Vu le recours du ministre de la défense et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 1991 et 23 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de Mme X..., l'arrêté du 4 novembre 1986 rapportant l'arrêté du 10 septembre 1986 par lequel le ministre de la défense l'avait nommée au grade de secrétaire administratif en chef des services extérieurs du ministère de la défense ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 55-1649 du 16 décembre 1955 ;
Vu le décret n° 72-952 du 19 octobre 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 45 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite ... Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que si le fonctionnaire en détachement peut bénéficier, dans le corps dans lequel il est détaché, d'avancements d'échelon lesquels sont accordés en application des règles régissant sa fonction, en revanche, la possibilité pour le fonctionnaire détaché de bénéficier d'un avancement de grade dans le corps de détachement est subordonnée à l'existence d'une disposition en ce sens dans le statut particulier dudit corps ;
Considérant que si, aux termes du 3ème alinéa de l'article 15 du décret susvisé du 16 décembre 1955 modifié relatif au statut particulier des secrétaires administratifs et des secrétaires d'administration des administrations centrales de l'Etat : "Les fonctionnaires placés en position de détachement concourent pour l'avancement de grade et d'échelon avec les membres du corps dans lequel ils sont détachés", ces dispositions, qui prévoient la possibilité d'un avancement de grade au profit des fonctionnaires détachés dans un corps de secrétaires administratifs d'administration centrale, sont sans incidence sur la possibilité, pour les secrétaires administratifs des administrations centrales de l'Etat, d'être promus dans un corps de secrétaires administratifs des services extérieurs dans lequel ils sont détachés ; qu'au contraire, dès lors qu'aucune disposition du décret du 19 octobre 1972 relatif au statut particulier des secrétaires administratifs des services extérieurs du ministère de la défense n'autorise la promotion de grade des fonctionnaires en détachement dans ce corps, la décision du 10 septembre 1986 par laquelle le ministre de la défense avait promu Mme X..., secrétaire administratif des administrations centrales de l'Etat, au grade de secrétaire en chef dans le corps des secrétaires administratifs des services extérieurs du ministère de la défense dans lequel elle était détachée, si elle était créatrice de droits au profit de Mme X..., était illégale et a pu être rapportée dans le délai du recours contentieux par la décision attaquée du 4 novembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur le moyen tiré des dispositions du décret précité du 16 décembre 1955 pour regarder comme légale la promotion de Mme X... et, par suite, pour annuler la décision attaquée du 4 novembre 1986 qui la rapportait ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Considérant que si Mme X... soutient que les conditions d'avancement dans le corps des secrétaires administratifs des administrations centrales et dans celui des secrétaires administratifs des services extérieurs du ministère de la défense sont rigoureusement identiques, cette circonstance, à supposer qu'elle soit établie, est sans influence sur la légalité de sa promotion au grade de secrétaire administratif en chef dans le corps des secrétaires administratifs des services extérieurs du ministère de la défense dans lequel elle était détachée, ni, par suite, sur la légalité de la décision rapportant cette promotion ;
Considérant que la circonstance que Mme X... n'aurait pas changé de fonction à la suite de sa promotion de grade dans le corps de détachement, est également sans incidence sur la légalité de cette dernière promotion ;
Considérant que les dispositions de l'article 19 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 dont se prévaut Mme X... sont relatives au recrutement par voie de concours dans un corps autre que le corps de détachement et ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'égard des examens professionnels organisés pour l'avancement au sein d'un tel corps ;
Considérant enfin que Mme X... soutient que son inscription sur la liste des candidats admis à subir l'examen professionnel pour l'accès au grade de secrétaire administratif en chef des services extérieurs du ministère de la défense était créatrice de droits, et s'est donc illégalement trouvée implicitement rapportée du fait de la décision attaquée du 4 novembre 1986 intervenue postérieurement à l'expiration du délai du recours contentieux qui a couru dès l'établissement de ladite liste, le 20 août 1985 ; mais que cette autorisation donnée à Mme X... de subir ledit examen qui, comme la décision ultérieure de la promouvoir, n'était pas fondée sur une disposition expresse du statut du corps dans lequel elle était détachée et était donc illégale, pouvait par suite être rapportée dans le délai de recours contentieux ; que cette décision d'inscription, qui n'avait fait l'objet d'aucune publication, n'a été portée à la connaissance des tiers que lors de la publication, au Bulletin officiel des armées du 27 octobre 1986, de l'arrêté du 10 septembre 1986 par lequel le ministre a notamment promu Mme X... au grade de secrétaire administratif en chef ; qu'ainsi, le délai du recours contentieux contre la décision autorisant Mme X... à subir l'examen professionnel n'a couru qu'à compter du 27 octobre 1986 ; que, dès lors, cette décision d'inscription a pu être régulièrement retirée, dans le délai de recours contentieux, par l'arrêté attaqué du 4 novembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers annulant sa décision en date du 4 novembre 1986 ainsi que le rejet de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Poitiers en date du 23 octobre 1991 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à Mme X....