Vu le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE, enregistré le 24 mars 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 10 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de Mme Jeanne X..., la décision du préfet de la Gironde en date du 7 novembre 1989 refusant d'attribuer à Mme X... l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi prévue par une convention conclue le 27 février 1989 entre le préfet de la Gironde et la société X... ;
2° de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 77-1288 du 24 novembre 1977 ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Debat, Auditeur,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.322-4 du code du travail : "Dans les cas prévus au présent article, peuvent être attribuées par voie de conventions conclues ... avec les entreprises : ... 2° des allocations spéciales en faveur de certaines catégories de travailleurs âgés lorsqu'il est établi qu'ils ne sont pas aptes à bénéficier de mesures de reclassement" ; qu'aux termes de l'article R.322-1 du même code, ces conventions comportent "2° des mesures temporaires assurant ... certaines garanties de ressources aux travailleurs privés de tout ou partie de leur rémunération par suite de circonstances économiques" et qu'aux termes de l'article R.322-7, dans sa rédaction résultant du décret du 15 avril 1987 : "Les conventions mentionnées à l'article R.322-1 (2°) peuvent prévoir l'attribution d'une allocation spéciale pour les travailleurs âgés faisant l'objet d'un licenciement économique qui, selon une procédure qui doit être fixée par chaque convention, auront été déclarés non susceptibles d'un reclassement ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société X... a conclu le 27 février 1989 avec le préfet de la Gironde, en application des dispositions précitées de l'article R.322-7 du code du travail, une convention prévoyant l'attribution d'une allocation spéciale pour certains de ses salariés licenciés pour motif économique ; que, par une décision du 7 novembre 1989, le préfet de la Gironde a refusé le bénéfice de cette allocation à Mme X... au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de salariée ; que le préfet de la Gironde, qui était compétent pour conclure la convention avec la société X..., en vertu des dispositions de l'article R.322-1 du code du travail, était également compétent, en vertu des dispositions combinées du B de l'article 2 du décret susvisé du 24 novembre 1977 et de l'article 6 du décret susvisé du 10 mai 1982, pour se prononcer sur l'attribution à Mme X... de l'allocation spéciale prévue par la convention ; que c'est dès lors à tort que, pour annuler la décision du préfet de la Gironde en date du 7 novembre 1989, le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompétence de l'autorité administrative pour prendre une telle décision ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen soulevé par Mme X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article L.322-4 du code du travail subordonnent le droit à l'attribution des allocations spéciales qu'elles prévoient à la condition, notamment, que le bénéficiaire ait la qualité de salarié ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions du registre du commerce ainsi que d'une attestation signée par le président-directeur général de la société X... que Mme X... était administrateur et directeur général de cette société lorsqu'elle a cessé d'y exercer ses fonctions ; qu'il ressort clairement de l'ensemble des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion du conseild'administration qui s'est tenue le 29 décembre 1986 et au cours de laquelle Mme X..., si elle a été alors remplacée par son fils dans les fonctions de président-directeur général qu'elle exerçait jusque là, a été nommée directeur général avec maintien, pour l'essentiel des pouvoirs et de l'autonomie dont elle disposait antérieurement, que Mme X... n'exerçait pas ses fonctions dans l'état de subordination qui caractérise le statut de salarié ; que l'intéressée ne saurait dès lors sérieusement contester sa qualité de non salariée sur laquelle s'est fondée le préfet de la Gironde pour refuser de lui attribuer, par sa décision du 7 novembre 1989, l'allocation spéciale du fonds national pour l'emploi ; que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du préfet de la Gironde en date du 7 novembre 1989 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 octobre 1991 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, du dialogue social et de la participation et à Mme Jeanne X....