Vu la requête enregistrée le 20 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Jeannine X..., demeurant à la maison d'arrêt de Gradignan (Gironde) ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 12 septembre 1995 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités belges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2-1 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : "Lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue ou qu'une mesure de sûreté a été infligée sur le territoire de la partie requérante, la sanction prononcée devra être d'une durée d'au moins quatre mois" ; que l'extradition de Mme X... a été demandée et accordée, par le décret attaqué en date du 12 septembre 1995, pour l'exécution d'une peine de trois ans d'emprisonnement prononcée contre elle par la cour d'appel de Liège le 15 juillet 1994, déduction faite de la durée de la détention préventive subie par la requérante du 11 juin au 4 septembre 1990 et du 31 mai au 15 juillet 1994 ; qu'aucune règle applicable en l'espèce n'impose la déduction de la durée pendant laquelle la requérante a été placée en France sous écrou extraditionnel ;
Considérant qu'eu égard aux dispositions précitées de l'article 2-1 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qui se réfèrent exclusivement à la durée de la sanction prononcée, l'intervention d'une mesure de grâce est sans influence sur la légalité du décret attaqué au regard desdites dispositions ; que, dès lors, le moyen tiré par la requérante de ce qu'elle aurait bénéficié d'une mesure de grâce s'appliquant à une partie de la peine précitée doit être rejeté ;
Considérant que s'il résulte de l'article 18 de la loi du 10 mars 1927 que l'extradé doit être mis en liberté si, dans un délai d'un mois à compter de la notification du décret d'extradition, il n'a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition a trait à une mesure à prendre postérieurement à l'acte attaqué et est par suite inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable" ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces dispositions aient été méconnues au cours de la procédure qui a précédé la condamnation de la requérante à trois ans d'emprisonnement par un arrêt de la cour d'appel de Liège du 15 juillet 1994 ;
Considérant que si, aux termes de l'article 1er des réserves et déclarations du gouvernement français relatives à la convention européenne d'extradition précitée : "L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ou par un tribunal institué pour son cas particulier, ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté infligée par un tel tribunal", le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions n'est pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 12 septembre 1995 accordant son extradition aux autorités belges ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.