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22/02/1995 | FRANCE | N°154891

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 22 février 1995, 154891


Vu la requête enregistrée le 30 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Guo Z...
Y... demeurant ... ; M. Y... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 novembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 novembre 1993, par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamne

r l'Etat à lui verser la somme de 5 930 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les a...

Vu la requête enregistrée le 30 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Guo Z...
Y... demeurant ... ; M. Y... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 novembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 novembre 1993, par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 930 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête de M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il est constant que M. Y..., ressortissant chinois à qui la qualité de réfugié politique a été refusée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 22 mai 1987 confirmée par la commission des recours des réfugiés le 7 décembre 1987, se trouvait dans l'un des cas où, en application de l'article 22-I-6° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet pouvait ordonner qu'il soit reconduit à la frontière ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. Y... en France et notamment au fait que l'intéressé, entré en France en mars 1987, s'est marié le 5 novembre 1993 avec Mlle X..., avec laquelle il déclare sans être contredit qu'il a vécu depuis son arrivée en France, qui attendait un enfant à la date de l'arrêté attaqué, a été naturalisée française par un décret du 19 mars 1993 et justifie d'un emploi stable, que l'arrêté du 9 novembre 1993 par lequel le préfet de police de Paris a ordonné la reconduite à la frontière de M. Y... porte au droit au respect de la vie familiale de celui-ci une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 9 novembre 1993 du préfet de police de Paris ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 11 novembre 1993 et l'arrêté du préfet de police de Paris du 9 novembre 1993 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guo Z...
Y..., au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 154891
Date de la décision : 22/02/1995
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE (ART - 8) - VIOLATION - RECONDUITE A LA FRONTIERE - Etranger marié à une Française dont il attend un enfant.

26-055-01-08-02-03, 335-03-02-02 Méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme l'arrêté du 9 novembre 1993 ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger entré en France en 1987, et à qui la qualité de réfugié politique avait été refusée, mais qui avait épousé le 5 novembre 1993 une personne avec qui il vivait depuis son arrivée en France, laquelle attendait un enfant à la date de l'arrêté attaqué, avait été naturalisée française quelques mois auparavant et justifiait d'un emploi stable.

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE - Article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme - Violation - Etranger marié à une Française dont il attend un enfant.


Références :

Convention européenne du 04 novembre 1950 droits de l'homme art. 8
Décret du 19 mars 1993
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 1995, n° 154891
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:154891.19950222
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