Vu la requête enregistrée le 3 mai 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Nersez X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, par le ministre de l'intérieur, de sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 19 juillet 1983 ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, tel que modifié par la loi n° 81-973 du 20 octobre 1981 : "Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace pour l'ordre public. L'arrêté d'expulsion peut, à tout moment, être abrogé par le ministre de l'intérieur ..." ;
Considérant que M. X..., ressortissant turc d'origine arménienne, a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 21 décembre 1984 pour association de malfaiteurs, en raison de ses liens avec l'organisation "Armée secrète arménienne pour la libération de l'Arménie" (ASALA), qui avait revendiqué la responsabilité de l'attentat commis à l'aéroport d'Orly, le 15 juillet 1983 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de faire droit à la demande présentée le 27 novembre 1990 par M. X..., qui tendait à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 25 juillet 1983, l'intéressé, ainsi qu'il l'affirme sans être contredit, n'avait plus de lien avec l'ASALA ; qu'il avait suivi des stages de formation et occupé un emploi régulier ; que le ministre de l'intérieur ne se prévaut d'aucun fait pour soutenir que M. X... constituait encore, à la date de la décision attaquée, une menace pour l'ordre public ; que, par suite, son refus d'abroger l'arrêté d'expulsion de M. X... doit être regardé comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre de l'intérieur ;
Article 1er : Le jugement du 10 juillet 1992 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La décision implicite de rejet, par le ministre de l'intérieur, de la demande de M. X... tendant à l'abrogation de l'arrêté du 19 juillet 1983, prononçant son expulsion du territoire français, est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Nersez X... et au ministre de l'intérieur.