Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Marie-Louise X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 5 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête qui tendait à l'annulation de la décision du 18 mai 1988 par laquelle le préfet du Finistère a retiré sa décision du 20 novembre 1987 lui accordant l'indemnité de cessation d'activité laitière ;
2°) annule pour excès de pouvoir la décision du 18 mai 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement n° 857-81 du 31 mars 1984 du conseil des Communautés Européennes ;
Vu le règlement n° 1371-84 du 16 mai 1984 de la commission des Communautés Européennes ;
Vu le décret n° 87-278 du 21 avril 1987 modifié concernant l'octroi d'une indemnité aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Daussun, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 21 avril 1987 : "En vue de faciliter la restructuration de la production laitière, tout producteur tel qu'il est défini à l'article 12 sous c, premier alinéa, du règlement C.E.E. n° 857-84 qui s'engage à abandonner de façon complète et définitive la commercialisation, entendue au sens de livraison à une entreprise, de lait de vache ou de produits laitiers, peut bénéficier à sa demande et dans les conditions définies ci-dessus, de l'une ou l'autre des indemnités prévues par le titre II et le titre III du présent décret" ; que selon l'article 4 du même décret : "Le bénéficiaire d'une indemnité instituée par le présent décret ne peut faire ou avoir fait usage des dispositions figurant à l'article 7 alinéa 1er, du règlement CEE n° 857-84 susvisé. La décision d'octroi de l'indemnité entraîne l'annulation de la quantité de référence de l'exploitation du bénéficiaire" ;
Considérant que l'article 7, alinéa 1er du règlement CEE n° 857-84 dispose que : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation, la quantité de référence est transférée totalement ou partiellement à l'acquéreur, au locataire ou à l'héritier selon des modalités à déterminer" ; que, selon l'article 5 du règlement n° 1371-84 de la commission du 16 mai 1984, les règles relatives au transfert des quantités de référence en cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation sont applicables par analogie aux autres cas de transfert qui comportent des effets juridiques comparables pour les producteurs ; qu'au nombre de ces autres cas de transfert figure la résiliation ou le non renouvellement du bail dont l'exploitation fait l'objet ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'un producteur de lait ne peut bénéficier de l'indemnité de cessation d'activité laitière s'il a, préalablement à la décision lui attribuant l'indemnité, transféré la quantité de référence dont il dispose, soit du fait de la vente ou de la location de son exploitation, soit du fait de la résiliation du bail dont il est titulaire ; qu'en revanche, dès lors que la décision d'octroi de l'indemnité entraîne l'annulation de la quantité de référence dont dispose le bénéficiaire, la résiliation du bail postérieurement à cette décision ne saurait avoir pour effet d'opérer un transfert de quantité de référence ; que, par suite, l'administration ne peut se fonder sur une résiliation de bail intervenue postérieurement à la décision d'attribution de l'indemnité pour regarder cette décision comme illégale et en prononcer le retrait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 20 novembre 1987, le préfet du Finistère a accordé l'indemnité de cessation d'activité laitière à Mme X... ; que si celle-ci a, le 8 décembre 1987 résilié le bail dont elle était titulaire, cette résiliation postérieure à l'octroi de l'indemnité, n'a pu avoir pour effet de transférer une quantité de référence dont l'intéressée ne disposait plus ; qu'ainsi Mme X... ne peut être regardée comme ayant fait usage des dispositions figurant à l'article 7, alinéa 1 du règlement n° 857-84 susvisé ; que le préfet ne pouvait, dès lors, se fonder sur la résiliation du bail de Mme X... pour retirer sa décision lui accordant l'indemnité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juin 1991 est annulé.
Article 2 : La décision du 18 mai 1988 du préfet du Finistère retirant la décision du 20 novembre 1987 accordant à Mme PARC l'indemnité de cessation d'activité laitière est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Louise X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.