Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février 1994 et 13 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Djebril Mary X..., demeurant ..., chambre 87 à Sevran (93270) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 17 décembre 1993 par laquelle la Commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 juillet 1993 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 6 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocle signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez , avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de la Commission des recours des réfugiés :
Considérant qu'en vertu de l'article 5 de la loi susvisée du 25 juillet 1952 la commission des recours est compétente pour statuer sur les recours formés par les étrangers et apatrides auxquels l'office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître la qualité de réfugié ; qu'il est constant que M. X... a demandé à cet office, le 2 mars 1993, la reconnaissance de la qualité de réfugié, en se fondant sur les stipulations de la Convention de Genève susvisée, puis a saisi la Commission des recours des réfugiés, le 26 août suivant, d'un recours contre la décision, en date du 29 juillet 1993, par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande ; qu'ainsi le directeur de l'office, en vertu de l'article 2 de la loi précitée du 25 juillet 1952, était compétent pour prendre la décision administrative attaquée, et la commission des recours des réfugiés, saisie d'un recours juridictionnel contre cette décision, avait elle-même compétence pour se prononcer, ainsi qu'elle l'a fait par la décision attaquée, sur le droit de M. X... à la qualité de réfugié d'après l'ensemble des circonstances dont il était justifié à la date de sa décision, intervenue le 17 décembre 1993 ;
Considérant, il est vrai, que le requérant soulève un moyen visant à établir l'incompétence de la commission et tiré de ce que, devant celle-ci, il a invoqué, non seulement la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, mais aussi le quatrième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel "tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République" ; que le requérant invoque à cet effet le caractère constitutionnel du principe du respect du droit d'asile, qui résulte tant de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 que de l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, issu de la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 ;
Mais considérant que saisie d'un recours contre une décision de l'OFPRA refusant la qualité de réfugié à M. X... sur la base de la Convention de Genève, la Commission des recours des réfugiés était tenue de statuer sur le recours de celui-ci, même si le requérant fondait en partie son recours sur le quatrième alinéa du Préambule de 1946 ; que c'est sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les écritures du requérant, contrairement à ce que soutient celui-ci, que la commission des recours a analysé cette argumentation comme constituant, non des conclusions distinctes de celles tendant à obtenir la reconnaissance de la qualité de réfugié, mais comme un moyen à l'appui de ces conclusions ;
Considérant, enfin, que si M. X... invoque la loi du 30 décembre 1993, qui, à la suite de l'intervention de la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993, a modifié l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ne saurait, en tout état de cause, le faire utilement, cette loi étant postérieure à la décision attaquée de la commission des recours des réfugiés ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que l'affaire a été renvoyée par la section à laquelle elle avait été attribuée à la formation des "sections réunies", le 27 octobre 1993 ; que, d'une part, ce renvoi constitue une faculté ouverte à chaque section de la commission des recours des réfugiés par l'article 15-1 ajouté au décret du 2 mai 1953 susvisé par le décret du 30 juillet 1992 ; que, d'autre part, aucun texte ni aucun principe n'exige qu'une ordonnance de renvoi soit prise pour attribuer ainsi une affaire aux sections réunies ;
Au fond :
Considérant qu'en estimant que "ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique ne permettent de tenir pour établis les faits allégués concernant les persécutions qu'aurait subies le requérant en raison de son opposition politique au régime en place au Mali et pour fondées les craintes de persécutions ... énoncées par l'intéressé en cas de retour dans son pays en raison de ses opinions politiques", la commission a souverainement apprécié les faits de la cause ; que c'est également par une appréciation souveraine qu'elle a dénié à certains documents produits par M. X... toute valeur probante ou tout caractère d'authenticité ;
Considérant, enfin, que la commission n'a commis aucune erreur de droit en regardant l'action alléguée par le requérant en faveur de la liberté comme l'une des formes de l'action politique à raison de laquelle il soutenait avoir subi et craindre pour l'avenir des persécutions ; que c'est par une appréciation souveraine qu'elle a tenu pour non établis les faits constitutifs, selon le requérant, de cette action ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision susvisée, en date du 17 décembre 1993, qui est suffisamment motivée, de la commission des recours des réfugiés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Djebril Mary X... et au ministre des affaires étrangères (office français de protection des réfugiés et apatrides).