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12/04/1995 | FRANCE | N°144346

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 12 avril 1995, 144346


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 janvier et 12 mai 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES LANDES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES LANDES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 4 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé, sur les demandes formées par Electricité et Gaz de France, les articles D 6, D 12, D 14 et les alinéas 2, 8, 18 et 19 de l'article D 15 du règlement de voirie pris par délibération en date

du 2 septembre 1988 du conseil général ;
2°) rejette les demandes pré...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 janvier et 12 mai 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES LANDES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES LANDES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 4 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé, sur les demandes formées par Electricité et Gaz de France, les articles D 6, D 12, D 14 et les alinéas 2, 8, 18 et 19 de l'article D 15 du règlement de voirie pris par délibération en date du 2 septembre 1988 du conseil général ;
2°) rejette les demandes présentées devant le tribunal administratif par Electricité de France et Gaz de France ;
3°) condamne ces établissements publics à lui verser une somme de 17 790 F. en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 juin 1906 ;
Vu le décret du 29 juillet 1927 ;
Vu le décret du 15 octobre 1985 ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du DEPARTEMENT DES LANDES, et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France et de Gaz de France,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de l'appel principal du DEPARTEMENT DES LANDES :
Sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement :
Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir omis de répondre à une fin de non-recevoir a été présenté pour le première fois après l'expiration du délai d'appel ; que par suite il n'est pas recevable ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 10 de la loi du 15 juin 1906 applicable au transport d'énergie électrique à la date de la délibération attaquée : "La concession confère à l'entrepreneur le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des règlements d'administration publique prévus à l'article 18 ci-après", et qu'aux termes de l'article 30 du décret du 15 octobre 1985 relatif au régime des transports de gaz combustibles par canalisations également applicable : " ...le transporteur a le droit d'exécuter sur et sous les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et l'entretien des ouvrages de transport de gaz en se conformant aux conditions du cahier des charges, pour les ouvrages concédés ou susceptibles de l'être, aux règlements de voirie, aux dispositions réglementaires en vigueur et notamment à celles relatives à la coordination des travaux affectant le sol et le soussol des voies publiques et leurs dépendances" ;
En ce qui concerne l'article D 6 du règlement de voirie du DEPARTEMENT DES LANDES :
Considérant qu'aux termes de l'article D 6 susmentionné : "Les reculs minimum qui s'appliquent aux constructions s'appliquent également aux réseaux aériens et souterrains, parallèles à la voie, sur les CD de 1°, 2°, 3° et 4° catégories ..." ; que ces dispositions contiennent des prescriptions impératives, et non de simples directives, contrairement à ce que soutient le DEPARTEMENT DES LANDES, qui n'est dès lors pas fondé à soutenir que les conclusionstendant à leur annulation seraient irrecevables ;
Considérant qu'en imposant ainsi aux réseaux un recul variant de 8 à 20 mètres par rapport à l'axe médian des chaussées, l'article D 6 a, même s'il prévoit des dérogations à cette règle, porté aux droits des concessionnaires d'occuper le domaine public une atteinte qui ne trouve pas de justification dans les nécessités de la protection de ce domaine ; que son illégalité a par suite été retenue à bon droit par le jugement attaqué ;
En ce qui concerne les alinéas 1, 2 et 4 de l'article D 12 du règlement de voirie :

