Vu la requête enregistrée le 30 juin 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police de Paris demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 avril 1995 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 mars 1995 décidant la reconduite à la frontière de M. Kirill Y... et sa décision fixant le pays de renvoi ;
2°) rejette la demande de M. Ter X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 portant publication de la convention relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Ter X... est entré en France en septembre 1992 pour y demander l'asile politique ; que si la qualité de réfugié lui a été refusée le 23 décembre 1992 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, celui-ci lui a en revanche reconnu le titre d'apatride par décision du 26 septembre 1994 ; que, se fondant sur ce qu'il s'était maintenu sur le territoire plus d'un mois après le refus, le 9 janvier 1995, d'une autorisation de séjour, le préfet de police de Paris a, par arrêté du 23 mars 1995, ordonné sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la convention relative au statut des apatrides, ratifiée par la France le 8 mars 1960 et publiée par décret du 4 octobre 1960 : "1- Les Etats contractants n'expulseront un apatride se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public ..." ; que, pour l'application de ces stipulations, une personne à qui le titre d'apatride a été délivré par l'office français de protection des réfugiés et apatrides doit être regardée, au sens des stipulations sus-reproduites, comme se trouvant régulièrement sur le territoire du pays dans lequel elle a formé la demande de ce titre ; que, par suite, les stipulations précitées de la convention relative au statut des apatrides faisaient obstacle à ce que M. Ter X..., à l'encontre de qui n'était invoquée aucune circonstance touchant à la sécurité nationale ou à l'ordre public, fasse l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que le préfet de police de Paris n'est en conséquence pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté susmentionné du 23 mars 1995 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. Ter X... la somme de 3 500 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du préfet de police de Paris est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. Ter X... une somme de 3 500 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au préfet de police de Paris, à M. Ter X... et au ministre de l'intérieur.