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28/10/1994 | FRANCE | N°114648;114649

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 28 octobre 1994, 114648 et 114649


Vu, 1°) sous le n° 114 648, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 février 1990 et 6 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Denis Y..., demeurant à Digeon (80590) Morvillers ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 87393 du 21 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé, à la demande de MM. Jacques et Philippe X..., l'arrêté du 9 février 1987 par lequel le préfet de la Somme l'a autorisé à exploiter 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres sises à Morv

illers-Saint-Saturnin, en sus des surfaces qu'il met déjà en valeur ;
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Vu, 1°) sous le n° 114 648, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 février 1990 et 6 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Denis Y..., demeurant à Digeon (80590) Morvillers ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 87393 du 21 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé, à la demande de MM. Jacques et Philippe X..., l'arrêté du 9 février 1987 par lequel le préfet de la Somme l'a autorisé à exploiter 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres sises à Morvillers-Saint-Saturnin, en sus des surfaces qu'il met déjà en valeur ;
2°) rejette la demande présentée par MM. Jacques et Philippe X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu, 2°) sous le n° 114 649, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 février 1990 et 6 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Z..., demeurant à Digeon (80590) Morvillers ; M. et Mme Z... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 87231 du 21 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 14 janvier 1987 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. Jacques X... à exploiter 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres sises à Morvillers-Saint-Saturnin, en sus des surfaces qu'il met déjà en valeur ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Jactel, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Denis Y... et de M. et Mme Lionel Z...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 114648 de M. Denis Y... et n° 114649 de M. et Mme Z... sont relatives à la reprise d'une même parcelle et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 188-5 du code rural, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 juillet 1980 modifiée par la loi du 1er août 1984, la commission départementale des structures agricoles, compétente pour examiner les demandes d'autorisation de cumul d'exploitations, "est tenue de se conformer aux orientations définies dans le schéma directeur départemental des structures agricoles, et notamment : 1° d'observer l'ordre des priorités établi entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° de tenir compte, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, de la situation des terres concernées par rapport au siège de l'exploitation du ou des demandeurs, de la superficie des biens faisant l'objet de la demande et des superficies déjà mises en valeur par le ou les demandeurs ainsi que par le preneur en place ; 3° de prendre en considération la situation personnelle du ou des demandeurs : âge, situation familiale et professionnelle, et, le cas échéant, celle du preneur en place, ainsi que le nombre et la nature des emplois salariés en cause ; 4° de tenir compte de la structure parcellaire des exploitations concernées ... La commission dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la demande pour adresser son avis motivé au représentant de l'Etat dans le département. Dans les quinze jours suivant l'expiration du délai de deux mois mentionné ci-dessus, le représentant de l'Etat dans le département statue par décision motivée sur la demande d'autorisation ..." ;
Sur la requête n° 114648 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'en application des dispositions précitées le préfet, lorsqu'il est saisi de plusieurs demandes d'autorisation de reprise portant sur les mêmes terres et relevant du même ordre de priorité en application du schéma directeur départemental des structures, peut légalement faire droit à plusieurs de ces demandes ; qu'il suit de là que dès lors qu'il n'est pas soutenu, ni même allégué, que les deux demandes dont il était saisi relevaient d'ordres de priorité différents, le préfet de la Somme, qui avait, par un arrêté du 14 janvier 1987, autorisé M. X... à exploiter 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres sises à Morvillers-Saint-Saturnin et précédemment mises en valeur par M. et Mme Z..., a pu ultérieurement, sans procéder au retrait de cette décision, autoriser M. Y..., par un arrêté du 9 février 1987, à adjoindre ces mêmes terres à son exploitation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 9 février 1987, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le préfet de la Somme avait, par cet arrêté, illégalement procédé au retrait de son précédent arrêté du 14 janvier 1987 ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. Jacques et Philippe X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant que l'arrêté du 9 février 1987 est suffisamment motivé ; que le moyen soulevé à l'encontre de cette décision, et tiré de l'erreur d'appréciation dont elle serait entachée, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Denis Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par un jugement n° 87393 du 21 novembre 1989 le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de MM. Jacques et Philippe X..., annulé l'arrêté du 9 février 1987 ;
Sur la requête n° 114649 :
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'agriculture au moyen tiré de l'inapplicabilité en l'espèce des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures :
Considérant que devant les premiers juges, M. et Mme Z... soulevaient notamment des moyens de légalité interne à l'encontre de l'arrêté du 14 janvier 1987 du préfet de la Somme autorisant M. X... à exploiter 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres sises à Morvillers-Saint-Saturnin et précédemment mises en valeur par les requérants ; qu'ainsi le moyen soulevé en appel, tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur de droit, n'est pas fondé sur une cause juridique distincte de ceux invoqués en première instance, et est par suite recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté du 14 janvier 1987 :
Considérant que si le préfet doit, en vertu des dispositions précitées de l'article 188-5 du code rural, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont lesdites dispositions prescrivent de tenir compte ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme Z..., le préfet de la Somme a, pour autoriser M. X... à exploiter les 6 hectares 6 ares 30 centiares de terres litigieuses, tenu compte tant de la situation familiale respective des agriculteurs concernés que de la situation des biens objet de la demande ; que, dès lors l'arrêté du 14 janvier 1987 était suffisamment motivé ;
Considérant que ni les dispositions précitées de l'article 188-5 du code rural, ni celles de l'arrêté du 28 octobre 1985 établissant le schéma directeur départemental des structures du département de la Somme, ne subordonnent la prise en compte, par le préfet, des orientations définies par le schéma directeur et des priorités arrêtées en fonction de ces orientations à la condition que la superficie respective des exploitations du demandeur et du preneur en place soit inférieure à la surface minimum d'installation ; que par suite en prenant en compte ces orientations et ces priorités pour prendre son arrêté du 14 janvier 1987, le préfet de la Somme a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 188-5 du code rural ;