Considérant que les dispositions susmentionnées de l'article D 12 du règlement de voirie obligent les concessionnaires utilisant des réseaux aériens à implanter leurs ouvrages à 6 mètres au moins du bord de la chaussée des voies de 1° et 2° catégorie, sauf pour les poteaux d'une section inférieure à une dimension donnée ; que si la protection de la sécurité des utilisateurs du domaine routier pouvait justifier qu'en des lieux précis soient imposés à Electricité de France des aménagements de ses ouvrages de nature à limiter les conséquences dommageables d'accidents susceptibles de survenir sur la voie publique avec un degré de probabilité plus élevé que sur les autres parties du domaine public départemental, le DEPARTEMENT DES LANDES, en étendant à l'ensemble des voies de 1° et 2° catégorie l'obligation de reculer les ouvrages aériens de 6 mètres par rapport à la limite de la chaussée, a porté aux droits de ce concessionnaire une atteinte générale qui ne peut trouver sa justification dans les nécessités de la sauvegarde de la sécurité publique ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les dispositions susmentionnées ;
En ce qui concerne l'article D 14 du règlement de voirie :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de cet article : "L'implantation de réseaux dans le domaine public départemental ne peut être autorisée que sous réserve que celle-ci ne représente aucun coût immédiat ou à venir pour la collectivité départementale" ; que cette disposition, dont le second alinéa du même article ne réduit pas la portée, implique que dans tous les cas et notamment lorsque le réseau doit être déplacé pour des raisons étrangères à l'intérêt du domaine concédé, le propriétaire d'un réseau prenne à sa charge les frais des travaux rendus nécessaires par la présence de ce réseau ; qu'une telle disposition est entachée d'erreur de droit ; que le DEPARTEMENT DES LANDES n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif en a prononcé l'annulation ;
En ce qui concerne les alinéas 2, 8, 18 et 19 de l'article D 15 du règlement de voirie :
Considérant en premier lieu que les prescriptions de l'alinéa 2, imposant, pour les réseaux enterrés, une implantation déterminée ainsi que l'emploi de gaines ou dispositifs permettant leur entretien ou remplacement sans ouverture de tranchées, ne se bornent pas à réglementer l'exercice par les concessionnaires de leur droit d'occupation du domaine, mais les obligent à utiliser des modalités techniques d'exploitation échappant à la compétence du conseil général ; qu'elles ont été à bon droit annulées par le jugement attaqué ;

Considérant en deuxième lieu que l'alinéa 8 met à la charge du concessionnaire le coût de la remise dans son état primitif de la chaussée et ses accessoires après exécution de travaux sur les réseaux enterrés, ainsi que l'entretien pendant deux ans des travaux de remise en état ; qu'en n'écartant pas l'obligation de remise en état dans les cas où le concessionnaire n'estpas tenu d'intervenir à ses frais sur son réseau, d'une part, et en fixant d'autre part une obligation générale d'entretien pendant deux ans, alors que la durée, voire l'existence d'une telle obligation dépendent des circonstances de fait et de droit dans lesquelles s'exécutent les travaux d'entretien, le conseil général des Landes a entaché l'alinéa 8 susmentionné d'erreurs de droit justifiant son annulation par le jugement attaqué ;
Considérant en troisième lieu que les alinéas 18 et 19 prévoient d'une part que le concessionnaire devra ouvrir des tranchées sur les parties de conduite qui lui seront désignées, et rétablir ensuite la voie "sans pouvoir en raison de ces faits réclamer aucune indemnité" si ces interventions sont ordonnées "dans un intérêt de police ou de sécurité", d'autre part que le président du conseil général a le droit "de faire changer l'emplacement des conduites ou même de les faire supprimer" ;
Considérant qu'en fondant l'obligation pour le concessionnaire d'intervenir à ses frais sur son réseau sur l'intérêt de la police ou de la salubrité, sans limiter l'intérêt ainsi énoncé à celui du domaine public concédé et en conférant au président du conseil général le droit, sans limitation, de faire changer l'emplacement des conduites ou de les faire supprimer, les dispositions susmentionnées portent au droit d'occuper le domaine public que détiennent Electricité de France et Gaz de France une atteinte excessive ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DES LANDES n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions des appels incidents d'Electricité de France et de Gaz de France :
Considérant que ces conclusions ne présentent pas à juger un litige distinct de celui qui fait objet de l'appel principal ; que par suite elles sont recevables ;
Considérant en premier lieu que l'article D 13 du règlement de voirie édicte l'obligation pour tout propriétaire d'un réseau implanté sur ou sous le domaine public, d'être titulaire d'une permission de voirie ; que si, en ce qui concerne Electricité de France et Gaz de France, l'exécution des travaux qu'envisagent ces établissements sur le fondement des textes précités peut être légalement soumise à autorisation de la part de l'autorité gestionnaire du domaine public, dans un but de police et de coordination des tranches de travaux prévues par les titulaires du droit d'occupation du domaine public routier, le droit permanent de ces établissements d'occuper ledit domaine ne saurait être légalement subordonné à la délivrance d'une permission de voirie ; que par suite Electricité de France et Gaz de France sont fondés, par leurs conclusions incidentes, à demander l'annulation de l'article D 13 du règlement de voirie dont s'agit en ce qu'il s'applique aux implantations effectuées par eux sur le fondement des textes précités :

