Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 juin 1994 et 18 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... demeurant au centre pénitentiaire à Fresnes Cedex (94261) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret en date du 5 mai 1994 accordant son extradition aux autorités américaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-américaine d'extradition du 6 janvier 1909 et la convention additionnelle du 12 février 1970 publiées au Journal officiel des 5 et 23 juillet 1911 et du 17 avril 1971 ;
Vu la convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lemaître, Monod, avocat de M. Raymond X... alias Chochana,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'extradition :
Considérant que les pièces fournies à l'appui de la demande d'extradition présentée par les autorités américaines à l'encontre de M. X... et versées au dossier, à savoir deux mandats d'arrêt décernés contre l'intéressé par la justice fédérale des Etats-Unis d'Amérique, ainsi que l'acte d'accusation et les dépositions les accompagnant, sont des copies des documents originaux, certifiées conformes par le greffe du tribunal fédéral du district du Connecticut ; qu'elles présentent ainsi les garanties d'authenticité requises ; que la demande d'extradition répondait donc aux exigences posées par l'article 3 de la convention franco-américaine du 6 janvier 1909, en vertu desquelles la demande d'extradition lorsqu'elle concerne un fugitif, doit être accompagnée d'une copie authentique du mandat d'arrêt et des dépositions ou autres preuves au vu desquelles le mandat a été décerné ;
Sur la motivation du décret d'extradition :
Considérant que le décret du 5 mai 1994 accordant aux autorités américaines l'extradition de M. X... énumère les différentes infractions pour lesquelles ce dernier est recherché par la justice américaine et précise, d'une part, que les faits qui lui sont reprochés sont punissables en droit français, qu'ils ne sont pas couverts par la prescription et n'ont pas un caractère politique, d'autre part, que les infractions ont été constatées de telle façon que les lois françaises justifieraient l'arrestation et la mise en jugement de l'intéressé si elles avaient été commises en France ; que l'omission de la mention des articles du code pénal, qualifiant et réprimant les agissements en cause de M. X... ne saurait entacher d'irrégularité le décret attaqué, qui satisfait aux exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne du décret d'extradition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention franco-américaine précitée, "l'extradition n'aura lieu que dans le cas ou l'existence de l'infraction sera constatée de telle façon que les lois du pays où le fugitif sera trouvé justifieraient son arrestation et sa mise en jugement si le crime ou délit y avait été commis" ; qu'il ressort du dossier et notamment, d'ailleurs, de l'arrêt du 12 juillet 1993 de la cour d'appel de Paris donnant avis sur la demande d'extradition de M. X... que les preuves retenues à l'encontre de ce dernier et sur lesquelles se sont fondées les autorités américaines auraient justifié son arrestation et sa mise en jugement en France, si les faits y avaient été commis ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1 bis de la convention précitée : "Sans préjudice des dispositions de la présente convention relatives à la compétence, lorsque l'infraction a été commise en dehors du territoire des deux Etats, l'extradition peut être accordée si la législation de l'Etat requis prévoit la punition d'une telle infraction dans des circonstances analogues" ; que l'article 113-2 alinéa 2 du code pénal dispose : "L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les inculpations d'association de malfaiteurs, d'entente en vue de blanchiment des capitaux illégaux provenant du trafic de stupéfiants et de blanchiment de capitaux provenant de ce trafic, dont M. X... est l'objet, sont fondées sur sa participation, à partir d'Israël, à des opérations de blanchiment effectuées aux Etats-Unis ; qu'en cas de participation dans des circonstances analogues à des opérations de blanchiment effectuées en France, l'infraction serait réputée commise sur le territoire de la République et punissable en France ; que dès lors, les conditions posées par les stipulations de l'article 1 bis précité sont remplies ;
Considérant que si les infractions en cause ne sont pas incluses dans la liste de l'article 2 de la convention franco-américaine précitée, elles le sont dans la liste de l'article 3 paragraphe 1 de la convention de Vienne du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ; qu'aux termes de l'article 6 de cette même convention, les infractions visées à l'article 3 sont de plein droit incluses dans tout traité d'extradition en vigueur entre les Etats parties à la convention en tant qu'infractions dont l'auteur peut être extradé ; qu'il résulte donc de la combinaison de l'article 1er de la convention franco-américaine et des articles 3 et 6 de la convention de Vienne, à laquelle sont parties la France et les Etats-Unis, que les infractions reprochées à M. X... peuvent légalement donner lieu à extradition ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret accordant son extradition aux autorités américaines ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.