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25/11/1994 | FRANCE | N°99579

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 25 novembre 1994, 99579


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 juin 1988 et 28 octobre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Louise X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 24 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande contre les cinq arrêtés de débet pris à son encontre par le ministre des finances le 10 octobre 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n°

62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le code des tribunaux administratifs e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 juin 1988 et 28 octobre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Louise X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 24 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande contre les cinq arrêtés de débet pris à son encontre par le ministre des finances le 10 octobre 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,- les observations de Me Ryziger, avocat de Mme Marie-Louise X...,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 84 du décret du 29 décembre 1962 en vigueur à la date des arrêtés de débet attaqués du 10 octobre 1985 : "Les ordres de recettes émis par les ministres à l'encontre ... de tout comptable public sont dénommés arrêtés de débet. Il en est de même des ordres de recettes émis par les ministres à l'encontre de toute personne tenue de rendre compte soit de l'emploi d'une avance reçue, soit de recettes destinées à un organisme public" ; qu'aux termes du XI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, "toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste, doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés. Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation existante. Les gestions irrégulières entraînent pour leurs auteurs, déclarés comptables de fait par la cour des comptes, les mêmes obligations et responsabilités que les gestions patentes pour les comptables publics. Néanmoins, le juge des comptes peut, hors le cas de mauvaise foi ou d'infidélité du comptable de fait, suppléer par des considérations d'équité à l'insuffisance des justifications produites." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante, alors en service à la trésorerie principale de Paris du 8ème arrondissement, a détourné à son profit entre 1975 et 1985 des sommes constitutives de trop-perçus alors qu'elle était chargée d'informer les contribuables concernés et de préparer les mandats nécessaires à les rembourser ; qu'elle a été condamnée pour ces faits par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 15 décembre 1988 ; qu'elle conteste la légalité des arrêtés de débet du 10 octobre 1985 par lesquels le ministre des finances l'a constituée débitrice envers le trésor des sommes dont s'agit ;
Considérant, en premier lieu, que si l'article 2 des arrêtés de débet attaqués par Mme X... se borne à la "déclarer responsable du déficit" que l'article 1er de ces arrêtés constate et met à la charge du comptable patent, sans que l'intéressée y soit expressément "mise en débet", il résulte de l'instruction que ces arrêtés ont bien eu pour objet et pour effet de mettre en oeuvre en ce qui la concerne, la procédure prévue à l'encontre des comptables par l'article 84 précité du décret du 29 décembre 1962 ; que le moyen selon lequel les arrêtés attaqués n'auraient pas, en ce qui la concerne, le caractère d'arrêtés de débet, manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que le comportement de Mme X... la fait entrer dans le champ de l'article 84 précité du décret du 29 décembre 1962 ; que le XI précité de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, qui définit les conditions dans lesquelles une personne peut se voir reconnaître la qualité de comptable de fait, ne doit pas être interprété comme donnant à la cour des comptes une compétence exclusive pour reconnaître et mettre en débet une personne entrant dans le champ de l'article 84 du décret du 29 décembre 1962 ; que Mme X... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le ministre des finances aurait été incompétent pour prendre, en application dudit article 84, un arrêté de débet à son encontre ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que les sommes détournées correspondent à des trop-perçus d'impôts dont la requérante était chargée de préparer le remboursement aux contribuables concernés, n'a pas pour effet de retirer à ces sommes le caractère de deniers publics ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la qualité de comptable de fait n'aurait pu être légalement reconnue à la requérante, faute pour elle d'avoir détourné des deniers publics, doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, et comme il résulte du XI précité de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 qui fait référence à l'éventualité de la "mauvaise foi ou de l'infidélité" du comptable de fait, cette qualité peut être reconnue à la personne qui détourne à son profit des deniers publics, même si ce comportement relève, par ailleurs, des juridictions répressives ; que le moyen tiré de ce que la qualité de comptable de fait ne pourrait être légalement reconnue à une personne détournant des fonds publics à son profit, doit donc être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que les arrêtés de débet n'ayant d'autre objet que de constituer l'intéressée débitrice des sommes dont s'agit envers le Trésor public, la circonstance que ses biens avaient fait l'objet, à la date à laquelle ont été signés ces arrêtés, d'une saisie conservatoire ordonnée par le juge d'instruction, ne saurait affecter la légalité de ces arrêtés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 des arrêtés de débet attaqués ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Louise X... et au ministre du budget.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 99579
Date de la décision : 25/11/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - RESPONSABILITE - Compétence du ministre des finances pour prendre un arrêté de débet à l'encontre d'un comptable de fait (1).

18-01-03, 18-03-02-01-03 Agent d'une trésorerie principale ayant détourné à son profit des sommes constitutives de trop-perçus dont elle devait préparer le remboursement. Ces faits font entrer l'intéressé dans le champ de l'article 84 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 qui permet au ministre d'émettre des ordres de recettes dénommés arrêtés de débet. L'article 60-XI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, qui définit les conditions dans lesquelles une personne peut se voir reconnaître la qualité de comptable de fait, ne doit pas être interprété comme donnant à la Cour des comptes une compétence exclusive pour reconnaître et mettre en débet une personne entrant dans le champ dudit article 84.

- RJ1 COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCEDURE - ARRETE DE DEBET - Compétence du ministre des finances pour prendre un arrêté de débet à l'encontre d'un comptable de fait (1).


Références :

Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 84
Loi 63-156 du 23 février 1963 art. 60 Finances pour 1964

1. Inf. CAA Nancy 1993-08-06, Mme Boursier, T. p. 692


Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 1994, n° 99579
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Aberkane
Rapporteur public ?: M. du Marais

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:99579.19941125
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