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'alinéa 5 de l'article D 15 : "Les tranchées longitudinales ne peuvent être ouvertes qu'au fur et à mesure de la construction des aqueducs ou de la pose des conduites.." ; que ces dispositions se bornent à interdire d'ouvrir des tranchées avant le commencement des opérations de pose, ou simultanément à ces opérations sur une longueur excédant ce qu'exigent, compte-tenu des options techniques retenues, ces opérations ; que le moyen tiré par Gaz de France de ce que l'alinéa en cause lui interdirait de recourir à la pose de canalisations en polyéthylène qui nécessite l'ouverture, en une seule fois, de tranchées d'une grande longueur manque ainsi en fait ; que par suite ses conclusions incidentes tendant à l'annulation de cet alinéa doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'Electricité de France et Gaz de France, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à verser au DEPARTEMENT DES LANDES la somme qu'il demande en application de ces dispositions ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le DEPARTEMENT DES LANDES à verser à Electricité de France et à Gaz de France la somme qu'ils réclament au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DES LANDES est rejetée.
Article 2 : L'article D 13 du règlement de voirie du DEPARTEMENT DES LANDES, approuvé par délibération en date du 18 janvier 1988 du conseil général, est annulé en tant qu'il s'applique à l'implantation des ouvrages réalisés par Electricité de France, d'une part, et par Gaz de France pour le transport de gaz, d'autre part.
Article 3 : Le jugement en date du 4 novembre 1992 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le DEPARTEMENT DES LANDES versera à Electricité de France et à Gaz de France une somme de 10 000 F chacun en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5: Le surplus des conclusions de Gaz de France est rejeté.
Article 6: La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES LANDES, à Electricité de France, à Gaz de France et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 144346
Date de la décision : 12/04/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - AUTORISATIONS UNILATERALES - Permission de voirie - Dispositions d'un règlement de voirie obligeant Electricité de France et Gaz de France à être titulaires d'une permission de voirie - Illégalité.

24-01-02-01-01-01, 29-04, 71-02-03 Règlement départemental de voirie édictant l'obligation pour tout propriétaire d'un réseau implanté sur ou sous le domaine public d'être titulaire d'une permission de voirie. Si l'exécution des travaux qu'envisagent Electricité de France et Gaz de France sur le fondement de la loi du 15 juin 1906 applicable au transport d'énergie électrique et du décret du 15 octobre 1985 relatif au régime des transports de gaz combustibles par canalisations peut être légalement soumise à autorisation de la part de l'autorité gestionnaire du domaine public, dans un but de police et de coordination des tranches de travaux prévues par les titulaires du droit d'occupation du domaine public routier, le droit permanent de ces établissements d'occuper ledit domaine ne peut être légalement subordonné à la délivrance d'une permission de voirie. Annulation de l'article en cause du règlement de voirie en ce qu'il s'applique à l'implantation des ouvrages réalisés par Electricité de France et Gaz de France.

ELECTRICITE - LIGNES ELECTRIQUES - Implantation de lignes électriques - Règlement de voirie soumettant cette implantation à une permission de voirie - Illégalité.

54-08-01-02-02 Appel principal tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif, à la demande d'Electricité de France et de Gaz de France, a annulé certains articles du règlement de voirie adopté par un conseil général. Le demandeur de première instance est recevable, par la voie de l'appel incident, à contester le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre d'autres articles de ce règlement.

- RJ1 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES - Litige distinct - Absence - Conclusions incidentes portant sur des dispositions d'un règlement départemental de voirie distinctes de celles qui font l'objet de l'appel principal (1).

VOIRIE - REGIME JURIDIQUE DE LA VOIRIE - OCCUPATIONS PRIVATIVES DE LA VOIE PUBLIQUE - Permission de voirie - Dispositions d'un règlement de voirie obligeant Electricité de France et Gaz de France à être titulaire d'une permission de voirie - Illégalité.


Références :

Décret 85-1108 du 15 octobre 1985 art. 30
Loi du 15 juin 1906 art. 10
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. 1988-06-03, Electricité de France et Gaz de France, p. 225


Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 1995, n° 144346
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Chabanol
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:144346.19950412
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