rétablir une diversité et une superficie suffisante d'habitats pour toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions du décret attaqué qui modifient les plans d'occupations des sols de certaines communes, et qui ont ainsi un caractère réglementaire portent atteinte aux objectifs définis par ladite directive ;
Sur le moyen tiré de l'absence d'utilité publique :
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs en égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'eu égard tant à l'importance de l'opération, qui contribue au développement économique de la région Alsace et améliore les conditions de circulation et desécurité des riverains des RN 83 et 422 qu'aux précautions prises, en particulier pour limiter les atteintes portées à l'environnement, les inconvénients de toute nature que comporte ce projet ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt qu'il présente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre que l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE section du Bas-Rhin n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE section du Bas-Rhin est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION FEDERATIVE REGIONALE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE section du Bas-Rhin et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 129857
Date de la décision : 16/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE - DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES - Portée d'une directive à l'égard d'un acte déclaratif d'utilité publique ayant partiellement un caractère règlementaire.

15-02-04, 15-03-01-05, 15-05-10, 34-04-02-01-02, 54-07-01-04-035, 68-01-01-01-03 Le juge examine si un décret déclarant d'utilité publique les travaux de construction d'une autoroute, qui, dans la mesure où il modifie des plans d'occupation des sols, a un caractère réglementaire, porte atteinte aux objectifs définis par l'article 3 de la directive du 2 avril 1979, relatif à la préservation de la diversité et de la superficie de l'habitat des oiseaux sauvages. Absence d'atteinte en l'espèce (section Strasbourg - Sélestat de l'autoroute A 35).

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS - ACTES CLAIRS - DIRECTIVES - Directive n° 79-409 du 2 avril 1979 (conservation des oiseaux sauvages) - Absence de méconnaissance - Décret portant déclaration d'utilité publique et modification de plans d'occupation des sols.

- RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - ENVIRONNEMENT - Protection des oiseaux sauvages (directive n° 409/79 du 2 avril 1979) - Compatibilité avec la directive d'une déclaration d'utilité publique ayant partiellement un caractère réglementaire (1).

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - MOYENS - ACTE DECLARATIF D'UTILITE PUBLIQUE - Moyens opérants - Méconnaissance d'une directive communautaire - Examen de la compatibilité avec la directive n° 79-409 du 2 avril 1979 - Décret déclaratif d'utilité publique de nature réglementaire.

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS OPERANTS - Moyen tiré de la méconnaissance d'une directive communautaire - Méconnaissance d'une directive communautaire invoquée à l'encontre d'un acte déclaratif d'utilité publique de nature réglementaire (1).

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - Contentieux - Examen de la compatibilité avec le droit communautaire - Directive du 2 avril 1979 (protection des oiseaux sauvages).


Références :

CEE Directive Conseil n° 79-409 du 02 avril 1979 art. 3
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R11-14-7, R11-14-12, R11-14, R11-14-14, R11-14-15, R11-16
Code de l'urbanisme R123-35-3, L123-8
Décret du 25 juillet 1991 déclaration d'utilité publique décision attaquée confirmation
Décret 77-1441 du 12 octobre 1977 art. 2
Décret 84-617 du 17 juillet 1984 art. 4
Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 art. 14
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 189

1. Comp. 1994-03-07, Association pour le tracé ouest du contournement routier de Carling, p. 114


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 1994, n° 129857
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Austry
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:129857.19940216
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