Considérant qu'en accordant à M. X..., âgé de 32 ans, marié et père de deux enfants à charge, disposant d'une exploitation de 119 hectares, l'autorisation d'ajoindre à son exploitation 6 hectares situés à deux kilomètres de sa ferme, précédemment cultivés par M. Y..., âgé de 53 ans, n'ayant plus qu'un enfant à charge et exploitait 123 hectares, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation au regard des critères énumérés par l'article 188-5 du code rural ;
Considérant que, du fait de l'indépendance de la législation du contrôle des structures des exploitations agricoles et de celle des baux ruraux, M. et Mme Z... ne sauraient utilement se prévaloir de la procédure engagée par eux devant le tribunal paritaire des baux ruraux concernant la validité du congé qui leur a été délivré pour la parcelle en cause ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme Z... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par un jugement n° 87231 du 21 novembre 1989, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;
Article 1er : Le jugement n°-87393 en date du 21 novembre 1989 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par MM. Jacques et Philippe X... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : La requête n° 114649 de M. et Mme Z... est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Denis Y..., à M. et Mme Z..., à MM. Jacques et Philippe X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 114648;114649
Date de la décision : 28/10/1994
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 AGRICULTURE - EXPLOITATIONS AGRICOLES - CUMULS - CUMULS D'EXPLOITATIONS -Faculté pour le préfet de délivrer plusieurs autorisations portant sur les mêmes terres.

03-03-03-01 En application de l'article 188-5 du code rural, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 juillet 1980 modifiée par celle du 1er avril 1984, le préfet, saisi de plusieurs demandes d'autorisation de reprise portant sur les mêmes terres et relevant du même ordre de priorité en application du schéma directeur départemental des structures, peut légalement faire droit à plusieurs de ces demandes.


Références :

Code rural 188-5
Loi 80-502 du 04 juillet 1980
Loi 84-471 du 01 août 1984


Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 1994, n° 114648;114649
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Jactel
Rapporteur public ?: M. Daël
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:114648.19941028
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